Question de Mme MORHET-RICHAUD Patricia (Hautes-Alpes - Les Républicains-A) publiée le 14/07/2016

Mme Patricia Morhet-Richaud attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, sur la filière arboricole fruitière. En France, cette filière représente 6 % de la totalité des exploitants agricoles. Les exploitations produisant des fruits mobilisent 9 % de la main-d'œuvre agricole et 27 % du salariat saisonnier. Plus de 70 % des exploitations fruitières sont pourvoyeurs d'emploi et les exploitations produisant des fruits à pépins sont celles qui emploient le plus de main-d'œuvre : le premier bassin de production est le sud-est, qui regroupe 49 % des exploitations, 50 % des superficies fruitières et 50 % de la main-d'œuvre.
La pomme reste la première production française avec 1,7 million de tonnes par an soit un cinquième de la production européenne.
Dans ce contexte, la prévention du risque de chute de hauteur est une problématique omniprésente qu'il convient d'aborder à l'aune de la réalité de l'arboriculture. En effet, la réglementation en vigueur prévoit de réaliser des travaux depuis un plan de travail conçu, installé et équipé de manière à garantir la sécurité des personnes, c'est-à-dire depuis une surface plane, horizontale et équipée de garde-corps. Le code du travail impose l'utilisation d'une plateforme de travail munie de tous les côtés de dispositifs de protection collective. L'utilisation d'échelles, escabeaux et marchepieds est par conséquent proscrite. Mais des mesures dérogatoires peuvent être prises, sous certaines conditions.
Sans ignorer la nécessaire protection collective des travailleurs et au vu de l'évaluation des risques, il est donc nécessaire de préciser les conditions d'utilisation des plateformes de travail et brouettes de cueillette qui ne sont pas adaptées aux caractéristiques des vergers anciens.
À ce jour, deux mesures dérogatoires existent : l'une s'appuyant sur l'impossibilité technique de recourir à cet équipement spécifique, sous réserve que la protection collective des travailleurs soit assurée ; l'autre lorsque l'évaluation du risque est jugée faible.
Mais la principale difficulté réside dans le fait que les travaux doivent s'effectuer sur une courte durée et qu'ils ne doivent pas être répétitifs.
Alors que la filière arboricole fruitière traverse une grave crise, l'obligation qui serait faite aux arboriculteurs de doubler le nombre de plateformes de relève palox serait hors de leur portée financière et inadaptée à la réalité des vergers. En effet, le temps de cueillette s'en trouverait fortement augmenté et les saisonniers, déjà difficiles à recruter, ne pourraient plus prétendre à des revenus attractifs, en rapport avec leur dextérité et leur rapidité d'exécution.
C'est pourquoi elle lui serait très reconnaissante s'il lui était possible de bien vouloir faire prescrire un examen bienveillant par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) afin que les problèmes techniques liés à l'utilisation de plateformes dans les vergers anciens soient traités avec discernement et que les préconisations soient adaptées à la réalité de ce secteur agricole.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 21/12/2016

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2016

Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la réglementation en matière de sécurité des travailleurs de la filière arboricole fruitière.

En France, elle représente 6 % de la totalité des exploitants agricoles, leurs exploitations mobilisent 9 % de la main-d'œuvre totale et 27 % du salariat saisonnier. Plus de 70 % des exploitations fruitières sont pourvoyeuses d'emplois et les exploitations produisant des fruits à pépins sont celles qui emploient le plus. Le premier bassin de production est le Sud-Est.

La prévention du risque de chute des travailleurs est donc une problématique omniprésente. La réglementation en vigueur prévoit de réaliser la cueillette depuis un plan de travail conçu, installé et équipé de manière à garantir la sécurité des personnes. Le décret du 7 mars 2008 impose l'usage d'une plateforme élévatrice et interdit l'utilisation d'échelles, escabeaux et marchepieds.

Sans ignorer la nécessaire protection collective des travailleurs, il est indispensable de préciser les conditions d'utilisation des plateformes et brouettes de cueillette qui ne sont pas adaptées aux caractéristiques des vergers anciens.

En effet, deux mesures dérogatoires peuvent être prises, mais la principale difficulté est liée au fait que les travaux doivent s'effectuer sur une courte durée, sans être répétitifs.

La filière arboricole fruitière traverse une grave crise. Cette mesure est inadaptée. De plus, elle conduirait au doublement du nombre de plateformes de relève, ce qui ne serait pas sans conséquence financière sur les exploitations. Enfin, le temps de cueillette serait rallongé et le travail des saisonniers, mis à mal.

C'est pourquoi je vous demande de suspendre cette mesure et j'attends que les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, les DIRECCTE, accompagnent les professionnels pour une mise en œuvre de mesures adaptées à la réalité d'un secteur agricole en difficulté.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame Morhet-Richaud, deux sénateurs viennent de me poser des questions, l'un me demande de suivre l'avis des professionnels, tandis que l'auteur de l'autre m'enjoignait d'aller contre !

Les questions de crises rencontrées par l'arboriculture, je les mesure parfaitement. Je sais aussi que la prévention du risque de chute de hauteur est un enjeu important pour cette filière. Un engagement a été pris – et il est partagé par tous les partenaires sociaux –, il s'agit d'éviter les accidents du travail, principalement dus aux chutes dans les vergers. Ce genre de problème, on doit le solutionner par la négociation.

Vous me demandez de suspendre l'application d'une règle qui vise à éviter des chutes et des accidents du travail. Je vous ai écoutée, c'est ce que vous voulez, madame la sénatrice ! Pour ma part, je suis conscient de mes responsabilités tout en sachant qu'il faut toujours trouver les ajustements nécessaires.

Cet objectif de prévenir les accidents et les chutes dans les vergers, au demeurant partagé par tous, notamment par les partenaires sociaux, doit être un engagement de chacun.

Les préventions des chutes de hauteur dans l'arboriculture figurent en bonne place dans le plan « santé et sécurité au travail de l'agriculture 2016–2020 », négocié et discuté.

Comme vous l'avez dit, certains producteurs de fruits peuvent toutefois rencontrer des difficultés en raison de la configuration de leurs vergers. Il faut être capable de s'adapter à la configuration de chacun des vergers pour mettre en œuvre la réglementation sur la prévention des chutes en hauteur, s'agissant, en particulier, de l'obligation de réaliser des travaux de cueillette depuis une surface plane et horizontale. J'ai bien compris que dans des vergers dont les surfaces ne sont pas planes et pas horizontales, il est en effet plus difficile d'avoir des plateformes elles aussi planes et horizontales.

Mes services, en lien avec le ministère du travail, ont publié en mars 2015 un guide sur le travail en hauteur en arboriculture. Les représentants des professionnels ont été associés, aux côtés des pouvoirs publics, à la rédaction de ce guide technique, garantissant ainsi sa bonne lisibilité par les acteurs sur le terrain.

L'objectif de ce document est d'accompagner les arboriculteurs dans la démarche d'évaluation des risques et de mise en œuvre générale de la réglementation, en s'adaptant, bien sûr. Il ne s'agit pas d'imposer des contraintes à des gens qui sont dans l'impossibilité de les appliquer !

Pour les vergers dans lesquels il n'est pas possible de recourir à des équipements techniques mécanisés de protection, l'utilisation de matériels type brouettes de cueille – que vous avez cités –, escabeaux et traîneaux moins volumineux est possible. Les services de l'État disposent ainsi de l'ensemble des éléments pour répondre à toutes les situations pratiques que l'on peut rencontrer sur le terrain.

Enfin, l'Association française de normalisation, l'AFNOR, travaille depuis cet automne à la rédaction d'un guide qui précisera à l'attention des professionnels et en pleine concertation avec eux les adaptations techniques que doivent comporter ces matériels. Les constructeurs pourront ainsi développer des produits innovants, qui répondent aux configurations des vergers anciens, tout en respectant les conditions de sécurité.

Comment réussir à concilier la sauvegarde de l'activité et la protection des salariés ? Eh bien, en étant capable de s'adapter ! Les règles ne peuvent pas être appliquées de la même manière partout, il faut qu'elles soient adaptées. Et nous cherchons à trouver les voies et les moyens de ces adaptations pour que l'activité nécessaire à l'arboriculture se poursuive tout en protégeant les salariés des accidents du travail.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. En revanche, Mme la ministre du travail est venue, voilà quelques mois, dans notre territoire et a rencontré à cette occasion une délégation d'arboriculteurs, qui l'ont interrogé sur ces questions. Elle leur a promis une réponse rapide. Or, à ce jour, les agriculteurs de mon département n'ont malheureusement reçu aucune réponse – ils me l'ont confirmé dernièrement – alors même que la cueillette de 2016 est finie depuis bien longtemps.

Le guide que vous avez évoqué ou le fascicule que l'AFNOR a rédigé sur les équipements de travail en arboriculture ont certes le mérite d'exister, mais ils ne résolvent absolument pas le problème d'une réglementation trop coûteuse et contraignante. Il semblerait qu'une norme européenne soit également en projet. J'espère que votre ministère veillera à ce qu'elle n'impose pas de contrainte supplémentaire à l'arboriculture, qui est, je le répète, en grande difficulté.

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