Question de Mme PRIMAS Sophie (Yvelines - Les Républicains) publiée le 28/07/2016

Mme Sophie Primas attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger sur les conséquences du traité de libre-échange entre l'Europe et le Canada (Canada-EU Trade Agreement, CETA ; en français, accord économique et commercial global, AÉCG) sur la filière bovine française. Dans le cadre du CETA, la Commission européenne a attribué un contingent à droits de douane nuls de 67 500 tonnes aux exportateurs de viandes bovines canadiens. Compte tenu des différences de conditions et de coût de production de part et d'autre de l'Atlantique, l'entrée en vigueur d'une telle décision pourrait entraîner la déstabilisation des prix du marché au détriment des viandes françaises, menaçant alors les emplois du secteur. De plus, la pénétration du marché par les viandes bovines canadiennes issues des parcs d'engraissement intensif dits « feedlots » pose la question du respect des règles sanitaires. Cette problématique concerne notamment les viandes d'animaux ayant fait l'objet d'un traitement aux hormones ou par tout autre promoteur de croissance ou ayant subi une décontamination chimique non autorisée. Au regard des risques majeurs pesant sur la filière bovine européenne et sur la santé des consommateurs, la Commission européenne a reconnu le CETA comme un accord non mixte, donc relevant à la fois de la compétence de l'Union européenne (UE) et de celle des États membres. Ainsi, le texte ne pourra être définitivement adopté qu'après le vote des 38 parlements nationaux. Pourtant, il pourrait commencer à s'appliquer dès sa ratification par le Conseil de l'UE et le Parlement européen, avant même les approbations nationales. En effet, la pratique depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne est d'appliquer provisoirement au moins la partie des accords qui relève des compétences communautaires avant même que les parlements nationaux n'aient été consultés, soit 90 % du traité. Plusieurs parlements européens ont déjà appelé leurs gouvernements à refuser une telle pratique dans le cadre du CETA. Par ailleurs, ce qu'il se passerait en cas de refus d'adoption d'un des parlements nationaux reste actuellement flou juridiquement. Au-delà de l'avenir de l'agriculture et de l'alimentation des Européens, c'est donc la démocratie qui est aujourd'hui en jeu. La procédure d'entrée en vigueur du CETA conditionnera celle de tous les prochains accords de nouvelle génération. Par conséquent, elle lui demande si la France compte s'opposer à la ratification du texte dans sa forme actuelle et refuser son application provisoire. Parallèlement et si l'accord venait à s'appliquer, elle lui demande de lui indiquer les mesures que le Gouvernement prendrait pour garantir une concurrence loyale et le respect des normes sanitaires actuelles sur le marché des viandes.

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Transmise au Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger publiée le 19/01/2017

Le CETA est un accord de commerce équilibré avec un partenaire important. Les demandes de la France ont été prises en compte. Les résultats de la négociation sont satisfaisants tant sur les aspects tarifaires (droits de douane), que sur un accès amélioré aux marchés publics, la reconnaissance des indications géographiques ainsi que l'instauration d'une Cour de justice publique des investissements, pour rompre avec le mécanisme d'arbitrage privé Investisseurs/États. Sur ce point, la reprise par le gouvernement de Justin Trudeau de la proposition européenne de cour permanente publique, portée par Matthias Fekl au nom de la France depuis 2015, marque une rupture claire et inédite avec les tribunaux privés qui étaient tendanciellement favorables aux investisseurs et garantit le droit à réguler des États. En matière agricole, le CETA entérine la reconnaissance et la protection de 173 indications géographiques, dont 42 indications géographiques françaises, ce qui constitue une garantie pour la protection de nos savoir-faire et le développement de nos filières agricoles. Concernant les quotas d'importation de viandes, l'Union européenne a octroyé un quota annuel de viande canadienne de bœuf sans hormone dans le cadre du CETA permettant l'importation de 45 840 tonnes. En effet il est important de préciser que les 67 500 tonnes mentionnées par la sénatrice incluent des contingents déjà existants dans le cadre de l'OMC. De plus, les quotas sont progressifs et s'étalent dans le temps. Nos producteurs doivent être en mesure d'absorber ces contingents. Au-delà de ces volumes, les importations en provenance du Canada continueront à être soumises aux droits de douane. Sur le plan de la réglementation, le CETAne modifie en rien la législation européenne en matière de protection de la santé, de l'environnement et des intérêts des consommateurs, notamment relative à la viande aux hormones ou aux OGM. Ceci signifie que la viande aux hormones ou aux antibiotiques utilisés à des fins d'hormones de croissance continueront à être prohibées, et ne pourront en aucun cas être importées au sein de l'Union. La viande bovine canadienne devra être en conformité avec les normes européennes. Concernant le processus de ratification, la position de la France portée par le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur a toujours été que le CETA est un accord « mixte », c'est-à-dire qu'il couvre des domaines relevant des compétences communautaires et nationales. Grâce à la mobilisation de la France notamment, la Commission européenne a finalement, conformément à son annonce du 5 juillet dernier, soumis au Conseil une proposition de signature du CETA en tant qu'accord mixte, confirmant la nécessité pour les Parlements nationaux de ratifier l'accord. Suite à la signature de l'accord à l'occasion du Sommet UE-Canada le 30 octobre, l'accord doit désormais être approuvé par le Parlement européen, condition essentielle à son application provisoire. Les parlementaires nationaux auront ensuite à se prononcer par un vote sur la ratification de l'accord condition à son application complète. C'est une question de principe essentielle pour assurer l'adhésion des citoyens européens aux politiques commerciales conduites en leur nom. Il est précisé dans les conclusions du CAE que le refus d'un des Parlements nationaux aurait des conséquences pour l'ensemble des États membres de l'Union européenne. Au-delà du processus de ratification, le Gouvernement est attaché au contrôle démocratique sur la politique commerciale. Matthias Fekl s'est ainsi engagé pour une transparence approfondie : dialogue renforcé avec l'ensemble des élus et de la société civile au sein du Comité de suivi stratégique (CSS) de la politique commerciale, information continue du Parlement, multiplication des débats publics, politique de mise en ligne de documents, lancement de groupes de travail. Le Canada a qualifié cet accord d'historique et souhaite que le CETA puisse entrer en vigueur. La France partage cette appréciation. L'UE doit être reconnue comme un partenaire fiable pour faire entendre sa voix.

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