Question de M. BOURQUIN Martial (Doubs - Socialiste et républicain) publiée le 05/10/2016

Question posée en séance publique le 04/10/2016

M. Martial Bourquin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Mercredi 7 septembre 2016 : annonce brutale, par la direction d'Alstom, de la fermeture du site de Belfort. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)


M. François Grosdidier. Le Gouvernement le savait !


M. Martial Bourquin. Lundi 12 septembre : le Président de la République fixe l'objectif de maintenir à Belfort les activités ferroviaires d'Alstom.

Un travail intense s'est ensuivi, non seulement pour sauver le site, mais aussi pour préparer son avenir. Ce travail a également permis de mener une réflexion globale, portant sur l'ensemble des sites français d'Alstom.


M. François Grosdidier. Réflexion un peu tardive !


M. Martial Bourquin. Un accord important est intervenu ce matin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Il prévoit d'abord le maintien de la production à Belfort, qui conservera un leadership technologique dans le groupe, avec le TGV du futur ou encore les locomotives de manœuvre hybride ou diesel. Il prévoit également une commande de locomotives.

Surtout, la direction d'Alstom s'engage à investir 30 millions d'euros en France, et plus de 100 millions d'euros pour la recherche et le développement.

Le Gouvernement a pris ses responsabilités, toutes ses responsabilités. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)


M. Christian Cambon. Question téléphonée !


M. Martial Bourquin. Sur toutes les travées, nous devrions nous réjouir du maintien du site d'Alstom à Belfort. (Eh oui ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je trouve vos moqueries indécentes, chers collègues de la majorité sénatoriale : des centaines de salariés et leurs familles attendaient cette nouvelle ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)


M. le président. Quelle est votre question ?


M. Martial Bourquin. Un article paru dans Les Échos et un autre dans Le Monde font état d'un arrêt brutal de la désindustrialisation en France. On assisterait à un redémarrage de l'industrie. (M. Alain Néri applaudit.) Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous confirmer cette bonne nouvelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 05/10/2016

Réponse apportée en séance publique le 04/10/2016

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. J'aimerais que la majorité sénatoriale pose plus régulièrement des questions sérieuses et argumentées, à l'image de celle que nous venons d'entendre. (Exclamations amusées. – M. Jacques Mézard s'esclaffe.)

Monsieur le sénateur, après l'annonce brutale et étonnante dont vous avez fait mention,…

M. François Grosdidier. Vous le saviez !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … le Gouvernement a travaillé avec la direction d'Alstom pour sortir de cette situation, sur la base d'une étude précise des commandes envisageables qui bénéficieraient à Belfort et aux autres sites d'Alstom en France.

Nous avons donc joué pleinement notre rôle. Il y a quelques semaines, il était de bon ton de prétendre que le Gouvernement n'assumait pas ses responsabilités.

M. François Grosdidier. Qu'avait fait M. Macron ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Voilà qu'aujourd'hui on lui reproche de trop intervenir en faveur de grands opérateurs publics, comme la SNCF et la RATP, ou de grandes entreprises comme Alstom !

Grâce à des marges de manœuvre nouvelles, trois pistes ont pu être dessinées – c'était l'attente des employés et l'engagement du Gouvernement – pour maintenir l'emploi et l'activité sur le site de Belfort.

M. Jacques Grosperrin. Il était temps !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Christophe Sirugue a eu l'occasion de les détailler ce matin à Belfort.

Première piste, conforter le leadership technologique et maintenir la production à Belfort. Les activités ferroviaires seront maintenues, y compris pour ce qui est de la production. C'est une solution de long terme. Ce n'est donc pas du « bricolage », contrairement à ce que j'ai pu entendre de la part d'un haut personnage de l'État, qui ne se trouve d'ailleurs pas loin de moi en ce moment même, mais également de la part de Dominique Bussereau, pourtant ancien secrétaire d'État chargé des transports, ou encore de la part de certains membres de la majorité à l'Assemblée nationale, comme Benoît Hamon. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Quand on ne connaît pas bien un dossier, et alors que les engagements pris par le Gouvernement n'ont pas encore été dévoilés, on a au moins la sagesse d'attendre avant de s'exprimer !

M. Roger Karoutchi. La primaire est ouverte !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je dirais même que toutes les primaires sont ouvertes, monsieur le sénateur ! Et ces primaires peuvent encourager des pensées quelque peu caricaturales… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Deuxième piste, faire de Belfort le centre européen de référence de la maintenance des locomotives du groupe Alstom.

Troisième et dernière piste, construire l'avenir du site de Belfort par la diversification et l'investissement. Les mesures ont été rappelées par Martial Bourquin.

Grâce au travail conjoint de l'État et de l'entreprise, nous sommes passés d'un plan de transfert de l'activité à de nouvelles perspectives pour ce site industriel historique, qui est le symbole de la région.

Les commandes annoncées font l'objet d'un débat. Elles sont pourtant doublement pertinentes.

Pour Alstom, d'abord, car elles apportent une réponse au creux de commandes – c'était là l'origine du problème – que devaient connaître, les trois prochaines années, les sites de Belfort et de La Rochelle.

Pour l'État et la SNCF, ensuite. Il s'agit en effet de renouveler des rames ou d'anticiper des commandes des TGV. L'État n'a pas forcé la main d'Alstom, mais il n'a pas non plus laissé faire. Il a joué son rôle.

Parfois, le marché se trompe, et c'est à l'État de jouer son rôle de stratège. Ce n'est pas vrai que pour Alstom. Personne, d'ailleurs, ne posait la question de la légitimité de l'intervention de l'État quand il s'agissait d'acheter des Rafale. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je signale à cet égard qu'il a fallu attendre l'action de ce gouvernement pour que le Rafale se vende aussi à l'étranger ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) C'est donc une étrange critique qui nous est adressée.

L'État joue également son rôle de stratège avec Renault, PSA – vous connaissez bien la question, monsieur Bourquin, vous qui vous êtes battu pour maintenir les emplois à Sochaux-Montbéliard –, mais aussi DCNS ou encore STX.

Ceux qui, aujourd'hui, prônent une réduction de la dépense publique de plusieurs dizaines de milliards d'euros et qui défendent une vision ultralibérale de l'économie (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), prétendent dans le même temps que le Gouvernement n'assume pas ses responsabilités et se contente de « mesurettes » !

Ces mesures, mesdames, messieurs les sénateurs, ont été construites avec l'entreprise et les acteurs locaux, dont je salue le rôle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

L'État joue son rôle de stratège industriel pour la filière ferroviaire, avec la SNCF et la RATP. Il s'agit bien d'engagements durables. Certains prétendent que nous les prenons parce que l'élection présidentielle approche. (Bien sûr ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Il faut dire qu'il y a souvent des élections dans notre pays…

Si l'on entre dans ce débat, j'aimerais que l'on m'explique une chose : comment peut-on vouloir baisser la dépense publique, diminuer les impôts des plus fortunés et, dans le même temps, soutenir notre défense, notre sécurité intérieure, nos hôpitaux et permettre à l'État de jouer son rôle de stratège industriel ?

Nous avons sauvé le site de Belfort, comme nous nous y étions engagés, le Président de la République et moi-même.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le Premier ministre. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous aurons, monsieur le président, l'occasion de débattre, vous et moi, de ces questions.

M. le président. Didier Guillaume a tout à l'heure appelé à l'équité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. En effet, vos propos de ce matin, qualifiant les mesures prises pour sauver le site de Belfort de « bricolage », n'honorent pas l'homme politique que vous êtes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

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