Question de M. MARSEILLE Hervé (Hauts-de-Seine - UDI-UC) publiée le 28/10/2016

Question posée en séance publique le 27/10/2016

M. Hervé Marseille. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.

La bataille de Mossoul est engagée. Le nom de cette vieille cité est tristement connu depuis que son territoire a été occupé par Daech au mois de juin 2014.

Daech a massacré ignoblement des milliers de combattants dans la région, a organisé la disparition méthodique des chrétiens d'Orient, a détruit définitivement des vestiges du patrimoine historique de l'humanité et, surtout, Daech a été l'inspirateur, avec d'improbables gourous, de crimes barbares qui ont ensanglanté les villes de France.

Tous les Français ont en mémoire les crimes qui ont endeuillé notre pays de Paris à Nice jusque dans une église de Normandie. Chacun revoit les images d'épouvante et la mort de victimes innocentes, femmes, enfants, hommes de toutes religions et de toutes origines.

Aujourd'hui, les yeux sont tournés vers Mossoul, demain, ils le seront vers Raqqa, et nous espérons avec ferveur la délivrance de ces territoires.

Près de 300 Français, qui jouissent toujours de leur nationalité, combattraient, malheureusement, au côté de Daech. Il s'agit bien sûr d'hommes, mais peut-être aussi de femmes. Ils peuvent être mineurs.

Au terme de cette opération, certains d'entre eux vont revenir ou être ramenés sur notre territoire. Le président du Sénat s'est exprimé à différentes reprises sur cette forte préoccupation.

La situation de ceux qui seront identifiés et sur lesquels nos services disposent d'informations sera judiciarisée et ils seront vraisemblablement incarcérés. D'autres, moins connus, seront peut-être simplement assignés à résidence. D'autres encore vont peut-être échapper à notre surveillance.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez indiqué une modification de la doctrine de la Chancellerie concernant les conditions d'incarcération des djihadistes.

Ma question est simple : au moment où nos policiers manifestent leur exaspération, au moment où les personnels pénitentiaires expriment leurs difficiles conditions de travail – les places manquent –, au moment où nous savons à quel point nos budgets sont contraints, pouvez-vous nous indiquer les mesures d'anticipation qui ont été engagées par le Gouvernement, en lien avec les institutions européennes, pour faire face au retour des djihadistes ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 28/10/2016

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2016

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Marseille, la réponse n'est pas facile. La situation sera difficile, mais nous y ferons face.

C'est la raison pour laquelle j'ai effectivement pris des mesures pour que nous puissions disposer d'une réponse pénitentiaire quand l'autorité judiciaire prendra une décision de privation de liberté. En effet, vous avez raison, tous ceux qui reviendront d'un théâtre de guerre verront leur dossier judiciarisé.

Il n'y a sur le plan pénal aucun vide. Nous avions quelques interrogations sur tel ou tel point ; elles ont été levées lors du travail interministériel qui a été mené, auquel participaient le ministre de l'intérieur et le ministre de la défense. Donc, sur le plan pénal, nous n'avons aucun doute.

Sur le plan carcéral, nous avons en revanche des difficultés. C'est la raison pour laquelle je vais prendre un certain nombre de mesures.

M. Bruno Sido. Il ne faut pas fermer Clairvaux !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. La première d'entre elles sera de modifier le régime d'un certain nombre de cellules en maisons centrales. Dans ces cellules, qui sont normalement destinées aux longues peines, ne peuvent être incarcérés que des condamnés. Les dispositions que je vais prendre permettront d'y incarcérer des prévenus. J'ai choisi les maisons centrales, car tant l'architecture de celles-ci que la culture professionnelle des personnels qui y servent donnent toute satisfaction en offrant une capacité de surveillance maximale.

Ensuite, les personnes qui sont moins dangereuses, moins prosélytes, moins violentes, mais tout aussi radicalisées et qui nécessitent une surveillance accentuée seront regroupées, au sein de vingt-sept établissements, soit probablement 500 à 600 places, dans des quartiers dédiés. Il s'agit, comme l'a dit le président du tribunal de grande instance de Paris, de faire face à la future déferlante terroriste qui peut frapper notre pays.

Enfin, le projet de budget pour 2017 comprend des crédits permettant de financer des recrutements, afin de renforcer les équipes en place et de mieux sécuriser les établissements existants, notamment par la création d'équipes de sécurité pénitentiaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)

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