Question de M. BONHOMME François (Tarn-et-Garonne - Les Républicains-R) publiée le 03/11/2016

M. François Bonhomme attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger sur les interrogations que suscite encore aujourd'hui l'accord économique et commercial global signé entre l'Union européenne et le Canada (CETA).
Le veto, le 18 octobre dernier, du parlement wallon qui empêche la Belgique de signer cet accord, ainsi que le refus de la Roumanie de le signer traduisent le scepticisme à l'encontre d'un traité pourtant présenté comme l'« anti-traité de libre-échange transatlantique (TAFTA) », mais qui, selon ses détracteurs, menace l'agriculture, les services publics et les politiques publiques favorables à la santé et à l'environnement.
Cet accord commercial « de nouvelle génération » inquiète particulièrement les agriculteurs. Les quotas d'importation des produits canadiens en Europe, particulièrement les importations de viandes bovines et porcines, seront progressivement rehaussés. C'est toute la filière élevage française avec des baisses de prix inévitables qui sera déstabilisée. Le Gouvernement affirme qu'en échange de ces quotas l'Europe a obtenu une augmentation de son contingent de fromages admis sans droits de douane au Canada ainsi que la protection et la reconnaissance des appellations d'origine. Mais ces appellations d'origine, issues d'un terroir, n'ont pas vocation à être exportées largement, sous peine de voir leurs procédés de fabrication « s'industrialiser ».
Alors que la Commission européenne affirme que le CETA constitue un moyen de faire prospérer les petites entreprises, il convient de noter que 99 % des petites et moyennes entreprises (PME), au premier rang desquelles les entreprises agricoles, n'exportent pas outre-Atlantique. Elles craignent avant tout un détournement de leur activité nationale ou intra-européenne du fait de la concurrence des grandes entreprises canadiennes.
Par ailleurs, l'accord fragilise les systèmes juridiques et la capacité des gouvernements à poursuivre des objectifs de politiques publiques, ces dernières pouvant être remises en question par les multinationales, y compris par la voie légale. Ainsi, le nouveau système de contrôle des importations « ICS » permettrait à des entreprises canadiennes de demander à la France réparation si notre pays prenait des mesures de nature à affecter leurs « attentes légitimes ». La question de l'indépendance et de la neutralité de ces tribunaux d'arbitrage installés pour régler les différends entre les entreprises et les États pose un réel problème.
Le CETA est ainsi un accord aux conséquences aussi lourdes que le TAFTA.
Ce traité de libre-échange sera appliqué en France avant sa ratification définitive par tous les États membres et notamment par la représentation nationale de notre pays.
Aussi, il souhaite savoir les raisons pour lesquelles le Gouvernement s'est engagé dans cette voie. Il lui demande de bien vouloir lui préciser quels chapitres du CETA seront concernés par l'application provisoire, et quels sont les points sur lesquels le Gouvernement s'appuie pour affirmer que ce traité n'est en rien comparable au TAFTA.

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Transmise au Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger publiée le 16/03/2017

La France considère que l'accord UE-Canada, négocié avec un pays partenaire et ami, est un bon accord. Cet accord ne franchit aucune de nos lignes rouges : les préférences collectives, comme le principe de précaution, la capacité à organiser librement les services publics ou les préférences alimentaires, sont respectées. La France, avec d'autres États membres, avait demandé à la Commission européenne de retirer de l'accord le mécanisme d'arbitrage privé pour le remplacer par une Cour de justice publique et permanente pour les investissements : elle a été entendue et le Canada s'est rallié à cette proposition. Cette évolution garantit le droit des États à réguler et rompt clairement avec le mécanisme d'arbitrage privé existant précédemment. Cette cour sera composée de juges nommés et rémunérés par les États, avec possibilité de faire appel. Elle ne pourra pas déjuger les plus hautes juridictions nationales. Cette rupture est une étape majeure vers une cour multilatérale des investissements qui fait cruellement défaut à la mondialisation économique actuelle. Par ailleurs, l'UE a obtenu gain de cause dans de nombreux domaines. En matière agricole, le CETA entérine la reconnaissance et la protection de 173 indications géographiques, dont 42 françaises parmi lesquelles 21 fromages, en particulier celles susceptibles d'être usurpées. Elles viennent s'ajouter aux vins et spiritueux déjà protégés depuis 2003. C'est une première dans un grand pays qui traditionnellement privilégie le système des marques commerciales. Il va aussi permettre d'exporter un quota de 18 500 tonnes de fromages européens par an, exempts de droits de douane alors que ces derniers sont aujourd'hui dissuasifs, ce qui représente un nouveau débouché d'une valeur de 150 millions d'euros pour la filière. Les Canadiens ont également convenu d'ouvrir plus largement leurs marchés publics, y compris ceux des provinces. De nombreux produits français pourront par ailleurs entrer au Canada sans droits de douane : l'emploi et les exportations françaises pourront en bénéficier, notamment les PME-PMI qui représentent 75 % des entreprises françaises exportant au Canada. Sur tous ces points, le Canada s'est montré ambitieux dans les négociations, à la différence des États-Unis qui ont refusé de prendre en compte les demandes européennes. Concernant les quotas de viande bovine, il est important de préciser qu'ils incluent des contingents déjà existants dans le cadre de l'OMC. De plus, ces quotas sont progressifs et s'étalent dans le temps. Les producteurs doivent être en mesure d'absorber ces contingents. Au-delà de ces volumes, les importations en provenance du Canada continueront à être soumises aux droits de douane existants. De plus, la France a été très claire, il ne s'agit pas de faire du CETA un précédent. La France, soutenue par beaucoup d'États membres, a exigé de la Commission européenne une étude d'impact globale des différents accords dans le secteur agricole, qui met en avant la nécessité de protéger les filières sensibles, et notamment celle de la viande bovine. Concernant l'articulation du CETA et plus généralement des négociations commerciales en cours avec les impératifs liés à la lutte contre le réchauffement climatique, la France considère que les accords commerciaux ne doivent pas défaire ce qui a été obtenu dans les accords environnementaux. La France œuvre ainsi pour que les chapitres relatifs au développement durable contenus dans les accords commerciaux soient juridiquement contraignants et soumis au mécanisme de règlement des différends entre États. Le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger a écrit en ce sens à la commissaire Malmström dès novembre 2016 et le Président de la République a confirmé ce principe directeur de la politique commerciale française à l'occasion de la Conférence environnementale du 25 avril 2016. La France, avec de nombreux États membres, défend de longue date cette position ferme : cet accord ne pourra entrer en vigueur, à titre provisoire et pour les seules clauses relevant des compétences exclusives de l'UE, que s'il est approuvé par le Parlement européen. La France et les États membres ont ainsi obtenu de la Commission européenne que la mise en œuvre définitive de l'accord passe par l'approbation des parlements nationaux, à rebours de ses positions initiales. L'accord final devra donc répondre aux préoccupations des États membres et de leurs citoyens pour recueillir leur assentiment et celui de leurs représentants élus. Concernant le TTIP, ces négociations font légitimement débat au sein de la société civile en Europe et aux Etats-Unis. Après quinze sessions de négociations dont la dernière s'est tenue à l'automne, les discussions sont au point mort. Force est de constater que les États-Unis ne proposent pas d'offres à la hauteur des intérêts européens. La France a demandé au Conseil affaires étrangères, qui s'est tenu en septembre 2016 à Bratislava, l'arrêt des négociations. Parallèlement, le Gouvernement est engagé depuis le début des négociations pour promouvoir la transparence de ces négociations. Cette action a permis d'obtenir la déclassification et la publication du mandat de négociations relatif au TTIP dès octobre 2014. Ce mandat ainsi que d'autres informations relatives aux négociations, comme le texte du CETA, ont été mis en ligne sur le site du ministère des affaires étrangères et du développement international (www.diplomatie.gouv.fr). Par ailleurs, le Gouvernement a mis en place en 2013 un comité de suivi stratégique de la politique commerciale pour associer les parties prenantes à la politique commerciale. Ce comité est composé d'élus, de fédérations professionnelles mais également de représentants de la société civile (syndicats, think tanks et ONG).

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