Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UDI-UC) publiée le 13/01/2017

Question posée en séance publique le 12/01/2017

Mme Nathalie Goulet. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Madame la ministre, l'anniversaire tragique des attaques de Charlie et de l'Hypercacher a donné lieu à de nombreuses manifestations dignes et émouvantes, mais aussi à un épisode plutôt discutable : l'apparition sur une chaîne de télévision du mentor des frères Kouachi, Farid Benyettou, starisé, portant des lunettes de soleil et arborant le badge « Je suis Charlie ».

Repenti autoproclamé – nos services, soit dit en passant, émettent de sérieux doutes à ce sujet –, Farid Benyettou assurait la promotion de son livre, coécrit avec un autre acteur médiatique et très controversé de la lutte contre la radicalisation. C'était là un comble d'indécence aux yeux des familles et une insulte à la mémoire des victimes.

Mon collègue André Reichardt et moi-même avons donc saisi le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA. En outre, dès le mois de décembre dernier, nous avons déposé une proposition de loi sollicitant une labellisation des structures en charge de la lutte contre la radicalisation et le contrôle de leur financement et de leurs activités. C'est d'ailleurs ce que nous avions demandé, dans cet hémicycle, lors de l'examen de la dernière loi de finances, au titre de la mission « Sécurités ». Cette disposition permettrait à nos services de disposer d'un certain nombre d'éléments supplémentaires pour agir.

En 2014, 2 000 personnes en voie de radicalisation étaient signalées. Depuis, ce chiffre est passé à 12 500. Quelles mesures entendez-vous prendre pour que la lutte contre la radicalisation ne soit pas placée entre des mains, aux mieux incompétentes, au pire dangereuses ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 13/01/2017

Réponse apportée en séance publique le 12/01/2017

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, vous l'avez dit, deux ans ont passé depuis les attentats qui, à travers Charlie Hebdo, visaient précisément la liberté d'expression. Je tiens à rendre de nouveau hommage à Clarissa Jean-Philippe, qui, dans ses fonctions de policière municipale, a protégé les habitants de Montrouge et peut-être, en particulier, les enfants d'une école. Je me dois également de citer l'Hypercacher.

Nous sommes aussi deux ans après la manifestation au cours de laquelle des millions de personnes, françaises et étrangères, se sont réunies pour dire leur attachement au modèle de société fondé sur la liberté et sur les valeurs républicaines.

Bien sûr, je comprends l'émotion, et même l'indignation qu'a pu susciter l'interview que vous citez. À ce titre, je tiens à saluer toutes celles et tous ceux qui en ont été blessés, en particulier les proches des victimes.

Nous avons entre les mains un trésor. Il s'agit d'un principe qui nous vient des Lumières, un principe conquis de haute lutte par des hommes et des femmes au cours d'une longue histoire , je veux parler de la liberté d'expression, qui s'incarne dans les médias, dans la liberté de communication. D'autres peuples se battent pour la conquérir ou pour la préserver, à travers le monde et jusqu'aux portes de l'Europe.

Toutefois, la liberté de communiquer n'est pas absolue, y compris en France, patrie des Lumières. L'apologie du terrorisme ne saurait être tolérée. La liberté de communication ne permet pas de fouler aux pieds la dignité des personnes. Et c'est le CSA, autorité indépendante, qui en est le garant pour l'audiovisuel.

Vous le savez, les missions du CSA ont été complétées au cours de la période récente. Cette instance a été chargée d'élaborer un code de bonne conduite quant à la couverture médiatique des actes terroristes, et c'est désormais chose faite : ce document a été publié au mois d'octobre dernier.

En l'occurrence, vous avez eu le bon réflexe de saisir le CSA. À présent, laissons le Conseil agir, et gardons-nous de suivre des règles de circonstance, qui viendraient affaiblir les libertés qui nous sont si précieuses. C'est précisément ces libertés que visaient les terroristes : elles doivent être protégées ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J'espère au moins que les droits d'auteur de ce livre iront à l'indemnisation des victimes. Ce serait un minimum !

En outre, vous savez très bien quel est le principal vecteur de communication des discours djihadistes ; nous avons suffisamment travaillé cette question.

Pour répondre au vœu formulé par M. le Premier ministre, j'indique qu'à mon sens cette question était à la hauteur. J'ajoute qu'elle a été posée en toute bonne foi ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mme Bariza Khiari applaudit également.)

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