Question de M. LECONTE Jean-Yves (Français établis hors de France - Socialiste et républicain) publiée le 20/07/2017

M. Jean-Yves Leconte interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur les modalités de remboursement de la contribution sociale généralisée (CSG) - contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) sur les revenus immobiliers pour les années 2012 à 2014 au profit des contribuables français résidant à l'étranger.

En effet, le Conseil d'État, par sa décision du 27 juillet 2015 s'appuyant sur l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 26 février 2015, a considéré que le Trésor avait perçu, au titre de la CSG-CRDS sur les revenus immobiliers entre 2012 et 2014, des sommes indues de la part des résidents au sein de l'Espace économique européen (EEE), dès lors qu'ils ne bénéficiaient pas de la sécurité sociale française.

Des remboursements sont donc dus aux contribuables qui sont dans cette situation dès lors qu'ils en font la demande. Il lui demande s'il peut indiquer le nombre de demandes de remboursement éligibles selon ces critères, le nombre et le montant global des remboursements déjà effectués, la durée de la procédure et sous quels délais ces remboursements seront effectifs.

Par ailleurs, selon la même procédure de question préjudicielle que celle ayant conduit à sa décision du 27 juillet 2015, le Conseil d'État a renvoyé le cas des contribuables ne résidant pas dans l'EEE, cas qui n'avait pas été traité par les décisions précédentes à la CJUE. Il souhaite en conséquence connaître sur les années 2012-2016 le montant potentiel des remboursements que le Trésor pourrait être amené à effectuer si la CJUE aligne le droit des non-résidents dans l'EEE sur celui des résidents dans l'EEE.

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Transmise au Ministère de l'action et des comptes publics


Réponse du Ministère de l'action et des comptes publics publiée le 14/12/2017

Il est rappelé que la décision « de Ruyter » proscrit l'application des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, entrant dans le champ d'application du règlement communautaire de coordination des systèmes de sécurité sociale du fait de leur affectation budgétaire, non pas en raison du lieu de résidence des contribuables, mais à raison de leur affiliation à un régime légal de sécurité sociale dans un État membre de l'Union européenne (UE) autre que la France, de l'Espace économique européen ou en Suisse. Ainsi, si cette décision est susceptible de concerner des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France et qui relèvent dans la majorité des cas, mais pas nécessairement, de la législation sociale de leur État de résidence, mais ont réalisé en France des investissements immobiliers (puisque, s'agissant des non-résidents, seuls les revenus et les gains immobiliers réalisés en France sont passibles de prélèvements sociaux), elle peut s'appliquer également, à des personnes domiciliées en France affiliées dans un autre État (situation notamment des travailleurs frontaliers). Ainsi, cette jurisprudence étant susceptible d'être invoquée tant par des contribuables domiciliés en France (M. de Ruyter était d'ailleurs domicilié en France mais affilié à la sécurité sociale des Pays-Bas) que non-résidents, ce sont l'ensemble des services de la direction générale des finances publiques (DGFiP) qui ont pu être impactés par le traitement de ces contentieux. En outre, il importe de préciser que cette décision ne porte que sur la période antérieure au 1er janvier 2016, le législateur ayant entendu tirer les conséquences de cette jurisprudence et assurer la mise en conformité des prélèvements sociaux avec le droit de l'Union européenne, en modifiant leur affectation budgétaire, par l'article 24 de la loi n°  2015-1702 de financement de la sécurité sociale pour 2016. Ces rappels faits, les données, telles qu'elles ressortent des remontées statistiques disponibles, font état de plus de 50 000 réclamations enregistrées, pour des impositions contestées de l'ordre de 500 millions d'euros. L'administration a pris position sur 60 % des réclamations en cause, donnant lieu à des dégrèvements d'environ 175 millions d'euros. Les demandes qui restent à instruire sont concentrées sur le service des impôts des non-résidents, qui cumule le plus grand nombre de réclamations. Les décisions défavorables rendues par l'administration sont liées soit à la forclusion des demandes (malgré la mesure de tempérament adoptée par le ministre en 2015, écartant la prescription pour toutes les demandes concernant les impositions 2012 déposées avant le 31 décembre 2015, afin de ne pas pénaliser les contribuables qui auraient attendu l'issue de la procédure engagée devant la Cour de justice de l'Union européenne -CJUE-), soit à des demandes infondées -tenant notamment à une interprétation erronée par certains réclamants de la portée de la jurisprudence en cause- (certains contribuables supposant à tort que le critère pertinent était le lieu du domicile fiscal ou la nationalité). Il n'est en l'état pas possible de recenser de manière fiable le nombre, ni les enjeux financiers précis de réclamations déposées par des personnes relevant de la législation sociale d'un État tiers à l'Union européenne. À cet égard, et si la préoccupation de l'auteur de la question, concernant les délais de traitement des contentieux en cause est parfaitement légitime et fait l'objet du reste d'une attention particulière et d'un suivi rapproché de la part de l'ensemble des services de la DGFiP, particulièrement mobilisés sur le sujet, ces délais, outre qu'ils sont occasionnés par la nécessité d'un examen individuel de chaque réclamation dans un contexte de contentieux de masse, découlent également de la nécessité de définir, sous le contrôle du juge, la portée exacte de la jurisprudence « de Ruyter ». Sur ce point, il peut être rappelé que les juridictions ont eu à se prononcer sur l'inapplicabilité de la jurisprudence « de Ruyter » à la contribution additionnelle de 1,1 % affectée au financement du revenu de solidarités actives, ainsi qu'au prélèvement de solidarité de 2 % qui lui a succédé, impositions qui n'existaient pas à l'époque des faits en cause dans l'affaire « de Ruyter ». S'agissant de la portée ratione personae des principes dégagés par la Cour, celle-ci s'était fondée sur le règlement communautaire de coordination des systèmes de sécurité sociale. Partant, il avait été considéré que les personnes n'entrant pas dans son champ d'application devaient être exclues du bénéfice de la restitution ; depuis lors, le Conseil constitutionnel a considéré que cette position ne portait pas atteinte au principe d'égalité devant l'impôt (décision n°  2016-615-QPC du 9 mars 2017), tandis que la CJUE a étendu le bénéfice de la jurisprudence « de Ruyter » aux fonctionnaires et agents de l'UE (cf. arrêt « de Lobkowicz » du 10 mai 2017 dans l'affaire C-690/15). 

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