Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - Socialiste et républicain) publiée le 20/07/2017

Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur les pratiques d'optimisation fiscale et les soupçons d'évasion fiscale portant sur trois grandes entreprises françaises.

Les documents « Malta files » montrent que Renault, PSA et Auchan ont économisé 141 millions d'euros d'impôts en localisant leurs activités d'assurance à Malte, asséchant d'autant les recettes fiscales de la France : une pratique qui semble légale, mais qui est d'autant plus choquante que Renault et PSA ont l'État à leur capital.

Les sommes en jeu sont considérables.

Cette optimisation fiscale serait, nous dit-on, a priori légale. Elle n'en est pas moins choquante. En particulier pour Renault et PSA, dont l'État est actionnaire. La France reste, avec 19,7 % des actions, le premier actionnaire de l'ex-régie Renault. Chez PSA, l'État a pris 13 % du capital en 2014 pour 800 millions d'euros, afin de sauver le constructeur de la faillite. Voilà une singulière manière de la part de PSA de montrer sa reconnaissance à la puissance publique. Il paraît aussi incompréhensible que l'État actionnaire ne fasse pas pression sur ces entreprises françaises, qui ne manquent pas de le solliciter lorsque les temps sont difficiles, afin qu'elles ne s'engagent pas dans une telle attitude de spoliation de notre pays.

Dès 2013, un rapport d'une mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international (enregistré le 10 juillet 2013, n° 1243) sonnait l'alarme sur l'usage des captives d'assurances comme outil d'optimisation fiscale à grande échelle : « il est ainsi particulièrement aisé de localiser une captive dans un État fiscalement accueillant. […] L'activité de la captive étant par nature immatérielle (il s'agit de simples flux intragroupe), la société dédiée à l'assurance peut être implantée n'importe où sur le globe. »

Il semble donc désormais indispensable de prendre des mesures dissuasives, empêchant les entreprises française à avoir recours à ces méthodes.

Les entreprises récemment mises en cause par les médias sembleraient s'être « dédouanées » en indiquant, d'une part, que leurs méthodes ont été « examinées et validées par les services fiscaux européens des différents États membres, et n'ont jamais fait l'objet d'une remise en cause » et, d'autre part, que « ces opérations sont effectuées dans le strict respect des conventions internationales signées entre les pays avec lesquels cette filiale opère, et l'État de Malte ».

Elle lui demande donc de bien vouloir lui indiquer si les services fiscaux français ont bel et bien donné leur feu vert à de tels montages fiscaux, qui permettent à de grands groupes français d'éviter de payer leurs impôts en France.
Au regard de ces révélations, elle lui demande également de bien vouloir diligenter une étude approfondie de ces pratiques ; si elles étaient avérées, elle lui demande de les dénoncer à l'échelle européenne et d'entamer une démarche de renégociation de la convention fiscale entre la France et Malte.

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Transmise au Ministère de l'action et des comptes publics


Réponse du Ministère de l'action et des comptes publics publiée le 05/04/2018

La lutte contre l'optimisation fiscale des entreprises est une priorité du Gouvernement y compris pour les entreprises dans lesquelles l'État détient des participations. S'agissant des entreprises mentionnées dans la question, les règles relatives au secret fiscal n'autorisent pas la divulgation des informations concernant le traitement individuel des dossiers en cause. Sur le terrain des principes et du cadre général dans lequel s'inscrit le contrôle fiscal, les précisions suivantes peuvent cependant être apportées. Les montages relatifs aux captives d'assurance ou de réassurance ont été mis en exergue dans le rapport concluant les travaux d'une mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international en date du 10 juillet 2013. Cette problématique a fait l'objet d'une attention renouvelée lors des révélations dites « Malta files » en juillet 2017. Dans le cadre des contrôles opérés par l'administration fiscale, ce type de montage peut être appréhendé sous l'angle du dispositif anti-abus prévu à l'article 209 B du code général des impôts. Toutefois, lorsque les entités en cause sont établies dans l'Union européenne (UE), ce dispositif n'est applicable qu'en présence d'un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation française. Selon la jurisprudence communautaire (CJCE du 12 septembre 2006 aff. 196/04, Cadburry Schweppes Plc), l'existence d'un montage artificiel s'apprécie au regard de critères objectifs tels que la réalité de l'implantation et l'exercice effectif d'une activité économique. En pratique, l'administration fiscale s'appuie sur les éléments de fait recueillis dans le cadre des opérations de vérifications et, le cas échéant, au cours d'une procédure de visite et de saisie, afin de mettre en évidence l'absence de réalité de l'activité de captive d'assurance ou de réassurance exercée hors de France. Ces éléments peuvent être enrichis et/ou corroborés via une demande d'assistance administrative internationale auprès des autorités du lieu d'implantation de la captive. Des contrôles sont régulièrement engagés sur ce type de structure même si la démonstration circonstanciée d'un montage artificiel peut s'avérer particulièrement difficile pour les entités de ce type dont l'activité nécessite peu de moyens. À l'échelle de l'UE, la France soutient les initiatives de la Commission européenne en vue d'une harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés qui aurait, entre autres bénéfices, pour effet de remédier aux situations d'optimisation décrites dans la question.

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