Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - Socialiste et républicain) publiée le 27/07/2017

Mme Marie-Noëlle Lienemann interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la remise en cause par le tribunal administratif de Paris du redressement fiscal de Google France.

Devant la stratégie de multinationales jouant à fond le dumping et le contournement fiscal, l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s'est attachée à clarifier les rapports entre États dans les traités fiscaux bilatéraux, en particulier s'agissant des bases à prendre en compte pour l'activité d'une entreprise. Elle a d'abord indiqué que, pour taxer une activité dans un pays, il fallait qu'elle soit conduite dans ce pays par un établissement économique stable et autonome, faute de quoi ce n'est en fait qu'un peu de commerce par dessus les frontières. Or Google a localisé ses activités en Irlande, puis, a créé Google France avec plusieurs centaines d'employés. Mais cette dernière n'a presque pas d'activité en propre et se contente de prospecter des clients pour le marché publicitaire. Quand elle les a trouvés et qu'elle a négocié le contrat, c'est la structure irlandaise qui signe donc le contrat avec le consommateur français ; et les publicités sont mises en ligne depuis l'Irlande.

Ce type de situation absurde est la raison pour laquelle l'OCDE cherche à produire de nouvelles interprétations de ce qui est inscrit dans les traités qui ont été passés partout dans le monde et qui ne vont pour l'essentiel pas évoluer. Cependant, la France et les États membres de l'Union européenne ne sauraient attendre que ces nouvelles interprétations infusent lentement par tribunaux interposés. C'est d'ailleurs ce qu'a tenté la Grande-Bretagne depuis plusieurs années.

C'est pourquoi elle avait proposé fin 2015 un amendement au projet de loi de finances pour 2016 qui prenait appui sur cette logique. Repris par le groupe socialiste et républicain, cette proposition avait été adoptée par le Sénat. Il s'agissait, en s'appuyant sur l'évolution de la législation britannique, de définir ce que nous entendions par établissement stable en définissant des établissement stable « réputé ». Ces conditions étaient ainsi insérées dans une duplication des dispositions pertinentes de l'article 209 B du code général des impôts qui lutte contre l'évasion fiscale.
Cet amendement avait été refusé par le Gouvernement – entraînant la majorité à l'Assemblée nationale –, expliquant qu'existait la possibilité d'un redressement fiscal avec un meilleur rendement. Certains doutaient que cette démarche puisse aboutir réellement. Mais en tout état de cause, il apparaissait possible de préfigurer l'avenir dans un cadre juridique mieux défini et de gérer le passé sur la base des critères précédents.
Le tribunal administratif de Paris vient de donner un coup d'arrêt à la démarche du ministère des finances, exonérant de fait Google d'une juste participation aux impôts français.

Elle se réjouit que le Gouvernement fasse appel de la décision du tribunal administratif de Paris. Mais faute de certitude d'obtenir, cette fois-ci, satisfaction, elle lui demande si le Gouvernement ne devrait pas insérer (ou s'en inspirer), dans le projet de loi de finances pour 2018, le dispositif proposé dans l'amendement voté par le Sénat lors du projet de loi de finances 2016.

Plus généralement, elle lui demande quelles mesures compte prendre dans cette situation le Gouvernement pour que la législation française soit enfin adaptée aux défis que posent les « GAFA » aux puissances publiques.

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Réponse du Ministère de l'action et des comptes publics publiée le 05/04/2018

La juste imposition en France des groupes internationaux et leur contribution dans l'État où ils conduisent leurs activités constituent un enjeu d'équité et de justice fiscale ainsi qu'une priorité pour le Gouvernement. En ce qui concerne la qualification de l'existence d'un établissement stable en France d'une société étrangère, il est nécessaire de réunir les éléments matériels, démontrant que des entreprises ayant leur siège à l'étranger, conduisent leur activité auprès de leurs clients français depuis le territoire français. L'enjeu des contrôles est donc la capacité de l'administration à réunir les preuves factuelles utiles lui permettant, au regard des règles de territorialité du droit interne et des conventions fiscales, de démontrer la présence d'un établissement stable et de lui rattacher le bénéfice des activités de ventes ou de services en France, en apparence conduite depuis la société étrangère. À l'heure actuelle, ce concept repose dans une large mesure sur la présence physique (par exemple les bureaux, usines, entrepôts, etc.) ou sur la capacité d'engager la société étrangère. Ce cadre fiscal n'apparaît pas toujours adapté aux activités exercées, notamment par les entreprises du secteur numérique, qui reposent de plus en plus sur des actifs incorporels et des données immatérielles. Cependant, pour une action efficace, des mesures communes et coordonnées avec nos partenaires européens, en liaison avec les travaux menés par l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans le cadre du plan d'action BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), doivent être favorisées plutôt que des approches unilatérales. Une approche commune de l'Union européenne (UE) doit permettre de renforcer notre position dans les discussions internationales pour aller de l'avant sur cette question et mettre au point des solutions multilatérales efficaces. Sur le terrain des discussions en cours en matière de fiscalité des activités numériques, la publicité croissante autour des pratiques d'optimisation de certaines entreprises multinationales a mis en évidence l'inadaptation du cadre actuel des règles fiscales au modèle économique de ces entreprises. C'est pourquoi la France, sous l'impulsion du Président de la République, se mobilise tant au G20 qu'au niveau de l'UE, avec ses partenaires pour corriger la situation actuelle. L'initiative prise par la France, avec neuf États membres lors de l'ECOFIN des 15 et 16 septembre 2017, a conduit le Conseil à demander à la Commission européenne de proposer prochainement des mesures concrètes et opérationnelles tant en vue d'agir à court terme, la France proposant une taxation reposant sur le chiffre d'affaires, que pour le long terme, en cohérence avec les travaux déjà engagés au sein de l'UE en matière d'harmonisation de l'impôt sur les sociétés et au sein de l'OCDE (Task Force sur l'économie numérique).

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