Question de Mme TROENDLÉ Catherine (Haut-Rhin - Les Républicains) publiée le 10/08/2017

Mme Catherine Troendlé attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la problématique des déserts médicaux. Les perspectives démographiques médicales ne laissent planer aucun doute : au cours des prochaines décennies, en France, les pouvoirs publics vont être confrontés aux défis liés à la couverture médicale de l'ensemble du territoire, plus particulièrement dans les zones rurales et urbaines précarisées.
Ce phénomène de désertification médicale, déjà sensible dans certains secteurs, est le résultat d'une conjonction de divers facteurs : un vieillissement des praticiens en activité, un recul des vocations de médecin généraliste, un moindre attrait de l'exercice libéral, l'installation de plus en plus tardive des nouveaux praticiens...
Ces réalités aboutissent à des situations extrêmement difficiles à gérer telles des fermetures définitives de cabinets médicaux, entravant l'accès aux soins de nombreuses populations.
Elle cite pour exemple la ville de Huningue, dans le Haut-Rhin, avec ses 7 000 habitants, laquelle se voit à présent privée de toute présence médicale. En effet, au nombre de quatre, les praticiens ont décidé de quitter la commune suite au départ en retraite de l'un d'entre eux, au 1er avril 2017.
Pour autant, dès 2011, l'équipe municipale avait entrepris la création d'un pôle médical, au cœur même de la commune, afin de pérenniser la présence des médecins généralistes. La municipalité s'est toujours montrée attentive aux requêtes formulées par ces professionnels de santé tant en matière d'aménagement des locaux que sur le calcul équitable des loyers et charges. Il s'agit là d'une situation inacceptable pour les élus locaux !
Plus récemment, les deux pharmaciens de Huningue ont lancé une pétition afin d'alerter les pouvoirs publics sur la pénurie de médecins. Cette démarche, qui a déjà recueilli plus de 1 150 signatures, s'articule autour de deux idées fortes, portant sur une régionalisation des diplômes et une réflexion en vue d'une modification législative portant sur la libre installation des médecins.
Aussi, une réelle et ambitieuse réforme est-elle à mener !
Partageant pleinement les légitimes inquiétudes exprimées tant par les médecins que les élus locaux sur ce sujet, elle souhaite connaître les mesures qu'elle envisage de prendre afin de répondre à cette problématique de désertification médicale touchant à présent l'ensemble de nos territoires.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées publiée le 25/10/2017

Réponse apportée en séance publique le 24/10/2017

Mme Catherine Troendlé. Je souhaite attirer votre attention, madame la secrétaire d'État, sur la problématique des déserts médicaux.

Le Gouvernement, qui a présenté le vendredi 13 octobre 2017 son plan de lutte contre les inégalités d'accès aux soins, n'envisage pas de mesures coercitives afin d'inciter fortement les médecins à s'installer dans les zones déficitaires. Il ne prévoit ni d'augmenter le numerus clausus des étudiants en médecine ni même de le supprimer.

Or les pouvoirs publics vont être confrontés aux défis liés à la couverture médicale de l'ensemble du territoire, plus particulièrement dans les zones rurales et urbaines précarisées.

Ce phénomène de désertification médicale est sans nul doute le résultat d'une conjonction de divers facteurs : un vieillissement des praticiens en activité, un recul des vocations de médecin généraliste, mais également un moindre attrait de l'exercice libéral.

Ces réalités aboutissent à des situations extrêmement difficiles à gérer, telles des fermetures définitives de cabinets médicaux ou encore de maisons de santé « coquilles vides », entravant l'accès aux soins de nombreuses populations.

Je voudrais citer pour exemple la ville de Huningue, dans le Haut-Rhin, comptant 7 000 habitants. Elle se voit privée de médecin généraliste depuis le 1er avril dernier, alors que, dès 2011, l'équipe municipale avait entrepris la création d'un pôle médical au cœur même de la commune, afin de pérenniser la présence des médecins généralistes.

La municipalité s'est toujours montrée très attentive à l'ensemble des requêtes de ces professionnels de santé, tant en matière d'aménagement des locaux – des locaux fabuleux – que sur le calcul équitable des loyers et charges. Mais rien n'y a fait !

La situation est aujourd'hui inacceptable pour les élus locaux !

En réaction, les deux pharmaciens de Huningue ont lancé une pétition afin d'alerter les pouvoirs publics sur la pénurie de médecins. Cette démarche, qui a recueilli en peu de temps 1 150 signatures, s'articule autour de deux idées fortes : une régionalisation des diplômes et une réflexion en vue d'une modification législative qui porterait sur la libre installation des médecins – des propositions qui pourraient figurer dans une réelle et ambitieuse réforme !

Partageant pleinement les légitimes inquiétudes exprimées tant par les patients que par les élus locaux sur ce sujet, partant du constat que toutes les mesures incitatives mises en place jusqu'à présent n'ont jamais atteint leurs objectifs, je souhaite connaître, madame la secrétaire d'État, les mesures que vous souhaitez prendre afin de répondre à cette problématique de désertification médicale, qui affecte désormais tous les territoires.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de la ministre des solidarités et de la santé, madame la sénatrice Troendlé.

Comme vous l'avez souligné, l'accès aux soins est un enjeu majeur pour nos concitoyens. Mais pour y faire face, on ne peut se contenter d'une réponse unique qui serait « la » solution partout, dans tous les territoires.

La réponse ne passe pas uniquement par la présence d'un médecin dans chaque village.

Tout l'objectif du plan qui a été présenté par le Premier ministre et par Mme Agnès Buzyn est précisément d'ouvrir le champ des possibles en matière d'organisation, afin que les acteurs de terrain puissent mettre en œuvre les solutions les plus adaptées à leur situation.

Mme la ministre des solidarités et de la santé ne croit effectivement pas en la coercition ou au conventionnement sélectif. Cette méthode n'a pas démontré sa pertinence dans tous les pays qui l'ont essayée, car il y a toujours des moyens de contourner l'obligation.

En outre, il semble essentiel de construire les réponses avec les professionnels, et non contre eux. Ces derniers sont prêts à prendre leur part de responsabilité, dès lors que nous leur facilitons la tâche en levant les verrous réglementaires.

Aussi, ce plan est pragmatique et présente un panel de mesures destinées aux professionnels de santé et aux acteurs de terrain.

Il s'inscrit autour de quatre objectifs importants : redonner du temps médical au soignant, en facilitant les remplacements, le cumul entre emploi et retraite ou les exercices partagés entre ville et hôpital ; mettre en place la révolution numérique, en généralisant la télémédecine dès 2018 et en équipant toutes les zones sous-denses et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, d'ici à 2020 ; coordonner les professionnels de santé entre eux, en doublant les maisons et centres de santé d'ici à cinq ans, notamment grâce au 400 millions d'euros d'aide à l'investissement issus du Grand Plan d'investissement ; enfin, mettre en place une nouvelle méthode, fondée sur la confiance et le dialogue au niveau de chaque territoire.

Je souhaite donner à l'ensemble des acteurs tous les moyens leur permettant d'organiser ou de réorganiser les soins sur l'ensemble de nos territoires.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 viendra compléter l'annonce de plan, en particulier sur les aspects financiers et réglementaires.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé.

Mme Catherine Troendlé. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, des précisions que vous m'apportez. Je voudrais moi-même en formuler quelques-unes…

À propos des maisons de santé, j'ai parlé tout à l'heure de coquilles vides.

Les élus locaux sont prêts à mettre en œuvre de tels dispositifs, mais la principale difficulté – je constate sur ce point un infléchissement du Gouvernement, qui semble avoir compris le problème, mais doit réellement en tenir compte –, c'est que ces projets de maison de santé sont impossibles à mettre en œuvre sans une véritable volonté des professionnels de santé.

S'agissant de la solution de la télémédecine, que vous avez évoquée, je vous mets tout de même en garde : cette solution ne peut être l'alpha et l'oméga des réponses apportées à la problématique.

Je pense tout d'abord que nous allons vers une déshumanisation des soins, mais il s'agit là d'un jugement tout à fait personnel.

Par ailleurs, ces consultations de télémédecine nécessitent la réalisation de plateaux techniques très onéreux et, c'est une évidence, la présence de médecins pour vérifier tous les éléments transitant par ces plateaux.

Enfin, et c'est la problématique principale, évoquée voilà quelques instants, il faut des engagements budgétaires importants ! En particulier, ces plateformes de télémédecine exigent un maillage très fin en matière de réseau à haut débit. Je souhaite que le Gouvernement agisse en ce sens, car, même dans une région bien dotée comme la mienne, des zones grises ou blanches demeurent. Ce maillage est un préalable nécessaire à la mise en place d'une télémédecine efficace !

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