Question de Mme BORIES Pascale (Gard - Les Républicains) publiée le 09/11/2017

Mme Pascale Bories appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation au sujet des conséquences lourdes de la sécheresse sur l'activité vinicole du département du Gard. En effet, la baisse de la production dépasse très souvent les 30 %, avec comme résultat une réduction des revenus agricoles et donc la fragilisation de nombreux foyers gardois vivant de cette agriculture la plus représentée dans le département. L'État a déjà mobilisé un fonds exceptionnel pour venir en aide aux viticulteurs sinistrés. Néanmoins, les sommes ne sont pas à la hauteur des dégâts, au regard des conséquences à moyen et long termes de cette sécheresse pour le Gard et de nombreux autres départements. Ainsi, il semble non seulement nécessaire de renforcer le soutien donné aux agriculteurs, sous la forme de mesures fiscales ou bien d'aides financières, mais aussi de lancer une réflexion structurelle au sujet de la réponse à donner à la sécheresse en matière d'adaptation de l'agriculture ou d'irrigation. Aussi lui demande-t-elle de nouveaux engagements forts de l'État pour soutenir la viticulture gardoise.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 06/12/2017

Réponse apportée en séance publique le 05/12/2017

Mme Pascale Bories. Monsieur le ministre, la sécheresse que subissent de nombreux départements français, et tout particulièrement le Gard, est sans précédent. Nous ne sommes qu'au début d'un phénomène qui aura indéniablement des répercussions sociales fortes.

Avec mes collègues au Sénat et à l'Assemblée nationale, nous avons déjà pu vous présenter les dégâts en cours à ce sujet, sans avoir, hélas ! pour l'instant de réponse satisfaisante.

En effet, avec vingt-cinq jours d'avance, la récolte a été la plus faible depuis 1945. La baisse de rendement atteint de 25 % à 30 % dans le département, avec des pics à plus de 40 % pour les Côtes du Rhône gardoises, le secteur dont je suis élue locale.

Mais la sécheresse entraîne d'autres effets dont l'ampleur n'est pas encore totalement saisissable. On assiste à une mortalité sans précédent des ceps, plus particulièrement des plantiers et, dans certains secteurs proches de la mer, à des remontées de sel inquiétantes.

Aussi, les agriculteurs vont subir une baisse tendancielle, sur plusieurs annuités, de la production de vin non compensée par la hausse des prix. Les vins de pays, comme les vignobles classés en AOC, à l'instar des côtes-du-rhône, du lirac, du tavel ou encore des costières-de-nîmes, vont souffrir de cette crise.

La souffrance est grande chez ces agriculteurs.

À cela s'ajoutent l'importation illégale de vins étrangers et la concurrence déloyale de certains pays européens qui ne respectent en rien les mêmes règles que nos viticulteurs, une distorsion devenue encore plus criante avec la décision de votre gouvernement d'anticiper l'interdiction du glyphosate.

Nous ne pouvons rester sans rien faire.

Les collectivités territoriales et les partenaires sociaux doivent pouvoir aider cette agriculture, qui est au cœur de l'identité de la France.

Au-delà du fonds spécifique de 30 millions d'euros ou la mise en place de l'arrêté de catastrophe naturelle annoncé, nous demandons des décisions fortes pour pouvoir mieux travailler, comme un soutien aux caves et coopératives à partir d'un seuil de perte, une prise en charge des pertes de fond sur plantiers, ou encore un étiquetage clair et lisible de la provenance sur le vin en vrac. Trop souvent, la France va plus loin que ce qui est recommandé par les directives, ce qui alourdit les coûts de production de nos agriculteurs.

Le débat de l'irrigation doit être enfin posé.

Mon département bénéficie de l'eau du canal du Bas-Rhône. Néanmoins, tout le Gard n'a pas accès à cette irrigation, et la question se pose pour d'autres départements.

Nous devons élargir les possibilités d'irrigation et créer un schéma régional, voire national pour accroître le potentiel en eau grâce, notamment, à la création de retenues ou l'utilisation des eaux usées traitées, comme cela est autorisé dans d'autres pays européens.

Les étés seront de plus en plus chauds. Monsieur le ministre, je vous demande donc de prévoir de nouvelles mesures pour ces agriculteurs et d'entamer une réflexion sur le long terme pour prévenir ces phénomènes de sécheresse.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la sénatrice, je connais bien la situation que vous vivez dans le Gard, après tous ces mois sans eau de pluie pour irriguer vos vignes. J'ai rencontré une délégation de viticulteurs gardois la semaine dernière, lors du Sitevi, le salon des techniques de la vigne et du vin, à l'occasion duquel ils m'ont rappelé la détresse qui était la leur ; je l'ai parfaitement entendue.

Au cours de l'année 2017, la filière viticole a été sévèrement touchée par de nombreux phénomènes climatiques. C'est notamment le cas dans votre département. Les estimations nationales anticipent une récolte de vin pour 2017 de 36,8 millions d'hectolitres, soit un niveau inférieur de 19 % à celui de 2016. Le volume prévisionnel de la récolte 2017 s'élève à 2,67 millions d'hectolitres, soit une baisse significative de 22,7 % par rapport à la campagne précédente.

Dans ce contexte d'aléas multiples, des mesures conjoncturelles ont d'ores et déjà été déployées par les services de l'État pour accompagner les exploitations viticoles qui ont été sévèrement touchées au cours de cette campagne par les phénomènes climatiques.

Je citerai le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti ; la prise en charge des cotisations sociales pour un montant de 30 millions d'euros ; la mise en place de mesures d'allégement des charges financières ouvertes jusqu'au 31 décembre 2017 et accessibles aux viticulteurs.

Par ailleurs, j'ai souhaité récemment la mise en place de cellules pour identifier les problèmes spécifiques. Ces cellules identifieront et étudieront, de manière confidentielle, les différentes situations pour orienter les exploitants vers les dispositifs les plus adaptés.

Face à la multiplication des crises qui touchent le secteur agricole, et singulièrement viticole, mes services ont engagé des travaux pour développer une approche globale de la gestion des risques. Cette approche globale devra viser à adapter les outils à la gestion des aléas, et notamment s'intéresser aux propositions formulées pour la constitution d'une épargne de précaution ou l'amélioration de la dotation pour aléas.

Enfin, l'agriculture est l'un des secteurs particulièrement exposés aux modifications hydrologiques. Nous avons précisé, lors d'une communication, le 9 août dernier, des orientations précises en matière de gestion durable de l'eau autour de deux objectifs : encourager la sobriété des usages et réguler en amont la ressource, pour faire émerger dans l'ensemble des territoires des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux.

Cela passe par la réalisation, là où c'est utile, là où c'est durable, de projets de stockage hivernal de l'eau, pour réduire les prélèvements en période sèche et éviter l'augmentation des prélèvements estivaux dans les zones qui sont menacées par les changements climatiques.

Ces orientations feront l'objet de déclinaisons opérationnelles dans les mois à venir.

Vous constaterez avec moi, madame la sénatrice, que toutes ces aides ponctuelles, les allégements de charges, l'épargne de précaution, la dotation pour aléa et la gestion de l'eau, font partie d'une stratégie complète au service de la viticulture et au service de votre département.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Bories.

Mme Pascale Bories. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir pris le temps d'étudier cette situation délicate à laquelle se trouvent confrontés les viticulteurs, et de mettre en place ces cellules de réflexion, démarche à laquelle, je n'en doute pas, vous saurez associer les viticulteurs.

Il est important d'avoir une vision à long terme. Je vous ai fait part de certaines pistes de réflexion, notamment s'agissant d'un schéma d'irrigation régional, voire national, avec la possibilité d'utiliser les eaux usées traitées.

Il ne faut surtout pas attendre que la souffrance des viticulteurs soit trop criante, car, vous le savez très bien, les crises viticoles s'accompagnent de conflits violents. Nous ne pouvons pas aller jusque-là.

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