Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SOCR) publiée le 16/11/2017

M. Didier Marie attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères au sujet d'une réglementation internationale et européenne contraignante en matière de droits humains.
Du 23 au 27 octobre 2017, un groupe de travail de l'organisation des Nations unies s'est réuni à Genève pour la troisième fois en vue de l'élaboration d'un instrument juridiquement contraignant sur les entreprises multinationales et les droits de l'homme. Les négociations ont confirmé la future rédaction d'un tel traité international.
Ce traité contribuerait à résorber l'asymétrie en droit international et viserait, par le principe de responsabilité des entreprises, à prévenir les « écocides » et à lutter contre les esclavages modernes. À côté d'autres instruments présents et à venir, s'agissant notamment de la lutte contre les paradis fiscaux, ce traité serait une belle étape vers le nouvel âge de la mondialisation : ni fermeture, ni ultra-libéralisme, mais une troisième voie qui place l'humain au centre du développement.
Plus de 900 organisations de la société civile soutiennent ce processus débuté en 2014. De nombreuses entreprises, notamment européennes, déjà exemplaires, ont saisi le bénéfice d'une compétition loyale comme alternative à un dumping social et environnemental. Et il fait partie des 245 parlementaires français, de tous horizons politiques, à avoir appelé le 25 octobre 2017 le président de la République à faire « bouger l'Europe » sur ce dossier.
Alors que la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, pionnière en la matière, a eu une place importante dans les discussions à l'ONU, et que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a annoncé à l'Assemblée nationale le 17 octobre 2017 que « la France serait très déterminée à faire en sorte que cette proposition de traité soit activée et puisse retenir l'attention des Nations unies », il lui demande d'engager sans réserve la France au niveau européen et international dans ce processus historique pour la protection des droits humains fondamentaux, et le remercie de préciser les initiatives prises et à venir par la France pour faire aboutir ces négociations.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 06/12/2017

Réponse apportée en séance publique le 05/12/2017

M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais appeler votre attention ce matin sur la question du respect des droits humains par les multinationales, et de la nécessité d'une réglementation internationale et européenne contraignante en la matière.

Nous nous souvenons tous du drame du Rana Plaza, en 2013, qui avait provoqué la mort d'un millier de personnes, hommes, femmes, enfants, ouvriers de l'industrie textile travaillant pour des marques de vêtements internationales, mais aussi françaises. Chaque jour, partout dans le monde, se produisent des drames qui, sans avoir l'ampleur malheureuse et la portée médiatique du Rana Plaza, sont, pour chacun d'eux, une catastrophe humaine ou environnementale.

Du 23 au 27 octobre dernier, un groupe de travail de l'ONU s'est réuni à Genève pour la troisième fois en vue de l'élaboration d'un instrument juridiquement contraignant sur les entreprises multinationales et les droits de l'homme. Les négociations ont confirmé la future rédaction d'un tel traité international.

Ce traité contribuerait à résorber l'asymétrie en droit entre l'employeur et le salarié et viserait, par le principe de responsabilité des entreprises, à lutter contre les esclavages modernes et à prévenir les écocides. À côté d'autres instruments présents et à venir, comme la lutte contre la corruption et les paradis fiscaux, ce traité serait une belle étape vers un nouvel âge de la mondialisation : ni fermeture ni ultralibéralisme, mais une troisième voie qui place l'humain au centre du développement.

Plus de 900 organisations de la société civile soutiennent ce processus commencé en 2014. De nombreuses entreprises, notamment européennes, déjà exemplaires, ont saisi le bénéfice d'une compétition loyale comme alternative au dumping social et environnemental. Et nous sommes 245 parlementaires français, de tous horizons politiques, à avoir appelé, le 25 octobre dernier, le Président de la République à faire « bouger l'Europe » sur ce dossier.

Alors que la loi française sur le devoir de vigilance des sociétés mères et donneuses d'ordre votée par le Parlement au printemps 2017, pionnière en la matière, a eu une place importante dans les discussions à l'ONU, et alors que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a annoncé à l'Assemblée nationale, le 17 octobre dernier, que « la France sera très déterminée à faire en sorte que cette proposition de traité soit activée et puisse retenir l'attention des Nations unies », pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d'État, quel est l'engagement de la France, qui doit être sans réserve au rendez-vous de ce processus historique pour la protection des droits humains fondamentaux ? Quelles initiatives ont été prises par le Gouvernement et quelles sont celles à venir pour faire enfin aboutir ces négociations ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez raison, et votre opinion est sans doute partagée sur l'ensemble de ces travées, nul ne peut continuer à ignorer les violations des droits de l'homme qui peuvent résulter de l'activité directe ou indirecte de certaines entreprises, particulièrement dans les domaines de l'extraction, mais aussi dans l'industrie, notamment textile, dont vous avez évoqué l'un des drames.

La France, grâce au Parlement, a pris des initiatives à l'instar de cette proposition de loi déposée par M. Dominique Potier – je le dis de mémoire – et ensuite adoptée, qui a permis de commencer à traiter ce sujet au niveau national.

En outre, des enceintes internationales, vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, ont été mandatées et se sont réunies. Le groupe de travail intergouvernemental que vous avez évoqué a notamment travaillé fin octobre sur ce sujet. La France a insisté pour que, contrairement à ce qui était prévu dans le projet soumis, l'ensemble des entreprises soient prises en compte, et pas seulement les entreprises transnationales. Il est d'autant plus souhaitable d'avoir une vision plus large qu'il n'existe aucune définition juridique agréée de cette notion d'entreprises transnationales.

Malheureusement, aucun consensus n'a pu être dégagé à l'occasion de cette session : d'une part, le document préparatoire équatorien a été remis un peu tardivement sur la table et, d'autre part, son contenu était trop ambitieux pour faire converger la communauté internationale. Nous attendons impatiemment la tenue d'une quatrième session pour que les discussions se poursuivent et que l'on puisse enfin aboutir.

La France, quant à elle, dès le 26 avril dernier, a poursuivi ses travaux avec un plan national d'action pour la mise en œuvre des principes directeurs des Nations unies relatifs aux droits de l'homme et aux entreprises, qui s'applique notamment aux droits des salariés.

Nous sommes également très engagés dans la mise en œuvre des principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales afin qu'elles adoptent un comportement responsable et éthique.

La France, soyez-en assuré, monsieur le sénateur, est déterminée à poursuivre ses efforts sur le plan national comme sur le plan international pour porter ce sujet, d'autant que vous évoquiez une troisième voie. Il est vrai que nous sommes tous assez sensibles à la philosophie de Léon Bourgeois, qui est à la base du « solidarisme » et pose l'humain au centre de tout.

C'est un moteur de l'action de ce gouvernement. Si, pour l'instant, les choses n'ont pas encore abouti à l'échelon international, nous continuons à mettre la pression pour avancer.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Je remercie M. le secrétaire d'État de sa réponse, car les efforts que notre pays porte à l'échelle internationale sont une bonne chose. Il faut aussi se battre au niveau européen pour que la loi sur le devoir de vigilance des grandes entreprises puisse trouver un débouché, notamment avec une directive qui pourrait s'appliquer à l'ensemble des pays européens.

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