Question de M. REICHARDT André (Bas-Rhin - Les Républicains) publiée le 07/12/2017

M. André Reichardt attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les difficultés rencontrées par certaines collectivités ayant signé un emprunt à taux fixe auprès de Dexia. 
Pour exemple, une commune de son département a contracté en 2007 auprès de Dexia un emprunt de deux millions d'euros à rembourser sur 20 ans au taux fixe de 4,72 %, taux qui était, à ce moment-là, tout à fait conforme aux prix pratiqués et ne pouvait être considéré comme toxique. 
Les communes ayant souscrit, à l'époque, un tel prêt à taux fixe consacrent dès lors tous les ans plusieurs dizaines de milliers d'euros sur leur budget de fonctionnement au paiement des intérêts de ce prêt. 
Leur solution a donc été de chercher à le renégocier afin d'obtenir un prêt plus proche des prix actuels. 
Or, contrairement aux banques « ordinaires », la société de financement local (SFIL), qui a repris la gestion des prêts aux collectivités locales suite à la déconfiture de Dexia, s'en tient strictement aux clauses du contrat signé et réclame une indemnité de sortie anticipée totalement léonine (plusieurs centaines de milliers d'euros), correspondant pratiquement aux intérêts à verser jusqu'à l'échéance du prêt. 
Ainsi, ces communes, déjà mises en difficulté par l'importance de leurs frais financiers, subissent une double peine. C'est le contribuable, au final, qui assume cette indemnité de sortie à hauteur de 75 %. 
Les particuliers, pour leur part, bénéficient d'une limitation légale de l'indemnité de sortie à 3 % du capital restant dû. 
Compte tenu de ces éléments, il le remercie de bien vouloir lui indiquer les mesures du Gouvernement pour remédier à cette situation.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 17/01/2018

Réponse apportée en séance publique le 16/01/2018

M. André Reichardt. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les difficultés auxquelles se heurtent certaines collectivités territoriales ayant signé un emprunt à taux fixe auprès de Dexia.

À titre d'exemple, une commune de mon département a contracté auprès de Dexia, en 2007 – l'année est naturellement importante –, un emprunt de 2 millions d'euros à rembourser sur vingt ans au taux fixe de 4,72 %. Ce dernier est très loin des taux pratiqués à l'heure actuelle, mais il était tout à fait conforme aux conditions pratiquées à l'époque : l'emprunt en question ne pouvait donc pas être considéré comme toxique.

Depuis lors, vous vous en doutez, les communes ayant souscrit à l'époque un tel prêt à taux fixe consacrent tous les ans plusieurs dizaines de milliers d'euros, pris sur leur budget de fonctionnement, au paiement des intérêts de ce prêt. Dans le contexte de financement contraint des collectivités territoriales que vous connaissez bien, la solution pour ces communes a été la suivante : chercher à renégocier leur prêt, afin d'obtenir un taux plus proche des prix actuels.

Or, contrairement aux banques ordinaires, la Société de financement local, la SFIL, qui a repris la gestion des prêts aux collectivités territoriales à la suite de la déconfiture de Dexia, s'en tient strictement aux clauses du contrat signé et réclame une indemnité de sortie anticipée véritablement léonine.

Ainsi, pour la commune dont j'ai parlé, la SFIL exige plusieurs centaines de milliers d'euros, correspondant pratiquement à tous les intérêts restant à payer jusqu'à l'échéance du prêt. Cette situation est totalement inacceptable.

Ces communes, déjà mises en difficulté par l'importance de leurs frais financiers, subissent de ce fait une double peine. Au bout du compte, c'est le contribuable qui assume cette indemnité de sortie à hauteur de 75 %.

Comme vous le savez, les particuliers bénéficient quant à eux d'une limitation légale de l'indemnité de sortie à 3 % du capital restant dû.

Les collectivités territoriales concernées éprouvent un fort sentiment d'iniquité, voire d'injustice, car les collectivités qui, à l'époque, avaient souscrit un emprunt toxique ont bénéficié, elles, de mesures particulières.

Monsieur le secrétaire d'État, compte tenu de ces éléments, je vous remercie de bien vouloir m'indiquer les mesures que pourrait prendre le Gouvernement pour permettre à ces collectivités territoriales de sortir d'une situation particulièrement néfaste à leur fonctionnement comme à leur capacité d'investissement future.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur Reichardt, vous appelez l'attention du Gouvernement sur la gestion de la dette par les collectivités territoriales, selon que l'emprunt est considéré comme à risque ou qu'il a été contracté à taux fixe.

Pour ce qui concerne les collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts structurés dits « à risque », l'État a mis en place en 2014 un fonds de soutien. Ce dispositif a permis d'accompagner plus de 578 de ces collectivités territoriales, qui souhaitaient sortir de leur emprunt à risque. Je rappelle que l'État a rehaussé de 1,5 à 3 milliards d'euros le montant de ce fonds.

Ce sont 5,6 milliards d'euros d'encours d'emprunts à risque qui ont été refinancés dans ce cadre ou qui, au minimum, ont fait l'objet d'une transaction civile entre l'emprunteur et la banque prêteuse. Ce résultat dépasse de loin l'objectif de 4 milliards d'euros initialement assigné au fonds.

Les annuités sont aujourd'hui versées aux collectivités territoriales sans difficulté, et elles sont garanties jusqu'en 2028 ; nous nous en félicitons.

Au-delà de ces résultats probants, le débat public relatif aux emprunts dits « à risque » semble aujourd'hui plus apaisé. Nous ne le nions pas, certaines collectivités territoriales qui ont refusé l'aide ou qui héritent, du fait par exemple d'une fusion, de prêts toxiques, restent dans une situation délicate. Mais ces difficultés sont considérées comme résiduelles, quelque importantes qu'elles puissent être localement.

Pour ce qui concerne les collectivités territoriales ayant souscrit des prêts à taux fixe, comme celle à laquelle vous faites référence, la situation est sensiblement différente. Il est important de souligner que les emprunts à taux fixe ne sont pas répertoriés comme à risque. Il est également nécessaire de rappeler que les dispositions applicables aux prêts aux particuliers qui plafonnent le montant des indemnités exigibles ne sont pas applicables aux collectivités territoriales en l'état actuel du droit. Vous l'avez vous-même souligné.

Compte tenu du niveau actuel des taux d'intérêt, les établissements de crédit sont aujourd'hui exposés à des pertes actuarielles potentiellement importantes, ce qui explique le niveau élevé des indemnités de remboursement anticipé qu'ils demandent souvent aux collectivités.

Cette problématique n'est pas propre à la Société de financement local, que vous avez mentionnée à propos de la commune prise en exemple : il s'agit d'une pratique commune à l'ensemble des établissements de crédit.

Bien entendu, le Gouvernement demeure attentif à la santé financière des collectivités territoriales et à la gestion de leur dette. Il appelle de ses vœux des solutions négociées chaque fois qu'elles sont possibles.

Toutefois, l'État n'a pas forcément vocation à s'immiscer dans les relations contractuelles entre un établissement de crédit et un emprunteur. La renégociation éventuelle des contrats en cours demeure, en principe, du ressort des parties prenantes que sont l'établissement de crédit et la collectivité territoriale concernée, dans le respect de leurs intérêts mutuels.

Nous appelons donc au dialogue entre les collectivités territoriales emprunteuses et les banques prêteuses ; mais, en l'état actuel des choses, l'État ne peut pas s'immiscer dans leurs relations contractuelles.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Vous comprenez bien, monsieur le secrétaire d'État, que votre réponse ne peut pas me satisfaire.

Je salue les mesures prises par le gouvernement de l'époque pour trouver une solution au problème des emprunts toxiques, mais, pour ce qui est des collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts à taux fixe, sur lesquelles je vous ai interrogé, votre réponse ne résout rien.

Ces collectivités territoriales, qui se sont très bien comportées, souhaitent simplement ne pas être, si je puis dire, les dindons de la farce.

Le gouvernement d'alors a mis en place le dispositif que vous avez rappelé au bénéfice des collectivités territoriales qui avaient souscrit des emprunts toxiques : pourquoi l'État n'intervient-il pas, au moins sous la forme de recommandations, pour que la SFIL accepte de discuter d'une renégociation des taux particulièrement élevés de l'époque ?

Vous affirmez que cette problématique n'est pas propre à la SFIL. C'est pourtant bien le cas ! Dans le département dont je suis l'élu, toutes les autres collectivités locales qui ont souhaité renégocier des prêts avec la Caisse d'épargne, le Crédit mutuel ou d'autres établissements bancaires que je ne citerai pas ont obtenu satisfaction, à des conditions tout à fait intéressantes. Pourquoi donc la SFIL ne le fait-elle pas ?

Les communes concernées ont le sentiment que, en refusant de renégocier les taux, la SFIL leur fait payer le coût des mesures mises en œuvre pour remédier aux effets des emprunts toxiques. Ce n'est franchement pas acceptable.

Vous nous appelez au dialogue. Chiche ! Mais encore faut-il que le dialogue soit possible ! Je le répète, la SFIL refuse systématiquement d'évoquer une renégociation.

Nous ne demandons pas un emprunt à taux zéro, mais au moins une réévaluation. Entre 4,70 % et les taux actuels, qui sont en moyenne de 0,70 %, il y a vraiment un grand écart… (Mme Isabelle Raimond-Pavero acquiesce.)

Monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez certes pas de pouvoir véritable d'influer sur la SFIL, mais nous vous demandons de faciliter le dialogue.

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