Question de M. LONGEOT Jean-François (Doubs - UC) publiée le 15/12/2017

Question posée en séance publique le 14/12/2017

M. Jean-François Longeot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale et concerne l'accès aux cantines scolaires pour nos enfants.

La semaine dernière, le tribunal administratif de Besançon a annulé une décision de la ville, l'obligeant en conséquence à accepter dans ses cantines un enfant scolarisé à l'école primaire, qu'elle avait refusé faute de place disponible.

Nous sommes bien sûr favorables à l'accès le plus juste et le plus large possible de nos enfants aux cantines. Néanmoins, cette décision s'appuie sur une disposition de la loi Égalité et citoyenneté, qui recèle des effets pervers que le groupe centriste avait déjà dénoncés il y a un an.

En premier lieu, les collectivités qui proposent aujourd'hui un service de restauration devront se mettre en capacité de l'élargir à tous les élèves inscrits dans leurs écoles, sans que le surcoût entraîné par les aménagements et les frais de personnel soit compensé.

En second lieu, l'autre effet pervers concerne les familles. Cette nouvelle contrainte pourrait inciter certaines communes, en particulier dans le monde rural, à ne plus proposer de service de cantine dès lors qu'elles ne le maîtriseront pas. Les familles devront alors trouver des modes alternatifs de restauration pour leurs enfants.

D'autres conséquences sont à redouter : augmentation du coût des repas pour les familles, déséquilibre nutritionnel du fait de mesures d'économies, ou encore creusement des inégalités entre les familles. Croyez-en mon expérience de maire, faisons enfin confiance aux élus locaux pour gérer leur collectivité !

Monsieur le ministre, comment le Gouvernement compte-t-il accompagner les familles et les communes pour éviter que ces effets pervers ne l'emportent sur la bonne intention initiale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Ministère de la justice publiée le 15/12/2017

Réponse apportée en séance publique le 14/12/2017

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous le savez, l'enfer est souvent pavé de bonnes intentions. Vous avez raison de soulever ici les difficultés que pose cet article.

Le Conseil constitutionnel a déjà été saisi, par les sénateurs, de cet article, qui présente effectivement certaines difficultés. Aux termes dudit article, « l'inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. »

M. Patrick Kanner. Très bien !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cela signifie donc, comme vous l'avez indiqué à juste titre, que l'inscription est de plein droit quand ce service existe et qu'aucune discrimination ne peut être commise par les maires à l'égard des parents qui demandent l'inscription de leur enfant à la cantine.

En revanche, cet article n'oblige pas les communes à créer ce service, qui reste un service public facultatif, juridiquement en tout cas, même si les parents le ressentent très souvent comme un service public obligatoire.

Telles sont les raisons qui ont fondé la décision du tribunal administratif de Besançon. Cela implique, a précisé le tribunal, que les personnes publiques ayant choisi de créer un service de restauration scolaire sont tenues de garantir à chaque élève le droit d'y être inscrit. En conséquence, ajoute le tribunal, elles doivent adapter et proportionner le service à cette fin et ne peuvent, au motif du manque de places disponibles, refuser d'y inscrire un élève qui en fait la demande.

Tel qu'il est rédigé, il est évident que l'article n'impose pas aux communes de se doter d'un service de restauration scolaire, mais, dès lors que ce service existe, l'ensemble des élèves doit y être inscrit.

M. Claude Kern. Et s'il n'y a plus de place ?…

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Si nous voulons faire évoluer les pratiques, il faudra sans aucun doute retravailler ensemble l'écriture de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour la réplique.

M. Jean-François Longeot. Je vous remercie de votre réponse, madame la garde des sceaux, qui reprend effectivement la décision du tribunal administratif.

L'effet pervers est bien celui que vous avez souligné : les communes où il n'y a pas de cantine n'en créeront pas, de peur de ne pas pouvoir assumer leur mission auprès de l'ensemble des élèves. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

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