Question de M. TODESCHINI Jean-Marc (Moselle - SOCR) publiée le 14/12/2017

M. Jean-Marc Todeschini attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur les difficultés des collectivités locales, au premier rang desquelles figurent les communes.

L'échelon communal est l'un des piliers de notre démocratie. Près de 560 000 citoyens ont un mandat municipal dans notre pays. Qu'ils soient maires, adjoints ou conseillers municipaux, ils œuvrent quotidiennement pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens. Cependant, leur travail est mis à mal par le manque de visibilité qu'ils ont en termes de capacités budgétaires notamment.

De nombreux élus communaux sont perdus dans le flou engendré par ces débats, notamment autour de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Par exemple, Gandrange, en Moselle, a vu sa DGF connaître d'importantes baisses ces dernières années : 458 986 euros en 2013, 217 382 euros en 2014, 133 077 euros en 2015, 44 651 euros en 2016.
En 2017, la commune a reçu 0 euro de DGF pour l'année. Plus encore, l'État, par un arrêté du préfet en date du 2 octobre 2017, réclame à la commune un prélèvement supplémentaire de 39 643 euros. Cette commune, qui n'avait déjà plus de DGF, a désormais une « DGF négative ». Il s'agit là d'un exemple parmi d'autres. Inévitablement, les élus concernés ont le sentiment que l'État procède à des ponctions pour assurer son propre fonctionnement.

Il souhaiterait connaître sa position quant à une étude approfondie de ces différentes situations, afin d'en évaluer la portée et les conséquences.
En outre, il l'interroge quant à l'annulation de ces amputations sur les budgets des communes qui ne perçoivent aucune DGF et qui devront faire face à de nouvelles baisses de recettes, notamment lorsqu'elles sont liées à des restructurations économiques entraînant la disparition d'entreprises et, par effet, des diminutions de recettes sur le foncier bâti.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 17/01/2018

Réponse apportée en séance publique le 16/01/2018

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur la situation de certaines collectivités locales, notamment les communes. J'illustrerai mon propos par un exemple pris en Moselle.

Tout à l'heure, on a évoqué la loi Florange, du nom d'une commune de Moselle connue pour ses déboires sidérurgiques ; pour ma part, je citerai la ville de Gandrange.

Depuis plusieurs années, Gandrange est confrontée à une baisse très importante de sa dotation globale de fonctionnement, ou DGF, ainsi qu'à la chute de ses recettes fiscales locales du fait de la déconstruction de l'usine Mittal.

En 2013, cette commune percevait 458 986 euros au titre de la DGF ; elle ne recevait plus que 217 382 euros en 2014, 133 077 euros en 2015 et 44 651 euros en 2016. Enfin, en 2017, Gandrange s'est vu notifier une DGF réduite à zéro.

Les difficultés ne s'arrêtent pas là : par un arrêté du préfet en date du 2 octobre 2017, l'État réclame à la commune un prélèvement supplémentaire de 39 643 euros. Gandrange, qui ne recevait plus rien en 2017, se retrouve ainsi avec une DGF négative !

Dans le même temps, la déconstruction de l'usine Mittal, engagée en 2016, a amputé de moitié le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Cette dernière est passée de 528 536 euros à 287 413 euros.

Si rien n'est fait, la commune de Gandrange – et bien d'autres communes vivent la même situation ! – se trouvera très vite dans l'impasse et dans l'incapacité de dégager des ressources pour conduire ses investissements. Pis, elle ne sera plus en mesure d'assumer ses dépenses de fonctionnement, lesquelles sont liées à des investissements passés, engagés à l'époque où la sidérurgie était florissante.

Monsieur le secrétaire d'État, vous conviendrez avec moi qu'il y a là un problème. Les élus locaux ont tout simplement l'impression que l'État leur fait les poches.

Bien sûr, je le répète, Gandrange est un exemple parmi d'autres ; mais les élus concernés ont le sentiment que l'État procède à ces ponctions pour assurer son propre fonctionnement, et qu'il les laisse seuls face aux réalités quotidiennes difficiles dont ils ont à connaître dans l'exercice de leurs fonctions.

Envisagez-vous de procéder à une étude approfondie de ces différentes situations, afin d'en évaluer la portée et les conséquences ? Plus encore, comptez-vous engager une réflexion afin d'annuler ces amputations sur les budgets des communes qui ne perçoivent aucune DGF et qui doivent faire face à de nouvelles baisses de recettes, notamment lorsqu'elles sont liées à des restructurations économiques entraînant la disparition d'entreprises et, par contrecoup, des diminutions de recettes via la fiscalité sur le foncier bâti ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur Todeschini, comme vous l'avez rappelé, les collectivités territoriales ont été associées à l'effort de redressement des finances publiques.

Compte tenu du poids des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales dans les recettes de celles-ci, soit 22,5 % de leur montant total en 2015, des mesures ont été prises dès 2008 pour encadrer l'évolution des dotations. En 2010, ces dotations ont été gelées. Puis, à compter de 2014, l'État a décidé de baisser le montant de la dotation globale de fonctionnement versée aux collectivités territoriales. A contrario, l'année 2018 marquera le retour à la stabilité de l'enveloppe globale de dotations versées par l'État aux collectivités territoriales.

Depuis 2014, une contribution au redressement des finances publiques, ou CRFP, a ainsi été répartie entre les différentes catégories de collectivités, et ce proportionnellement à la part respective de leurs recettes dans les recettes totales des collectivités territoriales.

Pour les communes, qui ont contribué à hauteur de 4,2 milliards d'euros entre 2014 et 2017, la répartition de l'effort s'est faite au prorata des recettes réelles de fonctionnement, conformément aux propositions du comité des finances locales. Grâce à cette disposition, chaque commune contribue de manière strictement proportionnelle aux ressources dont elle dispose.

C'est simplement en cas d'insuffisance de la dotation forfaitaire que les communes ont contribué au redressement des finances publiques via un prélèvement sur recettes fiscales. Cette situation concernait 439 communes au total en 2017. Le prélèvement sur la fiscalité ne pouvait donc concerner que des communes pour lesquelles la dotation forfaitaire représente une part faible des ressources.

C'est le cas de la commune de Gandrange que vous avez citée en exemple, pour laquelle la dotation forfaitaire représentait seulement 5 % des recettes en 2014.

Sur le fond, le choix d'un vecteur complémentaire d'imputation de la CRFP a été fait par le législateur dans le souci de garantir l'égalité entre les collectivités. En effet, il aurait été inéquitable que les collectivités territoriales disposant, au titre de leur budget, de ressources fiscales proportionnellement plus élevées que la DGF soient exemptées d'une partie de leur CRFP du seul fait de l'extinction de leur dotation forfaitaire.

C'est également la raison pour laquelle le législateur a fait le choix, à travers l'article 159 de la loi de finances initiale pour 2018, de reconduire à compter de 2018 les prélèvements opérés sur la fiscalité des communes au titre de la CRFP, comme cela était prévu depuis 2014.

Là encore, annuler ces prélèvements après 2017 aurait conduit les communes ayant payé une partie de la contribution sur leurs recettes fiscales à bénéficier d'un avantage sous la forme d'une sorte de « remise à zéro » des compteurs, alors que la contribution a été intégrée dans la base de calcul de la DGF pour l'immense majorité des communes.

J'en viens au second point de votre question.

Les indicateurs financiers utilisés dans le calcul des concours financiers et des fonds de péréquation prennent bien en compte le rétrécissement des bases fiscales lié à d'éventuelles restructurations d'entreprises. Ainsi, dans la mesure où elle se traduit par une perte de bases de la cotisation foncière des entreprises, la CFE, la fermeture d'une usine entraînera les années suivantes, et toutes choses égales par ailleurs, une diminution du potentiel fiscal de la commune. Cette dégradation des indicateurs financiers d'une collectivité serait susceptible de la rendre éligible soit aux dotations spécifiques soit aux fonds de péréquation.

Enfin, vous nous invitez à étudier en détail les conséquences du prélèvement sur la fiscalité pour les communes à qui l'on demande un montant de CRFP plus élevé que celui de leur dotation forfaitaire.

Une telle analyse a été réalisée par le précédent gouvernement. Le gouvernement actuel l'a reprise dans le cadre de la loi de finances pour 2018. Je le répète, nous considérons qu'il serait injuste de remettre les compteurs à zéro en annulant les prélèvements sur la fiscalité de collectivités…

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État. … dont on ne mésestime pas les difficultés économiques, mais qui ont des recettes fiscales plus élevées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez rappelé l'existence de procédures que je n'ignore pas. Mais ces éléments ne répondent pas à la situation que connaît actuellement la ville de Gandrange : cette dernière a subi une baisse brutale de ses différentes ressources, et ce au cours de la même année.

Je rappelle que, en 2007, la France a ratifié la Charte européenne de l'autonomie locale, adoptée le 15 octobre 1985 par le Conseil de l'Europe.

Ne pensez-vous pas que la décision d'amputer les ressources propres des collectivités locales, afin d'abonder le budget de l'État et de diminuer son déficit, obère la capacité de ces collectivités à présenter un budget en équilibre, obligation à laquelle celles-ci sont soumises, contrairement à l'État ? N'y a-t-il pas là une incohérence manifeste entre, d'une part, notre législation et, de l'autre, le droit européen applicable, notamment l'article 9 de la Charte européenne de l'autonomie locale, en vertu duquel « les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l'exercice de leurs compétences » ?

Pour conclure, je voudrais parler de ces élus locaux qui ont connu le désastre des restructurations : aujourd'hui, ils ont le sentiment d'être abandonnés. Ils estiment que l'État n'assure pas l'équité entre tous les territoires. Je pense notamment aux élus d'un département comme la Moselle, qui a connu le départ de plus de 5 000 militaires et qui a toujours subi les décisions prises à Paris, quels que soient les gouvernements. Heureusement que le Luxembourg se situe à proximité de ce territoire ! Sur le terrain, les élus locaux se sentent réellement floués.

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