Question de M. RAISON Michel (Haute-Saône - Les Républicains) publiée le 21/12/2017

M. Michel Raison interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur le projet de généralisation de la limitation de la vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire et sur les conclusions de l'expérimentation lancée en mai 2015 par le précédent gouvernement sur trois tronçons du territoire.
Le 14 décembre 2017, à l'occasion des questions d'actualité au Gouvernement au Sénat, il a questionné l'exécutif sur les résultats de cette expérimentation achevée le 1er juillet 2017 et dont les résultats n'ont fait l'objet d'aucune publication.
À cette occasion, le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, a « botté en touche » en esquivant sciemment la question.
Plus fort encore, il choisi la posture de la démagogie en cherchant à culpabiliser la représentation nationale quasiment accusée de faiblir dans la lutte contre la délinquance routière.
Aussi, estimant légitime de demander les résultats d'une expérimentation menée depuis deux ans, jugeant normal d'appeler le Gouvernement à faire preuve de pédagogie afin que toute prise de décision soit bien comprise et acceptée des automobilistes, il lui demande les conclusions de cette expérimentation et son analyse afin de justifier une telle mesure, même impopulaire, si elle est efficace.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 27/12/2018

Le comité interministériel de la sécurité routière réuni le 9 janvier 2018 par le Premier ministre témoigne de la volonté du Gouvernement de sauver plus de vies sur nos routes et de poursuivre la politique volontariste et innovante déjà engagée en matière de sécurité routière. Le Gouvernement ne peut pas passer sous silence ceux qui ont été tués sur les routes métropolitaines et ultra-marines (3 684 tués en 2017) comme il ne peut pas ignorer les 76 840 blessés en 2017, dont plus de 29 000 hospitalisés, qui pour certains garderont des séquelles toute leur vie. C'est bien pour réduire ces chiffres dramatiques qu'il a pris les mesures nécessaires. Lors de ce comité interministériel précité, 18 mesures ont été décidées, parmi lesquelles la mesure n° 5 dont l'objet est de réduire la vitesse maximale autorisée hors agglomération. Ainsi, selon les termes du décret n° 2018-487 du 15 juin 2018 relatif aux vitesses maximales autorisées des véhicules, qui met en œuvre cette mesure, sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, la vitesse maximale autorisée est de 80 km/h à compter du 1er juillet 2018. Toutefois, sur les sections de routes comportant au moins deux voies affectées à un même sens de circulation et permettant ainsi le dépassement sécurisé des véhicules, la vitesse maximale autorisée est maintenue à 90 km/h et ce sur ces seules voies. La vitesse accroît tant l'occurrence des accidents - quelle que soit la cause - que leur gravité. La vitesse excessive ou inadaptée constitue la première cause de mortalité sur les routes françaises (31 %). En 2017, 3 684 personnes ont perdu la vie sur le réseau routier français. Les deux-tiers des accidents mortels (63 %), soit 2 156 personnes tuées, sont survenus sur le réseau routier hors agglomération et hors autoroute c'est-à-dire sur des routes bidirectionnelles qui étaient majoritairement limitées à 90 km/h. La mise en place d'une telle mesure a pour objectif d'épargner chaque année de nombreuses vies humaines ; les experts Goran Neilsson et Rune Elvik ont estimé qu'un abaissement de 1 km/h de la vitesse pratiquée se traduit par un gain de 100 vies sur une année. En réduisant la vitesse maximale autorisée de 10 km/h, il est espéré épargner 300 à 400 vies par an. La mesure permet en effet de diminuer l'impact de la vitesse dans la mesure où elle contribue à l'anticipation des dangers et diminue les distances de freinage (la distance d'arrêt est de 57 mètres pour un véhicule roulant à 80 km/h contre 70 mètres pour un véhicule roulant à 90 km/h). Cet abaissement de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h permettra en outre de fluidifier le trafic et de l'apaiser, avec des conséquences bénéfiques sur l'environnement (diminution des émissions de polluants). Le Premier ministre a instauré une clause de rendez-vous au 1er juillet 2020 afin d'étudier avec précision et objectivité l'impact sur l'accidentalité de cette expérimentation. À cet effet, une évaluation de cette expérimentation est mise en place portant tant sur l'évolution des vitesses moyennes pratiquées par les usagers que sur l'évolution des accidents et de la mortalité sur les routes bidirectionnelles concernées par la mesure. Le Gouvernement saura en tirer les conséquences. Entre le 1er juillet 2015 et le 1er juillet 2017, une expérimentation a été réalisée sur l'abaissement de la vitesse maximale autorisée (VMA) de 90 km/h à 80 km/h. Trois sections de routes nationales bidirectionnelles sans séparateur central étaient concernées, dans quatre départements : 18 kilomètres de la RN 7 entre Croze-Hermitage et Valence dans la Drôme (26), 22 kilomètres de la RN 151 dans la Nièvre (58) et 33 kilomètres dans l'Yonne entre la Charité (58) et Auxerre (89) et 13 kilomètres sur la RN 57 entre Échenoz-le-Sec et Rioz dans la Haute-Saône (70). L'objectif de l'expérimentation était de mettre en évidence les effets de la baisse de la vitesse maximale autorisée sur les vitesses pratiquées par les usagers ; elle n'avait pas pour objet d'étudier le lien, déjà très documenté dans la littérature scientifique, entre la vitesse pratiquée et l'accidentalité. Les résultats de cette expérimentation, qui a consisté en sept campagnes de mesures portant sur plus de six millions de véhicules, ont permis de mettre en évidence une baisse moyenne de 4,7 km/h de la vitesse réelle pratiquée (- 5,1 km/h pour les véhicules légers, de - 2,7 km/h pour les poids-lourds qui sont déjà limités à 80 km/h), une baisse du différentiel des vitesses entre VL et PL (de 6,5 km/h à 4,1 km/h), une homogénéisation des vitesses pratiquées. Il a été également observé qu'il n'y avait pas d'augmentation du nombre de pelotons menés par un poids-lourd, ni de report de trafic significatif vers des itinéraires alternatifs. Le rapport final de cette expérimentation a été publié en janvier 2018 (disponible sur www. https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/experimentation-abaissement-vitesse-limite-autorisee-80-kmh). La vitesse, mal maîtrisée, inadaptée ou excessive, est la première cause de mortalité sur les routes. Les dernières statistiques de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) – intitulées « Auteurs présumés d'accidents mortels » – établies entre septembre 2014 et décembre 2017, révèlent que la vitesse est le premier facteur dans 45 % des accidents mortels de motocyclistes et 22 % des accidents mortels d'automobilistes. Baisser la vitesse c'est, de façon incontestable puisqu'il s'agit d'une loi élémentaire de la physique, diminuer les distances de freinage, faciliter l'évitement et, en cas de collision, réduire la violence et donc les conséquences des accidents. Le chercheur Goran Nielsson a établi « qu'une variation de la vitesse de 1 % induit une variation du nombre d'accidents corporels de 2 % et une variation du nombre d'accidents mortels de 4 % ». Cette règle statistique a été vérifiée à 30 ans d'intervalle par le chercheur Rune Elvik. Celui-ci a observé 500 situations partout dans le monde de baisse de la vitesse (dont 495 hors agglomération), et a confirmé le fonctionnement de cette règle 1 % - 2 % - 4 % dans les 500 situations. Ces études sont réalisées à partir d'études conduites dans de nombreux pays.

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