Question de Mme BERTHET Martine (Savoie - Les Républicains) publiée le 18/01/2018

Mme Martine Berthet attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question particulièrement délicate des mineurs étrangers isolés, et plus précisément sur le manque de cohérence du système d'évaluation et de mise à l'abri de ces personnes au niveau national, ainsi que sur le coût élevé pour le contribuable du traitement des dossiers dont beaucoup s'éternisent et n'aboutissent pas. Pour prendre l'exemple de la Savoie, département frontière avec l'Italie et porte d'entrée de parcours migratoires étudiés, c'est-à-dire qui ne sont pas dus au hasard, les premières statistiques de l'année écoulée indiquent 406 arrivées, dont 272 jeunes évalués parmi lesquels 174 n'ont pas été reconnus comme mineurs isolés, soit quasiment les deux-tiers des jeunes entrants. Il est bien connu que ces personnes dont la demande a été refusée se dirigent alors soit vers des voies de recours judiciaires, encouragées en cela par de nombreuses associations, soit vont tenter à nouveau leur chance dans un autre département, puis un autre, puis un autre et ainsi de suite. Et c'est justement là que le bât blesse ! C'est là qu'il y a un réel problème de cohérence du système car rien ne permet, en effet, à un département de savoir que la personne qu'il rencontre a déjà été refusée par un autre, voire par plusieurs autres ! Aucun fichier national à base de prises d'empreintes de la personne n'existe car la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) s'y oppose ! Non, on préfère faire recommencer le même travail par d'autres fonctionnaires territoriaux et les policiers de la police aux frontières (PAF), et dépenser l'argent du contribuable ! En Savoie, le coût du traitement d'un seul dossier d'une personne se déclarant mineure non accompagnée dure en moyenne vingt jours et revient au contribuable à 2 669 €, hébergement et frais médicaux compris. Il y a eu en 2017, toujours dans ce même département, 174 dossiers refusés mais bel et bien traités, soit 464 406 €, toujours aux frais des contribuables. Multipliez ce chiffre par un, deux, cinq, dix départements au sein desquels ces mêmes personnes vont à nouveau demander à être évaluées et vous obtenez au niveau national des chiffres exorbitants alors même qu'aucune de ces personnes n'a de chance d'être considérée comme mineur isolé, et donc de bénéficier d'une admission à l'aide sociale de l'enfance jusqu'à sa majorité. En outre, l'accueil des majeurs se déclarant mineurs dans les établissements et services de la protection de l'enfance présente des risques graves, comme l'embolisation de tout le dispositif de protection de l'enfance et le fait de ne plus pouvoir prendre en charge de véritables mineurs étrangers isolés ou nationaux. Il présente également le risque d'un afflux d'immigration clandestine de majeurs se présentant comme mineurs, avec des majeurs, parfois très âgés (jusqu'à 35 ans), pris en charge sur des groupes d'enfants de 13 à 18 ans. Elle lui demande donc ce qu'elle compte faire pour rendre ce système cohérent et véritablement efficace et si elle envisage la création d'un fichier national à base d'empreintes digitales, comme cela se fait déjà de manière tout à fait classique pour les cartes d'identité, afin de faire gagner du temps aux fonctionnaires déjà très sollicités, et de l'argent aux contribuables français.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 15/02/2018

Une augmentation notable du flux de personnes se déclarant mineurs non accompagnés (MNA) est constatée depuis la fin du mois de juin 2017, notamment à la frontière alpine. Le département de la Savoie, du fait de sa localisation, procède à de nombreuses évaluations de la minorité et de l'isolement. De plus, le nombre de mineurs confiés à l'aide sociale à l'enfance augmente, et ce, même si environ 64 % des personnes s'étant présentées sur la Savoie en 2017 ont été évaluées majeures par le département. Précisément, au niveau national, le nombre de personnes reconnues mineures non accompagnées est passé de 5590 en 2015 à 8054 en 2016 pour atteindre les 14908 en 2017, soit une augmentation de 85 % pour la dernière année. Le 15 septembre 2017, lors du comité de suivi du dispositif national, les ministres de la justice et des solidarités et de la santé ont réaffirmé leur volonté de travailler conjointement à l'élaboration d'un plan d'action national visant à améliorer l'accueil des MNA et personnes se présentant comme tels conformément aux engagements du président de la République. Par ailleurs lors du 87ème Congrès de l'Assemblée des départements de France, le Premier ministre a confirmé que l'Etat assumerait l'évaluation de l'âge et la mise à l'abri des personnes se déclarant MNA jusqu'à ce que leur minorité soit confirmée. Les principales problématiques mentionnées ont déjà été identifiées (absence d'un fichier national des personnes évaluées, multiples tentatives d'entrée en protection de l'enfance de la part de personnes majeures, défaut d'harmonisation des évaluations sur le territoire métropolitain, durée trop importantes de celles-ci, saisines abusives des juges des enfants suite à des refus de prise en charge) et sont expertisées par la mission bipartite nommée en octobre 2017 par le Premier ministre. Cette dernière, composée d'experts de l'État et de conseils départementaux, doit proposer des solutions opérationnelles en termes d'évaluation et de mise à l'abri. Le plan sera quant à lui présenté au courant du premier trimestre 2018. Enfin, conscient du coût des évaluations de la minorité et de l'isolement ainsi que de la prise en charge des mineurs non accompagnés, le Gouvernement continue de soutenir les départements. Le remboursement de la phase d'évaluation de la minorité et de l'isolement se poursuit, selon les procédures habituelles, à hauteur de 250 euros par jour et par personne dans la limite de cinq jours. De plus, l'engagement du gouvernement précédent d'allouer un financement exceptionnel aux départements a été repris et se fera sur la base de 30 % du coût correspondant à la prise en charge du nombre supplémentaire de MNA accueillis au 31 décembre 2017 par rapport au 31 décembre 2016.

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