Question de Mme de LA PROVÔTÉ Sonia (Calvados - UC) publiée le 02/02/2018

Question posée en séance publique le 01/02/2018

Mme Sonia de la Provôté. Ma question s'adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Madame la ministre, la semaine dernière, nous apprenions que la CPAM avait décidé de mener une expérimentation dévoilant aux employeurs le nombre, la durée et le motif des arrêts de travail dans leur entreprise, afin de prévenir l'absentéisme et de permettre à ces employeurs de prendre les mesures nécessaires concernant les conditions de travail. Cette étude a lieu dans les entreprises d'au moins 200 salariés, afin de rassurer le public quant à l'anonymat des données transmises.

Vous comprendrez bien, madame la ministre, que cette initiative donne lieu à des inquiétudes relatives au secret médical et à la protection des données de santé des citoyens. Plusieurs garde-fous existent, mais ils n'ont pas été mis en œuvre.

Ainsi, on ne prévoit pas de consentement éclairé du salarié sur l'usage qui est fait de ses données de santé, ni même un avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, puisqu'un décret exempte l'assurance maladie de cette obligation en cas d'expérimentation. La CNIL aurait sûrement émis des doutes sur la confidentialité des données fournies quand l'entreprise n'a que 200 salariés, échantillon trop faible pour garantir l'anonymat…

Ces données sont transmises directement à l'employeur, sans passer par le médecin du travail, dont c'est pourtant le rôle et le cœur de métier.

Enfin, la nature des motifs d'arrêt que la CPAM transmet n'est pas clairement précisée. Que pensez-vous, madame la ministre, de l'usage qui pourrait être fait d'informations sur des pathologies psychiatriques, des addictions ou encore des cancers ?

Que l'on ne se méprenne pas : je n'entends faire ni le procès des employeurs ni celui de la CPAM. Le sujet est bien celui du bon usage des données de santé des citoyens.

Madame la ministre, avant tout, j'en appelle à votre vigilance : êtes-vous prête à remettre en place les garde-fous nécessaires dans cette expérimentation qui échappe aux procédures habituelles ?

Pensez-vous, par ailleurs, que le rôle de la CPAM soit de travailler sur ces sujets directement avec l'employeur, en s'exonérant du filtre du médecin du travail ? Doit-on y voir la remise en question de la médecine du travail elle-même ? Je n'ose y croire. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 02/02/2018

Réponse apportée en séance publique le 01/02/2018

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, j'entends évidemment vos inquiétudes et votre appel à la vigilance au sujet de cette expérimentation. Néanmoins, permettez-moi de rappeler que, dans le cadre de sa mission de prévention des risques professionnels, l'assurance maladie peut mener des actions ciblées auprès de ses différents publics, c'est-à-dire des professionnels de santé, des assurés salariés, mais aussi des employeurs.

Depuis maintenant quelques années, nous observons une augmentation de l'incidence de pathologies pouvant avoir eu une origine professionnelle : lombalgies, troubles musculo-squelettiques ou encore troubles psychosociaux. Aussi l'assurance maladie a-t-elle décidé de mener une expérimentation en direction des grandes entreprises, pour les alerter sur leur prévention des risques.

La démarche consiste à sensibiliser ces entreprises sur les motifs d'arrêt maladie, afin, d'une part, de les inciter à prendre toutes les mesures et les moyens de prévention nécessaires à la bonne santé de leurs salariés, et, d'autre part, de lutter contre l'absentéisme. Cette démarche respecte le secret médical et la réglementation concernant la protection des données de santé.

À ce titre, pour répondre à vos interrogations, madame la sénatrice, le traitement de ces données est autorisé par le code de la sécurité sociale. En effet, les données statistiques partagées avec l'entreprise sont totalement anonymes et ne concernent que les entreprises de plus de 200 salariés, afin que le lien entre les causes d'absence et les salariés soit totalement impossible. À ce stade, l'expérimentation porte sur cinq entreprises seulement.

Il n'est nullement question de remettre en doute la médecine du travail et son action, bien au contraire. Je veux redire ici mon attachement à une meilleure prévention des risques. Cette expérimentation va dans le sens de la protection des salariés, et non dans celui de la dénonciation. Je pense que, tout comme moi, madame la sénatrice, vous approuverez cette politique, qui vise à prévenir les risques pour mieux guérir, tout en respectant l'anonymat dans l'usage des données de santé. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour la réplique.

Mme Sonia de la Provôté. Madame la ministre, la question est vraiment celle de la transparence du protocole. J'estime pour ma part que tous les acteurs, les salariés en premier lieu, auraient dû être informés en amont. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

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