Question de M. MOHAMED SOILIHI Thani (Mayotte - LaREM) publiée le 02/02/2018

Question posée en séance publique le 01/02/2018

M. Thani Mohamed Soilihi. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Jusqu'ici, le département de Mayotte disposait d'un code du travail spécifique, qui fixait notamment la durée légale de travail à 39 heures et prévoyait une juridiction spécifique – le tribunal du travail – chargée de traiter le contentieux en matière prud'homale.

Le passage au droit commun a eu lieu, en partie, le 1er janvier 2018. En revanche, la création d'un conseil des prud'hommes, à l'étude depuis la départementalisation, a été repoussée, d'abord de 2015 à 2017, puis jusqu'en 2022.

Je me fais aujourd'hui l'écho des troubles observés dans mon département à l'occasion de ce nouveau report, qui a suscité la grogne des syndicats de salariés et de patrons de Mayotte, lesquels ont décidé, en réaction, de ne pas désigner d'assesseurs au tribunal du travail, en remplacement de ceux dont les mandats expiraient à la fin de décembre 2017.

Cette décision a conduit le président de cette juridiction à siéger seul, depuis le 1er janvier 2018, afin d'éviter la paralysie du tribunal et le renvoi sine die des affaires en cours.

Vous conviendrez, madame la garde des sceaux, que cette solution n'est à l'évidence pas satisfaisante, puisqu'elle soustrait la justice prud'homale à l'appréciation des représentants des salariés et des employeurs.

Une fois de plus, les citoyens mahorais ont le sentiment d'être laissés pour compte. Que répondez-vous à leurs attentes, madame la garde des sceaux, et que comptez-vous faire pour assurer la continuité du service public prud'homal à Mayotte dans les mêmes conditions que sur le reste du territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 02/02/2018

Réponse apportée en séance publique le 01/02/2018

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui me donne l'occasion de rappeler l'attention que le Gouvernement porte en permanence à nos concitoyens ultramarins et, en l'espèce, aux justiciables du département de Mayotte.

Loin de manifester un manque d'intérêt pour la justice du travail mahoraise, le report au 1er janvier 2022 de la création d'un conseil des prud'hommes à Mayotte, par l'ordonnance n° 2017-1491 du 25 octobre 2017, illustre au contraire notre particulière préoccupation à ce sujet. En effet, c'est bien parce que les conditions permettant un fonctionnement normal du conseil des prud'hommes de Mayotte – notamment le recrutement d'un vivier solide de conseillers et leur formation – n'étaient pas réunies que nous avons décidé ce report.

Si tel n'avait pas été le cas, la première présidente de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion aurait été obligée de constater cette carence et de désigner un juge du tribunal de grande instance pour juger le contentieux du travail. Non seulement il n'y aurait donc pas eu de conseil des prud'hommes au 1er janvier 2018, mais Mayotte aurait également perdu son tribunal du travail. Je ne l'ai pas voulu, et je ne pense pas que ce soit non plus le souhait de ceux qui, parmi les partenaires sociaux, expriment aujourd'hui leur mécontentement.

Notre volonté est bien plutôt de mettre à profit ce délai pour élaborer l'architecture d'un conseil des prud'hommes qui prenne en compte les spécificités locales et qui permette le recrutement d'un personnel formé dans le cadre des dispositions du code du travail actuellement applicables à Mayotte. Pour cela, une commission interministérielle a été créée ; elle se rendra à Mayotte pour mettre en place ces solutions.

D'ici là, j'engage l'ensemble des partenaires sociaux à renouer le dialogue et à désigner leurs représentants au tribunal du travail, afin que celui-ci puisse fonctionner de manière correcte. Je puis vous assurer que, si tel n'était pas le cas, je ferais tout pour que la continuité du service public de la justice soit réellement opérationnelle à Mayotte, dans l'intérêt des justiciables. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour la réplique.

M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse, qui permet de constater que, contrairement à ce que certains ont craint, il n'y a pas, de fait, de déni de justice à Mayotte du fait de cette crise.

Je vous sais gré de rester vigilante, pour que la justice puisse continuer de s'exercer dans ce département comme partout ailleurs dans la République. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

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