Question de M. BRISSON Max (Pyrénées-Atlantiques - Les Républicains) publiée le 09/03/2018

Question posée en séance publique le 08/03/2018

M. Max Brisson. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Depuis dimanche dernier, l'Italie observe au Palais du Quirinal le président Sergio Mattarella tenter de dénouer le nœud gordien issu des urnes… Tout comme la France observait il y a soixante ans le président René Coty à l'Élysée.

C'était chez nous le temps de la proportionnelle avec ses majorités éphémères, construites sur des compromis de couloir. C'était le temps où l'on changeait de gouvernement tous les cinq mois.

Aujourd'hui encore, il y a des pays sans exécutif, avec un gouvernement sortant qui expédie les affaires courantes. Cette situation a duré des mois en Belgique en 2007 et en 2010 ; des mois en Espagne voilà deux ans, cinq mois en Allemagne récemment, et c'est désormais au tour de l'Italie.

Car, au-delà des formes multiples que prennent, dans chaque pays, les expressions extrêmes ou démagogiques, il existe, monsieur le Premier ministre, un dénominateur commun à tous ces exemples : la proportionnelle intégrale ou partielle. (Mme Brigitte Lherbier et M. Jacques Genest applaudissent.)

Grâce au général de Gaulle et aux pères fondateurs de la Ve République, les Français élisent, quant à eux, leurs députés au scrutin majoritaire à deux tours. Ils bénéficient en retour de majorités claires et stables.

Monsieur le Premier ministre, au vu des situations vécues par nos voisins et amis, le Gouvernement est-il toujours enclin à introduire une dose substantielle de proportionnelle ? Peut-il prendre le risque d'ajouter à terme aux difficultés économiques du pays une crise politique ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 09/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 08/03/2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la révision constitutionnelle à venir concernant à la fois le nombre de parlementaires et le mode de scrutin qui permettra de désigner les parlementaires représentant le peuple.

M. Philippe Bas. La question porte seulement sur le mode de scrutin !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous avez commencé votre propos en parlant de l'Italie et en mentionnant René Coty. Sachez que cette allusion va droit au cœur du Havrais que je suis, car il était Havrais.

Vous avez ensuite évoqué le risque politique qui, selon vous, s'attache au blocage institutionnel et serait nécessairement lié au scrutin proportionnel.

Le débat entre le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel est ancien. Je me permets de vous faire observer, monsieur le sénateur, que la Ve République elle-même a vécu pendant un temps avec un scrutin proportionnel intégral.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Merci Mitterrand !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Si l'on peut s'interroger sur les décisions qui ont été prises par les majorités issues de ces scrutins, personne, monsieur le sénateur – et certainement pas le Sénat ! –, aucun citoyen de bonne foi ne peut dire que les institutions auraient été pendant ces années-là bloquées. En aucune façon !

Je me permets également de vous faire observer, monsieur le sénateur, qu'il est arrivé que des majorités relatives gouvernent sous la Ve République, et ce n'était pas lorsque le scrutin proportionnel intégral était en vigueur. (M. François Bonhomme s'exclame.)

M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Comme quoi, vous le savez parfaitement, monsieur le sénateur, les choses sont parfois un peu plus compliquées que ce qu'elles donnent à voir.

Je me permets enfin de vous faire remarquer que le système allemand, qui repose sur la proportionnelle, a permis le renouvellement pendant plusieurs mandats des mêmes majorités (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.), des majorités stables sous Helmut Kohl, sous Gerhard Schröder et sous Angela Merkel.

M. François Grosdidier. Ce n'est plus le cas aujourd'hui !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ces majorités ont permis, reconnaissons-le, une action publique cohérente, courageuse et continue.

Si je vous dis cela, monsieur le sénateur, c'est parce que le Président de la République s'est engagé pendant sa campagne à introduire une dose de proportionnelle dans la désignation des députés. Je relève d'ailleurs que la dose de proportionnelle existe au Sénat, et je n'ai pas compris que vous proposiez de revenir sur ce point.

Pourquoi introduire une dose de proportionnelle pour l'élection des députés ? Pour permettre à des pans assez larges de la population française et des électeurs français d'avoir la garantie d'être représentés au sein de l'Assemblée nationale. Une dose de proportionnelle comprise entre 10 % et 25 % : telle est la proposition qui a été faite. Entre 10 % et 25 % – M. de La Palice n'aurait pas dit mieux –, cela veut dire que le scrutin majoritaire prévaudra entre 75 % et 90 %. Je ne crois pas qu'avec une telle modification nous remettions en cause la logique des institutions.

M. François Bonhomme. Si !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous avez parfaitement le droit de le penser !

Je ne pense pas que l'introduction de 10 %, 15 %, 20 % ou 25 % de proportionnelle soit de nature à remettre en cause les institutions ; en témoigne la proportionnelle intégrale en 1986, qui n'avait d'ailleurs pas empêché le Sénat de fonctionner.

Autrement dit, je me réjouis que nous ayons bientôt cette discussion sur la révision constitutionnelle – le Gouvernement y est bien sûr prêt –, car elle sera utile et intéressante. Comme vous, je crois que tenir les engagements de campagne qui ont été pris a une valeur. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur quelques travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique, en trente-trois secondes.

M. Max Brisson. Monsieur le Premier ministre, lorsque les exemples venus de l'étranger sont bons, il faut les suivre. Lorsqu'ils ne le sont pas, il faut les fuir. Sachons aussi tirer les leçons de l'Histoire.

La Ve République a assuré la stabilité politique en France. C'est l'un des legs les plus précieux du général de Gaulle. Revenir au scrutin proportionnel, c'est le retour au vieux monde, celui de l'instabilité politique, celui des tractations entre appareils politiciens comme « au bon vieux temps » du régime des partis. Le scrutin majoritaire est indissociable de la logique de nos institutions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub ainsi que MM. Jean-Claude Luche et Olivier Cigolotti applaudissent également.)

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