Question de M. GUÉRINI Jean-Noël (Bouches-du-Rhône - RDSE) publiée le 22/03/2018

M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur un « séparatisme social » de plus en plus flagrant.
Une note de la fondation Jean Jaurès intitulée « 1985-2017 : quand les classes favorisées ont fait sécession » fait le constat implacable d'un « fossé de plus en plus béant entre la partie supérieure de la société et le reste de la population ». L'auteur observe que, dans l'habitat, les catégories les plus favorisées ont de plus en plus tendance à l'autarcie et ne côtoient même plus les milieux populaires, notamment à Paris où la population de cadres et professions intellectuelles a presque doublé de 1982 à 2013. Selon le même processus, il n'y a pas de véritable mixité sociale à l'école puisque les catégories sociales supérieures (CSP+) ont massivement investi les écoles privées, plus pour des raisons de contournement de la carte scolaire que pour des raisons confessionnelles. La « ségrégation scolaire » se poursuit dans les grandes écoles dont la base sociale de recrutement se resserre. De surcroît, la fin du service militaire et le déclin des colonies de vacances constituent d'autres indices d'un brassage social qui n'a plus l'occasion de s'exercer. L'auteur repère le même clivage sociologique dans le monde politique, ce qui s'accompagne d'un « fossé idéologique » avec les électeurs populaires. Enfin, l'augmentation de l'exil fiscal traduit que « le sentiment de solidarité, mais aussi de responsabilité à l'égard de l'ensemble de la société – qui incombe traditionnellement aux élites selon le principe de l'adage « noblesse oblige » – s'étiole progressivement ».
Face à ce diagnostic très inquiétant pour notre modèle républicain, il lui demande ce qui peut être envisagé pour restaurer la mixité sociale.

- page 1304

Transmise au Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales


Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 26/12/2019

Le Gouvernement reste garant des grands principes qui régissent la politique du logement en France, dont, notamment, l'égalité et la cohésion des territoires, et la mixité sociale dans l'habitat. L'égalité et la cohésion des territoires par la recherche de l'équilibre des actions et des moyens alloués entre les territoires fortement tendus d'un côté, où la tension sur les marchés locaux de l'habitat est telle qu'elle doit résolument orienter l'action publique vers la production d'un large spectre de logements, de tous types et toutes typologies, à destination de tous les publics, et les territoires moins tendus, voire en déprise, de l'autre côté, et sur lesquels les enjeux sont bien évidemment tout autres que les stricts enjeux de développement : requalification, rénovation, réhabilitation. La recherche de la mixité sociale dans les communes les plus favorisées passe notamment par la bonne application des dispositions de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), dont le Gouvernement, ainsi qu'il l'a rappelé tout au long de la discussion parlementaire relative à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), considère que le dispositif est équilibré, s'agissant de ses modalités et de son périmètre d'application, et du niveau des obligations assignées aux communes en matière de logement social (20 ou 25 % des résidences principales), en regard des spécificités locales, et porte la plus grande attention à ce qu'elle soit effectivement appliquée. En regard des besoins qui s'expriment de manière indiscutable sur ces communes et de leur intégration aux bassins de vie, aucune d'entre-elles ne saurait aujourd'hui raisonnablement contester la pertinence de l'effort à y soutenir pour mieux loger les ménages modestes et répondre ainsi à l'exigence de mixité sociale. Ainsi, la commune de Paris, est, comme toutes les communes, soumise à ces dispositions. Si elle n'atteint pas le taux légal de 25 % - elle compte 20,53 % de logement locatifs sociaux au 1er janvier 2017- la commune, hors dépenses déductibles, est redevable d'un prélèvement de 28 millions d'euros. De même, dans les QPV, l'objectif du Gouvernement est également d'y favoriser la mixité sociale en privilégiant, via l'action concertée et commune des services de l'État et de l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), lors de la requalification de ces quartiers, le développement du parc privé, l'accession à la propriété, et la reconstitution de l'offre sociale, et le relogement des personnes ou ménages, avec leur accord, dans des quartiers moins dotés en logements locatifs sociaux et dans lesquels le revenu par habitant est plus élevé. Aussi, les aides à la pierre, via la programmation du conseil d'administration du fonds national des aides à la pierre (FNAP), sont orientées en priorité vers les territoires tendus. Les QPV ne sont pas, sauf dérogation, bénéficiaires de subventions et prêts PLAI et PLUS pour le financement du logement locatif social. En parallèle, la politique d'attribution des logements locatifs sociaux, qui a été réformée successivement par les lois du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, (ALUR), du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté et du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), vise bien à renforcer la mixité sociale des villes et des quartiers, puisque, en ce domaine, elle favorise l'accès des ménages dont les revenus sont les plus faibles, aux logements locatifs sociaux situés en dehors des QPV. Ainsi, au moins 25 % des attributions en dehors des QPV, suivies de baux signés, doivent être consacrées aux ménages appartenant au premier quartile des demandeurs aux ressources les plus faibles et aux personnes relogées dans le cadre d'une opération de rénovation urbaine. La loi ELAN a d'ailleurs renforcé cet objectif en faisant de cette obligation un minimum à atteindre alors que la loi du 27 janvier 2017 permettait aux conférences intercommunales du logement d'ajuster cet objectif à la baisse. A contrario, au moins 50 % des attributions en QPV doivent être consacrées aux ménages appartenant aux deuxième, troisième et quatrième quartiles des demandeurs aux ressources les plus élevées. Enfin, et plus globalement, la loi ELAN a pour objectifs fondamentaux de libérer la construction, de protéger les plus fragiles, renforcer les moyens pour lutter contre les fractures territoriales et les abus, mobiliser des solutions de logement pour les plus démunis et fluidifier les parcours résidentiels des plus fragiles.

- page 6382

Page mise à jour le