Question de M. MANDELLI Didier (Vendée - Les Républicains) publiée le 03/05/2018

M. Didier Mandelli interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le projet de traité avec le Mercosur.

En effet, ce projet de traité consiste à faciliter l'exportation de produits agricoles (le bœuf, notamment) du Mercosur vers l'Union européenne (UE). En retour, le Mercosur doit ouvrir le marché sud-américain aux voitures, produits pharmaceutiques, produits laitiers et vins européens et autoriser les sociétés de l'UE à répondre aux appels d'offres publics.

Les agriculteurs sont particulièrement inquiets pour la compétitivité de la production de viande française. En effet, 99 000 tonnes de bœuf supplémentaires pourraient entrer sur le marché européen, en plus des 240 000 tonnes que l'UE importe déjà du Mercosur (et des 60 000 tonnes prévues dans le cadre de l'Accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada -CETA-) ; cela représenterait la moitié de la production de viande de bœuf en Europe et aurait comme conséquence de faire perdre à la France entre 20 et 25 000 exploitations.

Les agriculteurs craignent en outre l'entrée sur le marché européen de denrées produites dans des conditions moins contraignantes, des viandes d'animaux nourris aux farines animales, aux OGM ou encore traités aux hormones, entraînant des prix plus bas et un potentiel risque sanitaire.

Cette inquiétude est renforcée par le récent scandale de la viande avariée au Brésil. L'Union européenne a ainsi interdit l'importation des produits de vingt entreprises brésiliennes impliquées dans une vaste fraude sanitaire. Elles sont soupçonnées d'avoir falsifié la qualité des viandes vendues au Brésil et à l'export, par le biais d'une « organisation criminelle » impliquant la corruption de fonctionnaires. Les viandes vendues étaient en effet avariées.

Il souhaiterait donc, au regard de ces éléments, connaître l'état des négociations autour du traité avec le Mercosur.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 25/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 24/07/2018

M. Didier Mandelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre et qui a beaucoup mobilisé en ce début d'année, notamment au moment du Salon de l'agriculture : le traité en cours de négociation entre l'Union européenne et les pays d'Amérique latine rassemblés au sein du marché commun du Sud, le MERCOSUR, permettant de renforcer leurs relations commerciales.

Ce projet de traité consiste à faciliter l'exportation de produits agricoles, notamment le bœuf, du MERCOSUR vers l'Union européenne. En retour, le MERCOSUR doit ouvrir le marché sud-américain aux voitures, aux produits pharmaceutiques, aux produits laitiers et aux vins européens et autoriser des sociétés de l'Union à répondre aux appels d'offres publics.

Si ces derniers éléments sont plutôt positifs, nous sommes toutefois préoccupés par la compétitivité de la production de viande bovine française. En effet, 70 000 tonnes de bœuf supplémentaires a minima pourraient entrer sur le marché en plus des 240 000 tonnes que l'Union européenne importe déjà du MERCOSUR et des 60 000 tonnes prévues dans le cadre de l'accord économique et commercial global, dit « CETA », conclu entre l'Union européenne et le Canada.

Cela représenterait la moitié de la production de viande de bœuf en Europe et aurait comme conséquence de faire perdre à la France entre 20 000 et 25 000 élevages selon les organisations professionnelles.

Nous craignons en outre l'entrée sur le marché européen de denrées produites dans des conditions moins contraignantes, des viandes d'animaux nourris aux farines animales, aux OGM ou encore traités aux hormones, entraînant des prix plus bas et un potentiel risque sanitaire.

L'Union européenne a récemment interdit l'importation des produits de vingt entreprises brésiliennes impliquées dans une vaste fraude sanitaire. Elles sont soupçonnées d'avoir falsifié la qualité des viandes vendues au Brésil et à l'export. Cela traduit également l'efficacité de nos contrôles.

Alors que nous venons de terminer l'examen en première lecture du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dit « ÉGALIM », vous comprendrez que ces négociations inquiètent particulièrement les éleveurs et la représentation nationale. Elles vont à l'encontre des objectifs que nous avons pu défendre dans la loi : une agriculture locale, respectueuse de l'environnement et des circuits courts de consommation et le renforcement de notre indépendance alimentaire.

La défense de notre modèle agricole et la protection des Français doivent être une priorité. C'est pourquoi je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ce sujet et avoir des précisions sur l'état exact des négociations et les garanties sanitaires concernant les produits visés par ce projet de traité.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur Mandelli, Stéphane Travert étant retenu, il m'a demandé de répondre à la question que vous posez.

Les négociations de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le MERCOSUR emportent des enjeux importants pour certaines filières agricoles françaises, notamment la filière bovine, pour les questions de compétitivité que vous avez évoquées.

Pleinement conscient de ces enjeux et en cohérence avec les objectifs des États généraux de l'alimentation, le Gouvernement s'engage pour assurer la défense des intérêts français et garantir la préservation du dynamisme économique de nos territoires.

La France, avec le soutien d'autres États membres, considère ainsi que la conclusion de l'accord entre l'Union européenne et le MERCOSUR est tributaire de l'équilibre entre l'ouverture du marché et la protection des filières sensibles agricoles dans la négociation, en particulier la filière bœuf, l'éthanol, le sucre ou encore les volailles.

Concernant plus particulièrement la viande bovine, l'Union européenne a proposé à l'automne 2017 un contingent de 70 000 tonnes équivalent carcasse. Face à la pression du MERCOSUR pour élever ce quota au-delà de 100 000 tonnes, la France demande que ce contingent soit le plus limité possible et ne s'écarte pas significativement du chiffre de 70 000 tonnes.

En cohérence avec les actions décidées dans le cadre du plan d'action sur la mise en œuvre de l'accord économique et commercial global, le Gouvernement fait en outre valoir que les concessions tarifaires sur les produits sensibles doivent s'inscrire dans les limites d'une enveloppe globale permettant de définir ce qui est soutenable pour les filières au regard du marché, à l'échelle de l'ensemble des négociations en cours ou à venir, notamment avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou le Mexique.

Le Gouvernement se mobilise également pour l'ajout de mesures qui permettent de garantir des conditions de concurrence équitable entre les producteurs français et ceux des pays du MERCOSUR, notamment la mise en place d'un mécanisme de sauvegarde et de conditions non-tarifaires liées au mode de production.

Concernant le volet sanitaire et phytosanitaire, des audits ont été réalisés au Brésil par les services de la Commission européenne, tant en 2017 qu'en 2018, pour évaluer la fiabilité de la certification des exportations vers l'Union européenne.

Je puis vous assurer que le Gouvernement sera particulièrement vigilant pour que la fiabilité du système sanitaire du MERCOSUR soit garantie, avant même la conclusion de l'accord, et ce, en cohérence avec les conclusions de cet audit.

En tout état de cause, les importations de viande en provenance du MERCOSUR devront se conformer aux normes sanitaires de l'Union européenne et les viandes bovines issues d'animaux traités avec des hormones de croissance ou toute autre substance non autorisée dans l'Union européenne comme facteur de croissance resteront strictement interdites.

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour répondre à M. le secrétaire d'État.

M. Didier Mandelli. Monsieur le secrétaire d'État, je ne puis que partager les objectifs que vous venez d'exposer.

Le marché étant très concurrentiel et nos frontières très ouvertes, je souhaite que nous soyons vigilants, afin de garantir, dans l'esprit de la loi ÉGALIM, des conditions de parfaite concurrence pour nos producteurs et leurs collègues européens et internationaux, sur le plan économique, mais aussi sur le plan sanitaire ; j'ai bien noté que vous avez évoqué ce dernier.

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