Question de Mme DOINEAU Élisabeth (Mayenne - UC) publiée le 10/05/2018

Mme Élisabeth Doineau attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les problèmes posés par l'application stricte de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. En effet, en application de cette directive-cadre sur l'eau, les décisions préfectorales conduisent trop souvent à la destruction de sites, sans étude d'impact et, le plus souvent, sans avis des conseils départementaux.
Les retenues et réservoirs, les canaux et les biefs sont considérés comme zones humides dans la convention de Ramsar. Ils répondent également à la définition de zones humides dans la loi française. Pourtant, les opérations de continuité écologique se déroulent sans inventaire complet de la biodiversité de ces zones humides et, par conséquent, sans évaluation du bilan global et de l'impact sur les oiseaux, amphibiens et végétaux.
Par ailleurs, l'énergie hydro-électrique est la plus propre et la moins coûteuse des énergies renouvelables. Considérant que 90 % des sites déjà en place ne produisent pas à l'heure actuelle, il existe un potentiel de croissance important. Dans une logique économique et écologique, il semble que l'équipement des sites existants serait préférable à la destruction de tous les ouvrages (moulins, forges, étangs, anciennes usines hydro-électriques ou barrages) au nom de la continuité écologique.
Elle souhaite savoir comment il pourrait faire évoluer les pratiques pour que l'ensemble du vivant aquatique soit pris en considération dans les opérations impactant le milieu et comment il entend simplifier la conduite des projets hydro-électriques et garantir que les nécessaires mesures de protection écologique restent proportionnées aux impacts observés.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 05/12/2018

Réponse apportée en séance publique le 04/12/2018

Mme Élisabeth Doineau. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur les problèmes posés par l'application stricte de la directive-cadre sur l'eau, la DCE, adoptée par le Parlement européen le 23 octobre 2000.

En application de la DCE, les décisions préfectorales conduisent trop souvent à la destruction de sites, sans étude d'impact et, le plus souvent, sans avis des conseils départementaux.

Les retenues et réservoirs, les canaux et les biefs sont considérés comme zones humides selon la convention de Ramsar. Ils répondent également à la définition des zones humides dans la loi française. Pourtant, les opérations de continuité écologique se déroulent sans inventaire complet de la biodiversité de ces zones humides et, par conséquent, sans évaluation du bilan global et de l'impact sur les oiseaux, les amphibiens et les végétaux.

Par ailleurs, l'énergie hydroélectrique est la plus propre et la moins coûteuse des énergies renouvelables. Considérant que 90 % des sites déjà en place ne produisent pas à l'heure actuelle, il existe donc un potentiel de croissance important.

Dans une logique économique et écologique, il semble que l'équipement des sites existants serait préférable à la destruction de tous les ouvrages – moulins, forges, étangs, anciennes usines hydroélectriques ou barrages – au nom de la continuité écologique.

Madame la secrétaire d'État, pensez-vous faire évoluer les pratiques pour que l'ensemble du vivant aquatique soit pris en considération dans les opérations affectant le milieu ? Comment entendez-vous simplifier la conduite des projets hydroélectriques et garantir que les nécessaires mesures de protection écologique restent proportionnées aux impacts observés ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Doineau, François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, ne pouvait malheureusement être présent ; il m'a chargée de vous répondre à sa place.

Vous appelez son attention sur les problèmes posés par l'application stricte de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre réglementaire pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

Je tiens à vous le dire tout de suite, la conciliation des enjeux liés aux transitions écologique et énergétique est possible. C'est d'ailleurs tout l'objet des politiques publiques menées par le ministère de la transition écologique et solidaire ; c'est aussi la vision que porte la France au niveau européen.

D'une part, la restauration du bon état des cours d'eau est essentielle à la reconquête de la biodiversité. D'autre part, l'hydroélectricité est une énergie renouvelable essentielle. Dans la mesure où son potentiel en France est déjà bien exploité, la priorité est donc désormais d'optimiser les installations existantes, sur le plan de la production et de la puissance de pointe.

Il faut donc équiper les ouvrages de turbines aux endroits adaptés, limiter les impacts, décloisonner les rivières et restaurer des habitats naturels dans d'autres secteurs. De nombreux territoires s'y emploient avec succès, bien que la conciliation locale reste complexe à atteindre.

Ainsi, le Comité national de l'eau a travaillé pendant plusieurs mois en associant toutes les parties prenantes à l'élaboration d'un plan d'action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique, porté par notre ministère, en lien avec le ministère de la culture pour la partie patrimoniale.

Ce plan apporte des solutions en matière de coordination des services de l'État, y compris de ses opérateurs, et de concertation avec les parties prenantes. Il comportera des documents d'accompagnement et un centre de ressources pour les services, les collectivités, les hydroélectriciens, les riverains, de façon à mettre en avant des solutions au cas par cas. L'objectif est véritablement de faire du sur-mesure, pour une adaptation maximale aux spécificités des territoires.

Par ailleurs, concernant la protection des zones humides, la convention de Ramsar a adopté une large définition des zones humides, comprenant notamment les marécages et les marais, les prairies humides, les tourbières, les mangroves et autres zones côtières, mais également tous les lacs et cours d'eau.

La politique de restauration de la continuité écologique des cours d'eau n'est donc pas en contradiction avec les objectifs et les engagements pris dans le cadre de la convention de Ramsar. Au contraire, elle contribue à leur mise en œuvre.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, à qui il reste trente-six secondes pour la réplique.

Mme Élisabeth Doineau. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Il est rassurant de savoir que le plan d'action a vocation à traiter les situations au cas par cas. Je partage pleinement cette ambition. L'hydroélectricité est un enjeu majeur pour la promotion de l'énergie propre.

À mon sens, la DCE, trop arbitraire, ne tient pas suffisamment compte des lois de la nature. Les anciens, qui avaient construit ce petit patrimoine hydroélectrique selon une démarche sans doute instinctive, mais ils étaient très attentifs à la nature. On ne saurait envisager de tout détruire.

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