Question de M. FÉRAUD Rémi (Paris - SOCR) publiée le 17/05/2018

M. Rémi Féraud attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation extrêmement préoccupante posée par la présence, à Paris comme dans d'autre villes de France, de mineurs isolés étrangers, parfois très jeunes, en errance et refusant, malgré la forte implication de tous les acteurs locaux, les prises en charge qui leur sont proposées.
Souvent poly-toxicomanes, à la rue depuis leur plus jeune âge dans leur pays d'origine, ils sont à l'origine de nombreux actes de violence, se mêlant progressivement aux réseaux de délinquance organisée déjà installés.
Ces enfants et adolescents sont en danger et sont un danger pour les riverains.
La situation devient aujourd'hui d'autant plus alarmante que les habitants constatent, chaque jour, l'impuissance des pouvoirs publics à répondre à la détresse de ces jeunes, à la fois victimes et délinquants.
Cette problématique concerne particulièrement le quartier de la Goutte d'Or dans le 18ème arrondissement de Paris mais dépasse le territoire parisien comme elle dépasse les compétences des collectivités locales en matière de protection de l'enfance.
Le changement fréquent des villes de résidence de ces jeunes, en France comme en Europe, rend vaine toute tentative de réponse sur un territoire précis et menace les résultats fragiles du travail social conduit auprès d'eux.
Une action forte et efficace du Gouvernement paraît aujourd'hui indispensable et urgente. Un plan d'urgence d'ampleur est indispensable et doit être coordonné par ses services.
Il aimerait savoir quels moyens adaptés vont être déployés pour activer les contacts diplomatiques avec les pays d'origine de ces très jeunes mineurs non accompagnés pour les identifier et retrouver leurs familles, renforcer les capacités d'action des forces de police dans les villes et quartiers concernés, mais aussi sortir ces jeunes de la rue et les mettre à l'abri, y compris lorsqu'ils refusent toute aide sociale.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministre de l'économie et des finances publiée le 01/08/2018

Réponse apportée en séance publique le 31/07/2018

M. Rémi Féraud. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la situation extrêmement préoccupante provoquée par la présence, à Paris, mais aussi dans d'autres villes de France, de mineurs isolés étrangers, parfois très jeunes, en errance et refusant, malgré la forte implication de tous les acteurs depuis plusieurs mois, les prises en charge qui leur sont proposées.

Parfois à la rue depuis leur plus jeune âge dans leur pays d'origine, le Maroc essentiellement, ces enfants commettent de nombreux actes de violence. Ils sont souvent devenus polytoxicomanes et se mêlent progressivement aux réseaux de délinquance organisée.

Cette problématique concerne tout particulièrement le quartier de la Goutte d'Or, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Ces enfants et adolescents représentent un danger pour la sécurité des habitants et sont eux-mêmes en grand danger.

La situation devient aujourd'hui d'autant plus alarmante que nous constatons tous l'impuissance des pouvoirs publics à répondre à la détresse de ces jeunes, qui sont à la fois victimes et délinquants. Or cette situation dépasse largement les compétences des collectivités locales en matière de protection de l'enfance.

La coopération avec les autorités marocaines, mise en place depuis quelques semaines, mais qui ne semble pas être inscrite dans la durée, est un outil indispensable, ne serait-ce que pour permettre l'identification des jeunes. Néanmoins, elle ne saurait constituer la seule réponse à une situation qui relève d'abord de l'enfance en danger et de la protection de l'enfance et qui demande un engagement beaucoup plus fort des institutions qui en ont la responsabilité.

La maire de Paris, Anne Hidalgo, a écrit en ce sens au Premier ministre le 17 juillet dernier. Elle propose de travailler avec l'État à la création d'une structure adaptée à ces mineurs, qui fonctionnerait comme un centre éducatif fermé, en accordant une place prédominante aux soins.

J'aimerais donc savoir, madame la secrétaire d'État, premièrement, quels moyens adaptés vont être déployés par l'État dans les mois qui viennent pour continuer d'activer les contacts diplomatiques avec les pays d'origine de ces mineurs isolés, en particulier le Maroc ; deuxièmement, pour renforcer les capacités d'action des forces de police dans les quartiers concernés ; troisièmement, pour trouver des réponses concrètes sur le plan pénal afin de sortir ces enfants de la rue et de leurs addictions, y compris contre leur gré, et de pouvoir mettre en œuvre une prise en charge éducative adaptée à leur situation ?

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous prie d'excuser l'absence de Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, retenue pour une réunion à l'Élysée, ce que l'on peut comprendre, compte tenu de l'actualité. Elle est remplacée par Mme Delphine Gény-Stephann.

La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur Rémi Féraud, je vous transmets en effet la réponse de Mme la garde des sceaux.

La problématique des mineurs non accompagnés marocains mobilise fortement la justice, notamment les juridictions de la région parisienne, au premier rang desquelles le parquet des mineurs de Paris et le tribunal pour enfants.

Vous l'avez dit, ces jeunes, souvent polytoxicomanes, vivent dans des conditions d'errance extrêmement précaires. Ils peuvent être à l'origine d'atteintes répétées à l'ordre public tout en étant eux-mêmes victimes de violences ou de réseaux de trafics.

À Paris, il y aurait en permanence entre quarante et soixante-dix mineurs localisés dans le quartier de la Goutte d'Or, avec des arrivées et des départs continus.

Ces mineurs représentent une part importante de l'activité de la permanence des mineurs du parquet de Paris. L'an dernier, 813 mineurs ont été placés en garde à vue, dont 482 ont été déférés au parquet. Ces mineurs refusent en général les prises en charge et fuguent des dispositifs de placement.

Les autorités françaises et marocaines unissent actuellement leurs efforts pour traiter la situation de ces mineurs non accompagnés, présumés marocains.

Depuis le 18 juin dernier, les autorités marocaines ont dédié une mission, installée dans le commissariat du XVIIIe arrondissement, en charge d'identifier ces mineurs et d'établir leurs liens familiaux. Au cas par cas, des solutions seront apportées, dans leur intérêt et le respect de leurs droits. Dans ce cadre, les juges des enfants décideront de toute mesure adaptée.

L'objectif est de sortir ces mineurs des rues et de les protéger. Nous souhaitons les inscrire dans un projet de réinsertion durable, familial et/ou institutionnel, tenant compte de leurs besoins fondamentaux en termes de santé physique et psychique et de leurs perspectives d'avenir, dans le cadre de la scolarité ou d'un apprentissage.

Tous les acteurs compétents, français et marocains, travaillent en collaboration, dans le strict respect de la législation applicable.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

M. Rémi Féraud. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de m'avoir transmis la réponse de Mme la garde des sceaux.

Nous sommes d'accord sur le constat. Je ne conteste pas du tout la nécessité de travailler avec les autorités marocaines, au cas par cas, sur la situation de ces enfants. Certains peuvent avoir vocation - ce serait la meilleure solution pour eux - à retourner dans leur pays d'origine. Néanmoins, nous avons déjà perdu beaucoup de temps.

Les pouvoirs publics ne peuvent pas rester impuissants face à cette situation, qui nécessite de faire évoluer un certain nombre de méthodes et d'outils de travail concernant la justice des mineurs. Pour le moment, les dispositifs de droit commun ne se sont pas révélés efficaces, ces mineurs très jeunes s'enfuyant souvent lorsqu'ils sont pris en charge.

Voilà pourquoi la Ville de Paris s'est dite volontaire pour être partenaire de l'État - cette situation relève de ses compétences - afin d'imaginer d'autres solutions, comme des centres éducatifs fermés adaptés à ces enfants. Je pense que le Gouvernement ne devrait pas tarder à travailler à cette solution, au-delà de la seule coopération avec les autorités marocaines, afin de faire face à cette situation et de mettre fin à l'impuissance actuelle.

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