Question de Mme IMBERT Corinne (Charente-Maritime - Les Républicains-R) publiée le 31/05/2018

Mme Corinne Imbert attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé concernant le phénomène de rupture d'approvisionnement et de stock dans les pharmacies d'officine et dans les établissements de santé.
Depuis une dizaine d'années, on note une hausse importante de ce phénomène qui a des conséquences importantes en matière de santé publique. En effet, l'indisponibilité totale ou partielle de médicaments peut potentiellement provoquer la mise en jeu du pronostic vital du patient. En 2015, 391 traitements étaient indisponibles ou en rupture de stock, ce chiffre s'élève à 530 traitements pour l'année 2017. Selon un sondage, la moitié des Français a déjà été confrontée à une rupture de stock ou d'approvisionnement. Dans un cas sur cinq, ces pénuries concernent un vaccin.
Cette triste réalité s'explique par une combinaison de plusieurs facteurs. Premièrement, certains de ces médicaments sont maintenant produits dans les pays d'Asie avec des matières premières provenant du même continent. De fait, la France se retrouve conditionnée par les aléas de la production asiatique. De plus, on note que les défauts de qualité de certains produits ralentissent l'approvisionnement en médicaments. Enfin, l'augmentation subite des ventes d'un produit et la distribution vers des pays à prix plus avantageux sont des facteurs aggravants qui nuisent à l'endiguement de ce phénomène. La France se retrouve aujourd'hui confrontée à des dysfonctionnements sans précédent qui impactent chaque jour des milliers de patients.

Aussi lui demande-t-elle si le Gouvernement entend mener une action afin de pérenniser l'accessibilité aux médicaments sur l'ensemble du territoire français et ainsi mettre fin au phénomène de rupture d'approvisionnement et de stock des médicaments.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 20/06/2018

Réponse apportée en séance publique le 19/06/2018

Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, ma question porte sur le même sujet que celui que vient d'évoquer Dominique Watrin – nous ne nous sommes pourtant pas concertés… (Sourires) –, à savoir les ruptures de stock et d'approvisionnement en médicaments dans les pharmacies d'officine et dans les établissements de santé.

Depuis une dizaine d'années, on note une augmentation de cette tendance, qui a des conséquences importantes en matière de santé publique, vous l'avez rappelé, madame la ministre.

Concrètement, cela signifie qu'une pharmacie est dans l'incapacité de fournir un médicament à un malade dans les soixante-douze heures suivant la présentation d'une prescription. En 2015, 391 médicaments étaient indisponibles ou en rupture de stock, contre 530 pour l'année 2017. Selon un sondage récent, la moitié des Français a déjà été confrontée à une rupture de stock ou d'approvisionnement en médicament. Dans un cas sur cinq, ces pénuries concernent un vaccin.

Ces ruptures visent également des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur – pour certains, vous l'avez rappelé, le pronostic vital peut être engagé : médicaments anticancéreux, médicaments pour des pathologies liées au système nerveux, notamment l'épilepsie ou la maladie de Parkinson. La France se retrouve aujourd'hui confrontée à des dysfonctionnements sans précédent, qui, chaque jour, ont une incidence sur toute la chaîne de production, la chaîne de distribution, les répartiteurs, les officines et, surtout, au final, les patients.

Ce problème n'est pas nouveau, mais il a pris une ampleur considérable. Dès 2015, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé alertait sur des orientations dans l'organisation de la production qui pourraient conduire à une explosion du nombre de pénuries. Elle ne s'était pas trompée : les pénuries ont augmenté de 30 % en un an. Dans le département de la Charente-Maritime, environ 4 % des médicaments sont en rupture de stock ou d'approvisionnement. Cette moyenne départementale est quasi équivalente à la moyenne nationale, qui se situe à 5 %. Nous sommes donc bien loin des ruptures anecdotiques occasionnelles du siècle dernier.

Les explications sont plurielles. Au-delà d'un problème toujours possible sur une chaîne de production – vous l'avez évoqué dans votre réponse précédente, madame la ministre – ou d'un problème qualitatif, la France est surtout dépendante de l'approvisionnement en matières premières et de la production de nombreux médicaments sur le continent asiatique. Par ailleurs, la logique de production en flux tendus est en partie responsable de cette situation. Enfin, la France est, avec le Portugal, l'un des deux pays européens où le prix des médicaments est le moins cher, ce qui incite certains laboratoires à faire le choix de distribuer leurs médicaments dans des pays étrangers.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, je souhaite connaître les actions que le Gouvernement entend mener, afin d'endiguer ces ruptures de stock et ces difficultés d'approvisionnement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Corinne Imbert, votre question me permet de compléter la réponse que je viens de fournir au sénateur Dominique Watrin.

Vous avez raison, le circuit de distribution des médicaments français est régulièrement touché par des dysfonctionnements, qui entraînent de nombreuses ruptures d'approvisionnement en médicaments.

En France, le nombre de ruptures et de risques de rupture de médicaments s'est accru de manière significative depuis 2008. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM, indique que les ruptures de stock ont touché près de 530 médicaments d'intérêt thérapeutique majeur à l'échelon national en 2017, soit une augmentation de plus de 30 % en un an. À titre de comparaison, en 2008, on dénombrait seulement 44 de ces médicaments en situation de rupture, soit plus de dix fois moins.

Néanmoins, ces difficultés récurrentes ne sont pas propres au système de santé français – elles ne sont donc pas liées au fait que la France pratique les prix parmi les plus bas – et touchent un très grand nombre de pays. Les causes des ruptures de stock sont multiples : elles peuvent résulter de difficultés relatives à l'approvisionnement en matières premières – je ne reprends pas l'exemple de Fukushima que j'ai cité tout à l'heure –, de défauts de qualité – s'il n'existe qu'une seule chaîne de production à l'échelon mondial, en cas d'arrêt, la rupture est mondiale –, ou encore de modifications des autorisations de mise sur le marché qui peuvent d'un moment à l'autre conduire à augmenter les besoins en médicaments, si les indications progressent considérablement.

En réponse à ces difficultés, la France a mis en œuvre des mesures de prévention des ruptures.

Le mécanisme juridique élaboré, depuis 2016, permet normalement de lutter contre les ruptures d'approvisionnement à l'échelle nationale et de garantir l'accès de tous les patients à leur traitement. Ces dispositions imposent notamment aux titulaires d'autorisation de mise sur le marché et aux exploitants des médicaments d'élaborer et de mettre en œuvre des plans de gestion des pénuries pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur – je pense notamment aux médicaments anticancéreux – et de les soumettre à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

En complément, deux arrêtés des 26 et 27 juillet 2016 ont fixé la liste respectivement des vaccins et des classes thérapeutiques contenant des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur devant faire l'objet de plans de gestion des pénuries. Les services de mon ministère évaluent actuellement ces différents dispositifs et porteront une attention particulière aux plans de gestion des pénuries obligatoires, mis en œuvre depuis le 22 janvier 2017.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je sais bien que vous ne prenez pas ce problème à la légère. Comment pourrait-il en être autrement, d'ailleurs ?

J'entends bien les dispositions que vous mentionnez, par exemple l'obligation de plans de gestion, notamment pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. Au quotidien, chez les répartiteurs comme dans les pharmacies d'officine, nous n'en ressentons pas les effets : nous rencontrons des difficultés pour obtenir des informations de la part des laboratoires, notamment sur les dates de retour de mise à disposition des médicaments. Or il nous faut apporter des réponses précises à la fois aux médecins prescripteurs et aux patients.

Il y a quelques années, les ruptures un petit peu durables qui surgissaient concernaient des nouveaux médicaments, qui venaient d'obtenir une autorisation de mise sur le marché et qui étaient soumis à quota ; en fin d'année, nous nous retrouvions alors dans l'impossibilité d'obtenir ces médicaments. Aujourd'hui, ces situations sont quotidiennes, non seulement pour les laboratoires, mais surtout pour les répartiteurs et pour les pharmacies d'officine. C'est pourquoi nous nous sentons un peu dépourvus.

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