Question de M. ANTISTE Maurice (Martinique - SOCR) publiée le 24/05/2018

M. Maurice Antiste attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'aide bilatérale consacrée par la France au secteur de l'éducation dans le cadre de son aide publique au développement (APD).

Selon les chiffres déclarés par la France au comité pour l'aide au développement de l'OCDE au titre de l'APD pour l'année 2015, qui sont les derniers chiffres disponibles, la France a consacré pour cette année 926 millions d'euros d'aide bilatérale à l'éducation dans les pays en développement.

Sur ce total, 72 % sont dirigés vers l'enseignement supérieur, dont la quasi-totalité vers les bourses et frais d'écolages versés pour l'accueil d'étudiants étrangers en France, des fonds qui ne contribuent pas au développement des systèmes éducatifs des pays. L'appui aux systèmes d'éducation de base (primaire et secondaire) dans les pays en développement ne représente que 15 % de l'aide bilatérale à l'éducation, et 2,5 % de l'APD totale.

En termes d'allocation géographique, les 17 pays désignés comme prioritaires pour l'aide au développement française par le comité interministériel pour la coopération internationale et le développement en 2016 ne sont bénéficiaires que de 18,5 % de l'aide bilatérale consacrée par la France à l'éducation.

Aussi, afin que l'aide bilatérale à l'éducation puisse répondre efficacement aux besoins éducatifs les plus fondamentaux et urgents, il souhaite savoir quelle est la justification d'une telle priorité accordée aux frais d'écolage par rapport à l'éducation de base. Il souhaite également connaître les mesures envisagées qui permettraient un rééquilibrage des allocations de l'aide à l'éducation et une véritable priorisation des pays les plus pauvres.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 11/10/2018

La méthode de comptabilisation de l'OCDE ne donne pas une image juste de l'effort de la France en faveur de l'éducation de base. Si l'on applique la définition de l'« éducation de base + » du Partenariat mondial pour l'éducation (PME) qui intègre le primaire, le premier niveau du secondaire, la formation des enseignants et l'aide budgétaire, la part de l'aide à l'éducation allouée par la France à l'éducation de base atteint 23 % de son aide sectorielle. En 2016, selon les derniers chiffres disponibles du Comité d'aide au développement de l'OCDE, la France a consacré 1,208 milliard d'euros à l'éducation (en bilatéral et en multilatéral), soit environ 12,6 % de son aide totale. La part de l'éducation de base représente 23,7 % de l'aide sectorielle. En 2016, 84 % de l'aide totale de la France à l'éducation a transité par le canal bilatéral et à 94,3 % sous forme de dons, hors contrats de désendettement-développement. La France a fait le choix d'appuyer des initiatives structurantes à dimension régionale pour améliorer la qualité de l'éducation de base, renforcer les capacités des systèmes éducatifs et lutter contre l'exclusion de l'éducation. La nouvelle Stratégie Éducation, formation professionnelle, insertion 2017-2021 vise également à lutter contre les inégalités, réduire les vulnérabilités, soutenir le développement d'opportunités économiques dans les territoires et accompagner les transitions. L'Agence française de développement a actualisé en 2016 sa stratégie Éducation-Formation-Emploi arrivée à échéance fin 2015. Ces nouvelles orientations stratégiques reposent sur le bilan et les enseignements du Cadre d'intervention sectoriel (CIS) précédent et intègrent l'apport des objectifs de développement durable. Un des trois grands axes du CIS 2016-2020 est le soutien à l'éducation de base, en particulier sur le collège, pour construire les compétences fondamentales à l'autonomie, avec une double priorité : équité et qualité. L'AFD appuie donc les plans nationaux des pays bénéficiaires, notamment des PMA selon les priorités suivantes : l'universalisation de l'accès à l'enseignement par le soutien à la demande éducative des familles, par le déploiement d'une offre de formation attractive pour les populations rurales et urbaines pauvres et par la diversification des parcours à l'issue de l'éducation de base ; l'amélioration des enseignements-apprentissage avec une attention particulière sur les premiers apprentissages et la maîtrise des langues, sur les compétences fondamentales cognitives et non cognitives, les formations des enseignants et des chefs d'établissements ainsi que sur le pilotage du système éducatif vers la qualité. Les efforts de la France afin de financer l'éducation de base via les organisations multilatérales doivent également être pris en considération. Au niveau multilatéral, l'aide de la France consacrée à l'éducation s'est élevée à 184 millions d'euros en 2016, dont 112 millions d'euros pour l'éducation de base. En 2018, la France s'est notablement réengagée au sein du Partenariat mondial pour l'éducation (PME), unique fonds multilatéral dédié entièrement au financement de l'éducation de base. Le Président de la République a co-présidé la conférence de financement du PME aux côtés de Macky Sall en février 2018 à Dakar, et a annoncé une contribution française à hauteur de 200 millions d'euros pour la période 2018-2020, soit une multiplication par plus de dix de sa contribution par rapport aux années précédentes (17 millions d'euros sur 2015-2017). Cet engagement marque la détermination du Président à faire de l'éducation une priorité de l'action extérieure de la France. Ainsi, l'éducation de base est plus que jamais une priorité de l'aide française et à travers le PME, nos pays prioritaires, portés au nombre de 19 par le CICID de février 2018, bénéficient d'un soutien structurant. Par exemple, dans les pays du G5 Sahel, plus de 250 millions de dollars ont été engagés par le PME (période 2013-2017), contribuant au développement et à la stabilisation de ces pays, y compris à travers un mécanisme de financement accéléré pour les pays fragiles/en crise. Selon le niveau de reconstitution des ressources pour 2018-2020, nos pays prioritaires pourraient bénéficier d'allocations allant jusqu'à 1,35 milliard de dollars (dont 502 millions de dollars pour les pays du G5S). Au niveau international, les critères établis par le Comité d'Aide au Développement (CAD) de l'OCDE établissent l'éligibilité des bourses et écolages dans la comptabilisation de l'APD. Il est en effet estimé que la formation tout au long de la vie, et donc post-baccalauréat, contribue à accroître le capital humain d'un pays et donc son développement. Le développement des programmes de bourses en direction des étudiants des pays en développement constitue par ailleurs l'une des cibles de l'Objectif de Développement Durable pour l'éducation (ODD n° 4) récemment adopté lors de la dernière Assemblée générale des Nations unies. Au niveau de l'APD française, le décalage entre l'allocation à l'éducation de base et celle vers le supérieur – à travers les bourses et écolages – résultent de considération comptables et non stratégiques. Le système d'enseignement supérieur français engendre en effet des montants importants qui se répercutent sur l'APD dans le cadre des frais engagés pour l'accueil d'étudiants étrangers. Ceci ne remet en rien en cause la priorité accordée par la France et le Président de la République à l'éducation de base, comme évoqué précédemment. Sur les bourses et les écolages, les données disponibles via Campus France nous apprennent qu'environ 55 % des bénéficiaires de ces dispositifs sont des jeunes femmes. La France ne comptabilise en outre dans son APD que les frais relatifs aux étudiants ayant passé leur baccalauréat dans leur pays d'origine avant de venir effectuer leurs études supérieures en France, ce qui garantit a priori davantage qu'ils retournent dans leur pays à la fin de leurs études et contribuent ainsi au développement local. Le Gouvernement souhaite également avoir une meilleure connaissance des secteurs d'étude choisis par les étudiants, afin d'affiner son analyse de la contribution de ces financements au développement des pays d'origine des étudiants.

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