Question de Mme FÉRET Corinne (Calvados - SOCR) publiée le 06/09/2018

Mme Corinne Féret attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation dans laquelle se trouvent les pêcheurs de coquilles Saint-Jacques normands, confrontés à une concurrence étrangère déloyale.
À la suite des récents incidents entre navires de pêche français et britanniques au large de la Baie de Seine, en Manche Est, il devient urgent d'agir. Pour mémoire, en plus d'être notamment soumis à des quotas journaliers et hebdomadaires, les Français n'ont le droit de pêcher la coquille Saint-Jacques que du 1er octobre au 15 mai. Quant aux Britanniques, dont la pêche n'est pas réglementée dans le temps, ils ne respectent pas le même calendrier au large des côtes françaises. Finalement, ils pêchent donc quand ils veulent, où ils veulent et autant qu'ils le souhaitent.
Or, la coquille Saint-Jacques est un produit noble et rare qu'il convient de protéger afin de ne pas aboutir à une surpêche, autrement dit à une érosion irréversible des ressources de la mer. En s'exonérant de toutes contraintes, les Britanniques font courir un risque environnemental et un risque économique aux pêcheurs français, ce qui n'est pas acceptable.
Il s'agit malheureusement d'un problème récurrent, de sorte que, chaque année, à la même période, les tensions montent. Pour 2018, les tentatives d'accord annuel entre les professionnels français et britanniques ont toutes échoué, achoppant notamment sur la question de la taille des bateaux. En effet, si la pêche française reste majoritairement artisanale, les Britanniques utilisent pour leur part de gros navires, dont certains mesurent plus de 30 mètres, ainsi que des techniques de pêches plus industrielles. Finalement, se jouant des règles de gestion durable française, le marché est inondé de coquilles Saint-Jacques congelées et à faibles prix. D'où le légitime sentiment d'injustice des pêcheurs normands.
Dans l'immédiat, il est urgent de conclure un accord bilatéral avec les Britanniques pour éviter une escalade de la violence et un déséquilibre économique fort préjudiciable aux pêcheurs français. Il s'agit de créer une zone de gestion conjointe dans la Baie de Seine, avec un règlement s'appliquant de la même manière et à tous, de part et d'autre de la Manche. En outre, dans le contexte actuel du Brexit, et compte tenu de l'importance du secteur de la pêche en France, il importe de rechercher des solutions pérennes en lien avec les autorités européennes et britanniques concernées. Nos navires de pêche fréquentant les eaux britanniques, l'enjeu des mois et années à venir sera de défendre nos intérêts de pêche dans le cadre des discussions qui s'engageront avec la Grande-Bretagne.
La pêche représente un secteur économique vital pour le Calvados et la Normandie dans son ensemble, avec plus de 24.000 emplois directs et indirects et environ 160 millions d'euros générés par an. Elle souhaite donc savoir quelles actions seront entreprises par le Gouvernement pour remédier, dans les meilleurs délais, à ce problème de concurrence déloyale dans la pêche à la coquille Saint-Jacques et, plus largement, pour préserver nos ressources et les intérêts de l'ensemble du secteur de la pêche française dans le cadre des négociations sur le Brexit.

- page 4541

Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 29/11/2018

La coquille Saint-Jacques est une ressource précieuse pour les professionnels de la pêche français. Ces derniers ont mis en œuvre des mesures de gestion très contraignantes (sélectivité des engins de pêche, périodes de fermeture) afin de préserver cette ressource à haute valeur ajoutée. Ces efforts expliquent l'abondance actuelle de la coquille Saint-Jacques en baie de Seine, à la fois dans les eaux territoriales françaises, mais aussi dans le proche extérieur de la baie de Seine, dans les eaux communautaires. Depuis plusieurs années, un accord franco-britannique est traditionnellement négocié entre professionnels des deux pays. Cet accord vise à ce que les navires britanniques, de quinze mètres et plus, respectent des dates de fermeture que tous les professionnels français s'imposent pour préserver la ressource. L'inclusion des navires de moins de quinze mètres dans cet accord, voulue par les professionnels français, n'a cependant pas fait consensus et l'accord n'a donc pas pu être signé pour 2018, ce qui a provoqué l'altercation d'août 2018 entre flottilles. Deux réunions,  à Londres et à Paris, ont été organisées entre professionnels et administrations français et britanniques, afin de trouver une solution pour la signature d'un accord en 2018. Ces réunions n'ont pu directement aboutir, mais les échanges n'ont jamais été rompus et les représentants professionnels ont continué à négocier, avec l'accompagnement des administrations françaises et britanniques, pour trouver un accord concernant une nouvelle fois les seuls navires de plus de quinze mètres. Un accord a finalement été signé le 18 septembre 2018. Il préserve les intérêts essentiels des professionnels français et limite les prélèvements prématurés, en encadrant les périodes de pêche des navires britanniques de quinze mètres et plus. En effet, ces navires britanniques s'engagent ainsi à ne pas pêcher de coquille Saint-Jacques dans toute la Manche Est jusqu'au 31 octobre 2018 et bénéficient, en contrepartie, d'un échange de quotas d'effort de pêche de la part de la France, dans les mêmes conditions que l'an passé. Le Gouvernement s'est pleinement investi, tant au niveau technique que diplomatique pour permettre l'issue favorable de ces échanges. Au-delà, conformément à la volonté des pêcheurs normands, le projet de création, au niveau communautaire, d'une zone biologique sensible dite « box  », a été portée par la France. Elle est actuellement à l'étude par les États membres du groupe régional « eaux occidentales septentrionales », dans le cadre d'un projet de recommandation commune basée sur les articles 18.7 et 8.2 du règlement de base de la politique commune de la pêche. La France soutient pleinement ce projet de nature à préserver durablement la ressource et les intérêts économiques des pêcheurs français, puisqu'il instituerait des dates communes de pêche pour tous les navires européens, quels que soient leur pavillon ou leur taille.

- page 6015

Page mise à jour le