Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - Les Républicains) publiée le 18/10/2018

M. Édouard Courtial appelle l'attention de M. le Premier ministre sur l'impact financier du plan pauvreté pour les départements. En effet, si une enveloppe de 8,5 milliards d'euros devrait être débloquée, le fléchage précis reste flou alors que les mesures annoncées vont engendrer des dépenses supplémentaires pour ces collectivités à l'heure où l'État leur doit déjà 9 milliards d'euros chaque année pour les dépenses qu'elles effectuent pour son compte et qui ne sont pas compensées. À titre d'exemple, pour l'Oise, étendre la limite d'âge de 18 à 21 ans dans la prise en charge des mineurs étrangers isolés représente un coût net en hausse de 12 millions d'euros. Concrètement, cette mesure fera entrer dans le budget du département 250 jeunes majeurs. Or, dans un contexte de baisse réelle et constante des dotations, de l'explosion des dépenses obligatoires non compensées par l'État et de la contractualisation de la maîtrise des dépenses de fonctionnement, la facture est très lourde pour les conseils départementaux, dont celui de l'Oise qui a déjà réalisé des efforts inédits de réduction de ses dépenses. Aussi, il lui demande de détailler les compensations que l'État va mettre en œuvre à l'égard des départements pour financer ce plan.

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Transmise au Ministère des solidarités et de la santé


Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 21/11/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2018

Mme Catherine Procaccia, en remplacement de M. Édouard Courtial. Madame la secrétaire d'État, mon collègue Édouard Courtial étant souffrant, je vais vous donner lecture de sa question, qui porte sur le plan Pauvreté.

Faire mieux avec moins : plus qu'une ligne de conduite, ce principe est devenu, année après année, au fil des baisses inédites des dotations de l'État depuis la précédente législature, un credo et même une condition de survie pour de nombreuses collectivités, malgré leurs efforts, tout aussi inédits, pour certaines d'entre elles, de réduction des dépenses de fonctionnement, par respect de la parole donnée aux électeurs autant que des deniers publics, fruits du travail de nos compatriotes.

Mais, depuis peu, il s'agit de faire mieux avec plus, non pas plus de moyens, mais plus de compétences et plus de dépenses supplémentaires non compensées par l'État.

Le plan Pauvreté du Gouvernement en est un parfait exemple pour les conseils départementaux.

En effet, si le Président de la République a annoncé une compensation de 8,5 milliards d'euros, cette somme est toujours en deçà de ce que l'État doit chaque année aux départements pour compenser les dépenses qu'ils effectuent pour lui et qui ne leur sont pas remboursées.

J'en prendrai deux exemples concrets.

Premièrement, le plan Pauvreté renforce l'accompagnement vers l'emploi, en clair le revenu de solidarité active, ou RSA. Or, avant même l'annonce du Président de la République, l'État ne remboursait que 47 % du coût du RSA aux départements. Et vous leur demandez de dépenser toujours plus sur leurs budgets propres ? Ce n'est pas raisonnable.

Deuxièmement, le plan Pauvreté étend l'aide sociale à l'enfance jusqu'à vingt et un ans. Si cela est le cœur de métier du département, la politique migratoire qui est menée depuis 2012 ne l'est pas, et les choix gouvernementaux en la matière font littéralement exploser la demande d'accueil des mineurs étrangers isolés, ou mineurs non accompagnés en politiquement correct. Avant même l'annonce du Président de la République, les centres d'accueil étaient déjà saturés. Et vous demandez aux départements d'aller encore au-delà ? Là encore, ce n'est pas raisonnable.

Madame la secrétaire d'État, selon un principe général du droit, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. C'est pourtant bien ce que fait l'État en se défaussant sur les conseils départementaux et, plus généralement, sur les collectivités territoriales, en leur demandant toujours plus d'efforts budgétaires, exigence qu'il ne s'applique pas à lui-même.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur la mise en œuvre du plan de lutte contre la pauvreté au niveau des collectivités territoriales.

Vous avez raison : la stratégie doit être mise en œuvre au plus près des territoires. L'État a pour mission d'organiser un pilotage par tous les acteurs, qu'il s'agisse des associations ou des collectivités, à l'échelon régional. Des animateurs seront désignés parmi eux pour faire avancer le travail collectif sur les différentes thématiques de la stratégie.

En ce qui concerne les mesures relevant de la compétence des départements, chefs de file en matière d'aide sociale, la stratégie prévoit une contractualisation ambitieuse avec les conseils départementaux. Les travaux de contractualisation ont déjà été engagés avec les territoires démonstrateurs de la stratégie, qui sera déployée ensuite dans l'ensemble des départements avant la fin du premier semestre 2019.

La contractualisation s'appuie sur 135 millions d'euros de crédits, dont 50 millions d'euros de fonds d'appui aux politiques d'insertion en 2019, et atteindra au moins 210 millions d'euros d'ici à 2022.

Elle porte sur un socle de thématiques et d'actions dans les domaines de l'aide sociale à l'enfance, de l'insertion, des droits fondamentaux des enfants et du travail social. Sur un socle laissé à l'initiative des départements, ces derniers pourront proposer des actions en lien avec les ambitions de la stratégie, par exemple en matière de prévention spécialisée ou de PMI, auxquelles l'État apportera son soutien financier.

Notre stratégie émane d'une large concertation de terrain. Sa mise en œuvre requiert une gouvernance nouvelle, pilotée et portée par l'ensemble des acteurs, à partir des territoires. En effet, c'est bien sur le terrain que le combat doit être mené.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour répondre à Mme la secrétaire d'État, en douze secondes.

Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d'État, vous devez entendre, en cette semaine du Congrès des maires, le cri d'alarme des départements et des collectivités.

Nous devons prendre en charge de plus en plus de personnes. La concertation, la contractualisation ne permet pas de faire face à cet afflux de personnes. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)

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