Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 25/10/2018

M. Jean Louis Masson rappelle à M. le ministre de l'économie et des finances que sa question écrite n° 1383 du 28 septembre 2017 évoquait l'opposition déterminée de l'ordre des vétérinaires français ainsi que de la fédération européenne, à l'encontre de l'égorgement des animaux de boucherie sans étourdissement préalable. Or l'abattage rituel autorisé de manière dérogatoire en France permet la poursuite de pratiques religieuses d'une très grande cruauté. La réponse ministérielle indique que, à la différence d'autres pays, la France autorise des dérogations à l'obligation d'étourdissement au motif que « les prescriptions rituelles relevant du libre exercice du culte, [elles] résultent du respect du principe de laïcité ». Cette réponse est inacceptable car cela revient à dire qu'on peut autoriser par dérogation n'importe quel acte de cruauté à l'égard des animaux ou pire, à l'égard des humains, dès lors qu'une religion le demande. Ce n'est pas cela le principe de laïcité, lequel impose que les religions soient strictement séparées de la vie publique et n'empiètent pas sur elle. Ce n'est donc pas pour autant que sous couvert d'une religion ou d'une autre, on peut déroger à des règles de droit qui s'appliquent de manière générale. Si demain, une religion demande à ses fidèles de ne pas payer leurs impôts, est-ce qu'au nom du principe de laïcité, l'État va s'abstenir de réagir ? Manifestement, la réponse ministérielle n'est pas très sérieuse parce que celui qui l'a rédigée n'a pas le courage de reconnaître qu'il s'agit ni plus ni moins que d'un passe-droit octroyé à certaines religions, en totale contradiction avec le principe de laïcité. Certains pays voisins de la France et faisant partie de l'Union européenne ont pris des mesures qui réglementent l'égorgement des animaux afin de limiter la cruauté de cette pratique. Il lui demande pour quelles raisons la France n'agit pas de même.

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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 29/11/2018

Le principe de laïcité inscrit dans la constitution française vise à garantir à tout citoyen le libre exercice de son culte, ce qui implique notamment la possibilité de consommer des produits qui répondent à des prescriptions religieuses. Ainsi, en application du règlement européen 1099/2009, la France a inscrit dans le code rural et de la pêche maritime (CRPM), article R. 214-70, la possibilité de dérogation à l'obligation d'étourdissement lorsqu'il n'est pas compatible avec les prescriptions culturelles se rapportant au libre exercice des pratiques religieuses. Cela permet aux consommateurs concernés de disposer de produits issus d'animaux abattus en France,  dans des conditions présentant des garanties en matière de sécurité sanitaire, de protection de l'environnement et de protection animale. La légitimité de la dérogation à l'obligation d'étourdissement des animaux avant leur mise à mort a déjà été questionnée. Dans un arrêt du 27 juin 2000 (affaire Cha'are Shalom Ve Tsedek c/France), la dérogation à l'obligation d'étourdissement a été considérée par la Cour européenne des droits de l'homme comme un « engagement positif de l'État visant à assurer le respect effectif de la liberté d'exercice des cultes ». Par ailleurs, la requête émanant de l'œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, enregistrée le 27 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État et visant à annuler la dérogation précitée, a été rejetée, lors de sa séance du 12 juin 2013, par ce même conseil qui considère que la possibilité de déroger à l'obligation d'étourdissement pour la pratique de l'abattage rituel ne porte pas atteinte au principe de laïcité. Il convient de préciser que la dérogation à l'étourdissement est accordée par un arrêté préfectoral qui impose des conditions particulières aux abattoirs en matière de bien-traitance animale et de formation des opérateurs peut restreindre l'autorisation à certaines catégories d'animaux. Cette dérogation peut être suspendue ou retirée en cas de méconnaissance des conditions de l'autorisation ou des dispositions réglementaires.

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