Question de Mme PEROL-DUMONT Marie-Françoise (Haute-Vienne - SOCR) publiée le 08/11/2018

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont souhaite rappeler l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le bilan de l'observatoire climat-énergie des organisations non gouvernementales du réseau action climat et du comité de liaison pour les énergies renouvelables (CLER), publié début septembre 2018. D'après ce rapport, les émissions de gaz à effet de serre ont dépassé l'an dernier de 6,7 % le budget carbone, c'est-à-dire le volume maximum d'émissions de gaz à effet de serre censé ne pas être dépassé pour que la France respecte ses engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Ainsi, le secteur des transports, qui représente environ 30 % des émissions de CO2, a dépassé de 10,6 % son budget carbone et le secteur du bâtiment l'a dépassé pour sa part de 22,7 %.
Alors que la France s'est engagée à réduire de 27 % ses émissions de CO2 à horizon 2028 par rapport au niveau de 2013, et de 75 % d'ici à 2050, force est de constater que la trajectoire fixée n'est pas suivie. La consommation nationale d'énergie a dépassé de 4,2 % en 2017 les objectifs établis, notamment à cause de l'augmentation de la consommation d'énergies fossiles, supérieure de 4,5 % aux objectifs attendus.
Enfin, alors que les rapports scientifiques alarmants se multiplient pour réclamer la mise en place de mesures drastiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d'un changement de modèle économique, la France est encore une fois mauvaise élève en affichant un retard de 12,8 % (derniers chiffres disponibles de 2016) dans l'augmentation de la part des énergies renouvelables.
Elle lui demande donc quelle stratégie le Gouvernement compte mettre en place afin de faire face à cette problématique devenue désormais incontournable.

- page 5637


Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 31/01/2019

Dès 2015, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, la France a adopté une Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), qui définit une trajectoire cible de réduction des émissions accompagnée de recommandations et d'orientations de politiques publiques. La SNBC définit des budgets-carbone pour trois périodes (2015-2018, 2019-2023 et 2024-2028), qui correspondent à des plafonds d'émissions au niveau national, en cohérence avec les engagements communautaires et internationaux de la France. Or, après une période de baisse continue des émissions entre 2005 et 2016, qui ont permis une réduction des émissions de 16,1 % par rapport à 1990 dans un contexte où la population a augmenté de 15 %, on observe une légère hausse des émissions en 2016 et 2017 (selon les dernières estimations). Le dépassement pour 2017 est effectivement estimé, provisoirement, à 7 % environ par rapport au budget carbone annuel indicatif prévu par la stratégie nationale bas-carbone. Pour les deux premières années du budget carbone 2015-2018, les émissions de 2015 correspondaient au budget annuel indicatif tandis que celles de 2016 étaient en dépassement de 3,6 %. Pour une part minoritaire, les dépassements constatés pour les années 2015 à 2017 sont liés à des facteurs conjoncturels défavorables, dont les deux principaux sont le prix bas des énergies et, pour les années 2016 et 2017, l'indisponibilité d'une partie du parc de production électrique nucléaire. Les secteurs des bâtiments et des transports sont les deux secteurs où l'on constate les plus forts dépassements. Outre le faible prix des énergies déjà mentionné, la stagnation des émissions dans le secteur des transports s'explique notamment par la faible amélioration des performances des véhicules neufs, un rebond des trafics routiers et des résultats moins bons qu'espérés pour le report modal dans le secteur des marchandises. Dans le secteur du bâtiment, l'écart est principalement imputable aux rénovations dont le rythme et l'ampleur sont insuffisants. La SNBC est actuellement en cours de révision. Elle intégrera l'ambition du Plan Climat de juillet 2017 d'accélérer la mise en œuvre de l'Accord de Paris, en cohérence avec les enseignements du dernier rapport spécial du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), avec notamment : l'objectif d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050,  la fin de la vente des véhicules émettant des gaz à effet de serre en 2040,  le développement de la rénovation énergétique des bâtiments en vue de faire disparaître en dix ans les passoires thermiques. Elle intégrera également les enseignements des écarts par rapport au premier budget carbone permettant de redéfinir de nouvelles orientations en ligne avec les objectifs pris au niveau national, européen et dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Un projet de SNBC a été publié le 6 décembre et fera l'objet d'une consultation du public au premier semestre 2019. Concernant l'énergie, le projet de programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE) annoncée par le Président de la République le 27 novembre 2018 prévoit notamment de doubler la capacité installée des énergies renouvelables électriques en 2028 par rapport à 2017 avec une capacité installée de 102 à 113 GW en 2028, en augmentant de 50 % les capacités installées d'ici 2023. Elle prévoit également : de fermer les dernières centrales à charbon d'ici 2022 et de n'accorder aucune autorisation à de nouveaux projets de centrales électriques utilisant des combustibles fossiles, d'augmenter entre 40 % et 59 % la production de chaleur renouvelable par rapport à 2016, avec une production de entre 218 et 247 TWh en 2028, soit 34,5 % à 39 % de la consommation de chaleur, de multiplier par cinq la production de gaz renouvelable par rapport à 2017, avec une production de 32 TWh en 2028, d'atteindre une quantité de chaleur et de froid renouvelables et de récupération livrés par les réseaux entre 31 et 36 TWh en 2028, soit une multiplication par 2,4 à 2,8. Dans cette optique et afin d'accompagner et de faciliter ce développement, le Gouvernement s'est attaché depuis un an à libérer les énergies renouvelables avec la volonté de promouvoir l'emploi, la souveraineté énergétique et la cohésion des territoires. Trois groupes de travail ont ensuite été mis en place par Sébastien Lecornu, ancien secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique, sur l'éolien, la méthanisation et le solaire afin de libérer le potentiel de ces filières. Une soixantaine de mesures et d'actions concrètes ont été identifiées par l'ensemble des parties prenantes. Elles seront toutes mises en œuvre par le Gouvernement. Leur mise en œuvre et celle du Plan Climat devront permettre de revenir sur la trajectoire de réduction pour la période 2024-2028. L'écart à court terme ne remet cependant pas en cause la capacité de la France à tenir ses engagements européens et internationaux. En effet, la mise en œuvre du Plan Climat se poursuit, avec de nombreuses décisions concrètes. Concernant les transports, le Plan Climat fixe un objectif de fin de vente de véhicules émetteurs de gaz à effet de serre en 2040. Les Assises de la mobilité, qui se sont tenues de septembre à décembre 2017, ont permis de préparer l'avenir de la mobilité en France. Les conclusions des Assises de la mobilité proposent plusieurs mesures à fort impact, visant à soutenir le développement des filières de véhicules électriques et de carburants alternatifs (aides à l'achat, mesures de développement des infrastructures de recharge) et à valoriser l'usage de ces véhicules au travers des mesures de restriction de la circulation. Les Assises ont également recommandé d'accompagner l'essor des modes partagés et les mobilités actives (notamment avec le Plan vélo). Concernant le transport de marchandises, le volet « fret » vise des réductions d'émissions ambitieuses au travers de différents leviers, dont un report modal plus prononcé. Le projet de loi sur l'orientation des mobilités, déposé en première lecture au Sénat le 26 novembre 2018, intègre ces recommandations. Concernant les bâtiments, conformément au Plan Climat, le plan rénovation énergétique des bâtiments présenté le 26 avril 2018 vise la fin des « passoires thermiques » en dix ans avec 4 milliards d'euros dédiés à la rénovation énergétique. Ce dernier intègre plusieurs mesures phares telles que le lancement d'un fonds de garantie pour les ménages aux revenus modestes ou encore la fiabilisation des diagnostics de performance énergétique (DPE). La transformation de nos systèmes agricoles et alimentaires est également engagée à la suite des États généraux de l'alimentation (EGA) menés du 20 juillet au 30 novembre 2017. Plusieurs recommandations qui en découlent, reprises dans la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, sont directement favorables à l'atténuation des gaz à effet de serre comme : le soutien aux systèmes de production biologique, avec notamment la réglementation de la part minimale, à l'horizon 2022, de produits agricoles locaux ou sous signes de qualité (dont les produits issus de l'agriculture biologique) servis en restauration collective, la mise en place de diagnostics préalables à la démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire (incluant l'approvisionnement durable) obligatoires pour l'ensemble des opérateurs de la restauration collective. De même, la feuille de route sur l'économie circulaire, publiée le 23 avril 2018, contribue directement à la réduction des consommations de matières et d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre. Le Plan Climat a également ouvert la voie vers la fin du recours aux hydrocarbures en France. Plusieurs mesures phares pour sortir des énergies fossiles ont été mises en œuvre. En particulier, la loi hydrocarbures a été adoptée en décembre 2017 (loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017). Elle constitue une première étape importante vers la sortie des énergies fossiles, en interdisant tout nouveau permis d'exploration ou d'exploitation d'énergies fossiles et en asseyant l'objectif de fin des exploitations de production existantes en 2040. Le grand débat national souhaité par le Président de la République intègre l'enjeu de la transition écologique, essentiel à l'avenir de la France. Il permettra de dessiner de nouvelles pistes de travail sur le financement de cette transition et sur les solutions concrètes à court et moyen terme, pour se déplacer, se loger, se chauffer et se nourrir, en articulant les actions locales, nationales, européennes et internationales. Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre le changement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France, et l'accélération des efforts en la matière constitue une priorité.

- page 593

Page mise à jour le