Question de Mme SOLLOGOUB Nadia (Nièvre - UC) publiée le 27/12/2018

Mme Nadia Sollogoub attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les modalités de transfert de la gestion des digues au bloc communal en application de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (dite loi MAPTAM). À compter du 1er janvier 2018, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (FP) sont devenus gestionnaires des ouvrages de protection, le cas échéant par convention avec le propriétaire. Ils ont dès lors pour obligation de déclarer les ouvrages mis en œuvre sur le territoire communautaire et organisés en un système d'endiguement ; d'annoncer les performances qu'ils assignent à ces ouvrages, ainsi que les zones protégées correspondantes ; et d'indiquer les risques de débordement pour les hauteurs d'eaux les plus élevées. Afin de faciliter la transition entre les anciens et les nouveaux gestionnaires, des périodes transitoires sont prévues. La loi MAPTAM prévoit principalement au bénéfice des EPCI-FP : la mise à disposition gratuite des digues appartenant à des personnes morales de droit public et achevées avant l'entrée en vigueur de la loi MAPTAM ; et la mise à disposition d'ouvrages et d'infrastructures appartenant à des personnes morales de droit public, qui n'ont pas été créés pour la prévention des inondations mais qui peuvent y contribuer eu égard à leur localisation et à leurs caractéristiques. Conformément aux dispositions du IV de l'article 59 de la loi du 27 janvier 2014, l'État ou l'un de ses établissements publics, lorsqu'il gère des digues à la date d'entrée en vigueur de cette loi, continue d'assurer cette gestion pour le compte de l'EPCI-FP pendant une durée de dix ans à compter de cette date, soit jusqu'au 28 janvier 2024. Et il est prévu qu'une convention détermine l'étendue de ce concours et les moyens matériels et humains qui y sont consacrés. De telles conventions définissent le rôle précis de l'État et l'affectation détaillée des concours qu'il apporte pour l'exécution de tâches matérielles liées aux diverses obligations réglementaires (réalisation d'un état des lieux avant transfert, établissement des études de dangers, production des consignes, surveillance et entretien régulier des ouvrages etc.). Compte tenu des nombreuses inquiétudes que soulève cette perspective de transfert qui interviendra désormais dans cinq ans, elle lui demande quels moyens financiers et techniques ont effectivement été programmés par l'État pour assurer la remise en bon état des digues dont il a la gestion aux EPCI en 2024.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 20/03/2019

Réponse apportée en séance publique le 19/03/2019

Mme Nadia Sollogoub. Madame la secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur le transfert de la gestion des digues au bloc communal, en application de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi Maptam.

À compter du 1er janvier 2018, les établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, sont devenus gestionnaires des ouvrages de protection ; en d'autres termes, ils sont désormais dans l'obligation de déclarer les ouvrages mis en œuvre sur le territoire communautaire et organisés en système d'endiguement, d'annoncer les performances qu'ils assignent à ces ouvrages ainsi que les zones protégées correspondantes et d'indiquer les risques de débordement pour les hauteurs d'eau les plus élevées.

Afin de faciliter la transition entre les anciens et les nouveaux gestionnaires, des périodes transitoires sont prévues. L'État ou l'un de ses établissements publics, lorsqu'il gère des digues à la date d'entrée en vigueur de la loi Maptam, continue d'assurer cette gestion pour le contrôle de l'EPCI pendant une durée de dix ans à compter de cette date, soit jusqu'au 28 janvier 2024.

Or, à la perspective de ce transfert, qui interviendra désormais dans cinq ans, de nombreuses inquiétudes subsistent. Aussi, je vous demande quels moyens financiers et techniques ont été programmés par l'État pour l'assurer.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub, vous avez interrogé François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, il m'a chargée de vous répondre.

Le législateur a confié, à partir du 1er janvier 2018, la compétence de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, la Gemapi, aux EPCI à fiscalité propre, concentrant ainsi à l'échelon du bloc communal des compétences jusque-là morcelées. Celui-ci pourra ainsi concilier urbanisme, c'est-à-dire une meilleure intégration du risque d'inondation dans l'aménagement du territoire et dans les documents d'urbanisme, prévention des inondations, notamment la gestion des ouvrages de protection, et gestion des milieux aquatiques eux-mêmes.

S'agissant des digues domaniales de l'État, le législateur a prévu une période de transition adaptée, qui prendra fin au mois de janvier 2024, pendant laquelle l'État continue d'assurer sans refacturation la gestion de ces ouvrages, pour le compte des intercommunalités concernées.

Les intercommunalités qui le souhaitent peuvent toutefois reprendre la gestion de ces digues avant 2024. Certaines intercommunalités ont d'ailleurs fait ce choix, de manière à avoir la pleine maîtrise des différents leviers d'action de la Gemapi.

Dans cette période transitoire jusqu'à 2024, l'État travaille en étroite collaboration avec les collectivités chargées de la Gemapi, que ce soit pour les modalités de gestion de ces ouvrages, la réalisation de travaux de renforcement ou encore la préparation des dossiers d'autorisation de systèmes d'endiguement. Ces travaux ne seront donc plus à mener par les collectivités par la suite.

La fixation des niveaux de protection des digues revêt en effet un choix structurant pour les territoires et il est nécessaire que les autorités chargées de la Gemapi se prononcent sur ces choix, qui les engageront pour la suite. Le Gouvernement veille à ce que l'État respecte les bonnes diligences de gestion des ouvrages pendant cette période de transition.

Par ailleurs, en liaison avec la collectivité compétente en matière de Gemapi, certaines de ces digues font l'objet de projets de travaux de renforcement afin d'augmenter leur niveau de protection, quand les enjeux exposés le justifient. Afin de faciliter la réalisation de ces travaux, l'État a en particulier prévu dans le cadre de la loi de finances pour 2019 que les investissements financés sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs ne soient plus limités, comme c'était le cas auparavant, à un plafond annuel inadapté à la réalisation de ces projets.

Ainsi, l'État pourra, sur l'ensemble des cinq prochaines années, mobiliser jusqu'à 75 millions d'euros pour financer les travaux de renforcement des digues identifiés en liaison avec les collectivités. Après 2024, les travaux complémentaires pourront toujours faire l'objet d'un cofinancement par ce même fonds dans le cadre général mis en place par l'État, via un programme d'actions de prévention des inondations, un PAPI.

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la secrétaire d'État, je vous donnerai un exemple concret. Dans le sud de la Nièvre, sur les communes de Charrin et Saint-Hilaire-Fontaine, aucun entretien des digues n'a été réalisé par l'État pendant quatre-vingts ans, si bien que les arbres ont poussé et que les digues sont devenues une très agréable promenade.

À la perspective du transfert, une dévégétalisation a été lancée. Cette décision, que je qualifierai de brutale et qui semble avoir été prise dans la précipitation – c'est ainsi qu'elle a été perçue – a été bien mal comprise. Elle a même été vécue comme un « massacre à la tronçonneuse »…

En 2017, un bureau d'études indépendant, mandaté par l'État, a rendu ses conclusions. Pour atteindre un niveau de sécurité 1, il faudrait deux tranches de travaux, pour un montant total de 850 000 euros. Actuellement, l'État a investi 50 000 euros dans ces travaux de dévégétalisation. Qui paiera la différence ? C'est bien l'objet de ma question.

Un programme de confortement des digues après déboisement s'impose. Or ce n'est pas prévu. Les EPCI n'auront pas la capacité financière de réaliser ces travaux ; ils n'en auront pas non plus la capacité en termes d'ingénierie technique. Quid de leurs responsabilités dans ce cas, lorsque l'on sait que, en termes de gestion des risques d'inondation, rien n'est plus dangereux que la rupture de digues ? Que penser, enfin, d'un éventuel impôt supplémentaire qui serait levé pour compenser un défaut d'entretien par l'État depuis quatre-vingts ans ?

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