Question de Mme LAVARDE Christine (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 30/01/2020

Mme Christine Lavarde attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les conséquences du décret n° 2019-1555 du 30 décembre 2019 pris en application de l'article 17 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

L'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire adopté dans la loi susmentionnée est venu modifier le régime du forfait communal pour les classes maternelles privées associées à l'État par contrat. Désormais, en application du principe de gratuité de l'enseignement qu'impose la loi n°59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés, le versement de ce forfait devient obligatoire, en même temps que l'instruction le devient. Si cela ne pose aucune difficulté sur le fond, la question du coût de cette mesure pour les communes a été au cœur du débat parlementaire.
En effet, le Gouvernement a fait le choix, dans son projet de loi, de ne prévoir de compensation que pour les communes qui ne versaient aucun forfait, puisqu'il considérait qu'il ne s'agissait que d'une « extension de compétence ». Or, comme le constatait le rapporteur du projet de loi au Sénat : « Bien plus nombreuses, les communes qui assurent un financement partiel des classes maternelles privées sous contrat, souvent sur le fondement de conventions conclues avec les organismes de gestion de l'enseignement catholique (OGEC), ne recevront aucune compensation liée à la revalorisation des forfaits qu'elles versaient ». Considérant ce choix comme injuste, le Sénat avait alors adopté un amendement qui prévoyait une compensation « tenant compte des efforts réalisés en faveur des classes maternelles privées sous contrat ». Cette disposition a été supprimée du texte final.

La publication du décret et de l'arrêté du 31 décembre 2019 pose plusieurs questions, au regard de l'interprétation qui en a été faite par plusieurs associations d'élus.

Elle lui demande si ce décret ouvre bien, finalement, la compensation à toutes les communes, y compris celles qui participaient déjà, sans pour autant verser un forfait à parité conforme à la loi, que ce soit ou non via une convention ; si l'« équation » de la compensation est bien désormais, comme ce serait justice pour les communes, fondée sur une prise en compte de la hausse globale de la dépense scolaire de la commune.

Elle lui demande en outre si les communes doivent, si elles souhaitent obtenir une compensation, impérativement verser l'intégralité du forfait dès cette année et déposer un dossier de demande avant le 30 septembre 2020 ; ou bien, pour celles qui mettraient en place une montée progressive, si le rattrapage pourrait avoir lieu l'année suivante.

Elle lui demande également dans quelle mesure un recteur aura la faculté de s'opposer à une demande de compensation exposée par une commune.

Par ailleurs, dans le cas particulier des communes ayant signé un contrat dit de Cahors avec l'État, elle lui demande si les dépenses nouvelles induites par l'abaissement de l'âge de la scolarité à trois ans seront exclues du périmètre des dépenses de fonctionnement soumises à encadrement.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 04/03/2020

Réponse apportée en séance publique le 03/03/2020

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, auteur de la question n° 1104, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les conditions d'application de l'article 17 de la loi dite « pour une école de la confiance ». En effet, la publication d'un décret et d'un arrêté le 30 décembre 2019 laisse en suspens un certain nombre de questions, notamment au regard de l'interprétation qui a pu en être faite par plusieurs instances qui conseillent les collectivités locales.

Selon un article paru sur le site internet de la Banque des territoires le 6 janvier 2020, « l'État va donc attribuer des ressources à toutes les communes qui justifieront, au titre de l'année scolaire 2019-2020, du fait de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à 3 ans, d'une augmentation de leurs dépenses obligatoires par rapport à celles qu'elles ont exposées au titre de l'année scolaire 2018-2019. Il peut s'agir, d'une part, des communes qui ne finançaient pas du tout les écoles maternelles privées, d'autre part, de celles qui les finançaient déjà – soit les deux tiers des communes – et pour lesquelles seule la part d'augmentation résultant directement de l'abaissement à 3 ans de l'âge de l'instruction obligatoire fera l'objet d'une compensation ».

D'autres sites internet ont même établi des différences : si une commune versait 300 euros et doit désormais en verser 1 000, l'État lui compenserait un montant de 700 euros.

Un article paru le 10 janvier sur le site maire-info.com énonce ceci : « Lors de l'examen de ce projet de décret au Conseil national d'évaluation des normes, le 28 novembre dernier, les représentants des élus avaient soulevé une multitude de problèmes. […] Un certain nombre de questions très concrètes se posent, auxquelles le décret ne répond pas, puisqu'il ne précise pas les modalités d'attribution de l'accompagnement financier selon le type de rapport entretenu par la commune avec l'école maternelle privée. »

En conséquence, monsieur le ministre, je souhaite vous poser un certain nombre de questions précises.

Je voudrais savoir si ce décret ouvre bien finalement la compensation à toutes les communes, y compris à celles qui participaient déjà sans pour autant verser un forfait à parité, que ce soit ou non via une convention.

Je voudrais aussi savoir si les communes doivent, si elles souhaitent obtenir une compensation, impérativement verser l'intégralité du forfait dès cette année scolaire et déposer un dossier de demande avant le 30 septembre 2020 – j'ai cru comprendre qu'il pourrait même s'agir du 30 septembre 2021 –, ou bien si elles peuvent faire l'objet d'une montée progressive pour le versement de ce forfait, avec un rattrapage des années suivantes.

Je voudrais savoir dans quelle mesure un recteur aura la faculté de s'opposer à une demande de compensation exposée par une commune.

Enfin, pour les communes qui auraient signé un contrat dit « de Cahors » avec l'État, je souhaite savoir si ces dépenses supplémentaires seront retirées de l'enveloppe normée.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Christine Lavarde, à l'occasion des Assises de la maternelle, le Président de la République avait annoncé l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à 3 ans à compter de la rentrée de 2019. Cette nouvelle donne constitue un moment historique pour tous les enfants. En effet, après l'instauration de la scolarité obligatoire par la loi du 28 mars 1882, seulement deux aménagements ont été pris : en 1936 et en 1959.

Cette étape importante s'est traduite dans la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, dont l'article 11 instaure l'instruction obligatoire pour les enfants de 3 à 6 ans. Cette mesure constitue pour les communes une extension de compétences qui, en application de l'article 72-2 de la Constitution, doit donner lieu à un accompagnement financier de la part de l'État. L'article 17 de la loi prévoit à cette fin une attribution de ressources aux communes qui enregistreraient une augmentation de leurs dépenses obligatoires du fait de l'extension de l'instruction obligatoire à 3 ans.

Par voie réglementaire, le Gouvernement est venu préciser ce cadre d'application. Ainsi, le décret du 30 décembre 2019 et l'arrêté du 30 décembre 2019 définissent les modalités d'attribution de ces ressources : les dépenses éligibles sont les dépenses de fonctionnement nouvelles qui découlent directement de l'extension de l'instruction obligatoire et qui bénéficieront d'une attribution de ressources de l'État.

En ce qui concerne les écoles maternelles privées sous contrat d'association, les communes qui connaissent une augmentation des dépenses de fonctionnement des écoles dans ces conditions et qui n'ont pas donné leur accord au contrat d'association avec l'État pourront bénéficier d'un accompagnement financier de celui-ci. Cet accompagnement concernera aussi, ce doit être très clair, les communes qui participaient déjà aux financements des écoles privées sous contrat sur une base volontaire ou conventionnelle sans pour autant avoir donné leur accord au contrat d'association.

Les communes qui avaient donné leur accord au contrat d'association pourront également bénéficier d'une attribution de ressources de la part de l'État si leurs effectifs de maternelle ont augmenté, à hauteur des dépenses engagées pour la part d'effectifs supplémentaires.

Chaque commune sera donc accompagnée au regard de sa situation créée par la loi nouvelle.

En pratique, les communes qui souhaitent bénéficier d'un accompagnement financier devront adresser leur demande d'attribution de ressources aux services académiques. Cette demande devra être adressée avant le 30 septembre suivant l'année scolaire au titre de laquelle la commune sollicite cette attribution de ressources, après approbation des comptes financiers correspondants, soit, pour l'année scolaire 2019-2020, avant le 30 septembre 2021.

Lorsque la compétence en matière de dépenses de fonctionnement des écoles a été transférée à un EPCI, il appartient à ce dernier d'adresser la demande dans les mêmes conditions que celles qui sont applicables aux communes.

J'ai demandé aux services académiques d'échanger avec les communes ou les EPCI afin d'identifier, au regard des situations particulières, les dépenses éligibles à une attribution de ressources de la part de l'État et d'évaluer le montant de l'accompagnement financier qui pourra leur être versé.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Dans le cadre de ces échanges, les services académiques pourront solliciter, de la part des communes ou des EPCI, diverses pièces justificatives et croiser les données statistiques qui leur auront été communiquées.

Une réévaluation de l'accompagnement financier pourra être demandée par les communes ou les EPCI au titre des années scolaires 2020-2021 et 2021-2022. La procédure de présentation de la demande de réévaluation sera identique à celle qui est prévue pour la demande initiale d'allocation de ressources.

S'agissant de l'impact des variations de dépenses…

M. le président. Merci, monsieur le ministre !

La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.

Mme Christine Lavarde. N'ayant pas épuisé toutes mes questions, je souhaiterais une réponse écrite. Surtout, monsieur le ministre, une circulaire venant traduire le décret et l'arrêté serait bienvenue.

M. le président. Croyez-moi, monsieur le ministre, cela ne m'a pas fait plaisir de vous interrompre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Mais vous avez eu totalement raison, monsieur le président.

M. le président. Je vous invite à respecter votre temps de parole.

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