Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 12/03/2020

M. Cyril Pellevat attire l'attention de Mme la ministre des sports sur les violences sexuelles dans le sport, notamment dans les sports de montagne. Depuis quelques semaines, le sport français est secoué par une accumulation inédite de révélations de cas de violences sexuelles et de viols. Fin février 2020, elle a annoncé une série de mesures pour lutter contre ce fléau. Elle a notamment créé une cellule ministérielle dédiée à ce sujet, chargée de suivre les affaires qui sont signalées à ses services.
Pourtant, dans le cadre du groupe d'études du Sénat sur la montagne qu'il préside, il a été fait état du dysfonctionnement de cette plateforme, lors d'une audition consacrée aux violences sexuelles dans les sports de montagne. La personne auditionnée, pourtant impliquée dans la défense des victimes, les a informés des difficultés à trouver le courriel ou le numéro de téléphone permettant de contacter cette cellule. Il lui demande de l'informer des modalités de saisine de cette cellule. Il lui demande si le ministère des sports a suffisamment communiqué sur son existence pour en faire un outil efficace de lutte contre les violences sexuelles.
Il lui demande enfin s'il n'aurait pas fallu créer une cellule ad hoc, indépendante des fédérations et du ministère, pour garantir sa pleine impartialité.

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Réponse du Ministère des sports publiée le 27/05/2020

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2020

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 1173, adressée à Mme la ministre des sports.

M. Cyril Pellevat. Depuis quelques mois, le sport français est secoué par une accumulation inédite de révélations de cas de violences sexuelles et de viols.

À la fin de février 2020, madame la ministre, vous avez annoncé une série de mesures pour lutter contre ce fléau. Une cellule ministérielle dédiée à ce sujet a été créée et chargée de suivre les affaires qui sont signalées à vos services.

Pourtant, dans le cadre du groupe d'études sénatorial Développement économique de la montagne, que j'ai l'honneur de présider, il a été fait état du dysfonctionnement de cette plateforme. En effet, lors d'une audition consacrée aux violences sexuelles dans les sports de montagne, la personne auditionnée, pourtant impliquée dans la défense des victimes, nous a informés des difficultés à trouver le courriel ou le numéro de téléphone permettant de contacter cette cellule.

Aussi, pourriez-vous nous informer des modalités de saisine de cette cellule ?

Par ailleurs, pensez-vous que votre ministère a suffisamment communiqué sur son existence pour en faire un outil efficace de lutte contre les violences sexuelles ?

Enfin, n'aurait-il pas fallu créer une cellule ad hoc, indépendante des fédérations et du ministère, pour garantir sa pleine impartialité ? En effet, aucune enquête n'a été mise en œuvre, comme l'a relevé un article de Mediapart paru samedi, par la cellule créée concernant des allégations de violences sexistes à l'École nationale de ski et d'alpinisme (ENSA), pourtant sous tutelle du ministère des sports. Et si des enquêtes administratives ont été ouvertes, bien que tardivement, l'une est menée par l'ENSA elle-même, dont la gestion du dossier doit nous interroger, et la seconde, confiée à la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS), porte uniquement sur les conditions d'exercice des éducateurs mis en cause. Elle est donc incomplète, car elle ne vise pas à enquêter sur la gestion des alertes par l'école.

De nombreux témoignages existent et ont été portés à la connaissance de votre ministère. Je vous demande d'accorder une attention toute particulière aux victimes, qui vivent un véritable parcours du combattant, quand elles n'abandonnent pas avant le terme des procédures, découragées face à ce qu'elles considèrent comme une impunité.

Que comptez-vous faire, madame la ministre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports. Monsieur le sénateur Pellevat, je souhaite tout d'abord vous remercier de votre question, qui vous honore. Elle interroge la capacité de la puissance publique, au niveau national comme au niveau local, à protéger nos enfants.

Cette question des violences faites aux enfants, nous nous la sommes beaucoup cachée collectivement. Depuis plus de dix-huit mois et mon arrivée au ministère, cette question des violences dans le sport, je ne l'ai pas évitée. La parole des victimes s'est libérée, et nous avons découvert des faits inacceptables.

Ces faits, je ne les accepte pas. Nous avons posé le sujet de manière ouverte et transparente comme jamais, nous l'avons fait en écoutant et en agissant. On m'a critiquée, comme si je me désolidarisais du mouvement sportif, dont je suis issue, comme s'il fallait défendre celui-ci comme un tout, d'un seul tenant.

Certes, mon rôle est de défendre le sport, car j'ai été sportive, j'ai été dirigeante bénévole et éducatrice sportive. Je connais les bienfaits du sport pour nos enfants en termes de santé et d'éducation. Le sport mérite d'être encore plus valorisé par notre société.

Je veux redire aux éducateurs et aux éducatrices qu'ils sont admirables, qu'on leur fait confiance. Néanmoins, face à ces crimes et à ces délits, j'ai pris mes responsabilités. J'ai réuni tout le mouvement sportif et mobilisé les associations spécialisées. Nous mettons désormais en place des dispositifs nouveaux, comme celui qui vise à contrôler l'honorabilité des bénévoles. Les victimes et les autorités ont dit ce qui ne se disait pas : nous avons créé une cellule de traitement spécifique renforcée qui travaille d'arrache-pied et a été saisie en quelques mois de plus de 150 affaires.

Nous avons sécurisé un circuit de traitement et d'information robuste dans les affaires qui font l'objet de plusieurs types de procédures : administratives, judiciaires, voire disciplinaires sportives. Cela vaut pour tous nos établissements, nos services centraux comme déconcentrés, nos fédérations et nos clubs. Tous les faits font l'objet d'un contrôle administratif. Tous les faits font l'objet d'un signalement au procureur de la République aux termes de l'article 40 du code de procédure pénale et tous peuvent amener à des procédures disciplinaires.

Aucun cas signalé n'est à l'abandon, cela vaut aussi pour les faits que vous mentionnez à l'École nationale des sports de montagne (ENSM). Le ministère s'est saisi des signalements dès le mois de février. Nous aurons connaissance prochainement des résultats des enquêtes en cours.

Notre ministère n'est plus aveugle, toute la chaîne des responsabilités est examinée, car cette chaîne, depuis des dizaines d'années, a fauté à tous les étages.

C'est pourquoi j'ai aussi missionné une inspectrice générale du ministère pour étudier la manière d'être encore plus efficace en réponse à la détresse des victimes. Elle nous fournira ses premières pistes de réponse en juin. Elles porteront sur le contrôle de l'honorabilité, la formation des éducateurs et la prévention au sein des établissements et des fédérations.

Vous me demandez, monsieur le sénateur, si nous pourrions faire mieux. Je vous le dis humblement : oui, probablement. Quoi qu'il en soit, les agents du ministère et moi-même sommes plus que jamais mobilisés. Si la parole se libère et si l'on parle de ces sujets en ce moment, c'est peut-être parce que les victimes, les sportives et les sportifs, se sont senties soutenues. Sachez que nous ne faiblirons pas.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Je vous remercie, madame la ministre, des réponses que vous m'avez apportées. Je fais également partie du monde du sport puisque je participe à une organisation. Je n'ignore donc pas les difficultés qui sont les vôtres. Je sais aussi que la loi du silence a pu régner un moment. Je vous remercie des actions qui ont été menées. On le constate, la parole se libère. J'espère qu'il n'y aura pas d'autres freins et que des enquêtes complètes pourront être conduites afin de sanctionner les personnes fautives.

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