Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOCR) publiée le 05/03/2020

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la protection des civils dans les conflits armés. Aujourd'hui, lorsque des armes explosives sont utilisées lors de conflits dans des zones peuplées, 90 % des victimes sont des civils. Les conséquences sont dramatiques pour les populations habitant dans des zones urbaines et périurbaines. En effet, l'utilisation de ces armes entraîne la destruction des infrastructures essentielles pour garantir la sécurité alimentaire et sanitaire de ces populations, qui se retrouvent alors forcées à quitter leur ville, leur région ou leur pays. Suite à la conférence de Vienne pour la « protection des civils dans la guerre urbaine », qui s'est déroulée en octobre 2019, la majorité des 133 États présents ont annoncé leur volonté de travailler ensemble à l'élaboration d'une déclaration politique visant à mettre fin aux souffrances humaines causées par l'utilisation d'armes explosives dans les zones peuplées. Alors que ce processus devrait aboutir en mai 2020, il lui demande quelles initiatives la France, membre permanent du conseil de sécurité de l'organisation des Nations unies, envisage de prendre pour obtenir à cette date l'accord le plus large et le plus efficace possible pour que les populations civiles cessent de subir les nombreuses souffrances causées par l'utilisation de ces armes explosives.

- page 1100


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 07/05/2020

La France partage les graves préoccupations humanitaires relayées concernant les souffrances des civils dans les conflits armés. Ces souffrances sont dues en particulier à l'usage indiscriminé et disproportionné, par certaines parties aux conflits, d'armes explosives dans des zones habitées, avec pour conséquences un nombre important de victimes civiles et la destruction d'infrastructures essentielles. De tels usages des armes explosives en zones habitées méconnaissent les règles du droit international humanitaire, qui prohibent les attaques dirigées contre les biens et personnes civils, et imposent de respecter les principes de précaution et de proportionnalité dans la conduite des hostilités. La France est profondément attachée au droit international humanitaire et salue toute mobilisation de la communauté internationale pour en renforcer le respect. Elle a ratifié les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, et elle place le respect et la promotion de ces normes au cœur de son action diplomatique. En 2019, la France a lancé avec l'Allemagne, dans le cadre des présidences jumelées de nos deux pays au Conseil de sécurité des Nations unies, un Appel à l'action humanitaire, endossé aujourd'hui par 43 États, qui promeut en particulier l'universalisation du droit international humanitaire et sa mise en œuvre effective sur le terrain. C'est dans le même esprit que la France s'est engagée dans le processus d'élaboration d'une déclaration politique visant à réduire les souffrances humanitaires pouvant résulter de l'emploi d'armes explosives en zones habitées. Pour être efficace, cette déclaration devrait, d'une part, réaffirmer la pertinence des principes du droit international humanitaire – principes de distinction, de précaution et de proportionnalité -, qui, s'ils étaient universellement appliqués par toutes les parties au conflit, limiteraient efficacement et durablement les pertes et les souffrances civiles. D'autre part, la déclaration devrait appeler les États à mettre en œuvre des mesures opérationnelles concourant à un emploi maîtrisé de la force et visant à protéger les populations civiles et leur cadre de vie, en particulier lors de la conduite d'opérations militaires dans les zones où les civils sont présents en grand nombre. Conformément à cette approche, dans le cadre des négociations qui se sont ouvertes à Genève, la France a formulé avec ses partenaires des propositions concrètes, nourries par l'expérience et les pratiques de nos forces armées sur les théâtres où elles interviennent. Par ailleurs, lors des négociations de novembre 2019, la France a prononcé à titre national une intervention appelant à la mise en œuvre par les Etats de mesures concrètes concourant à un emploi maîtrisé de la force. Tout en tenant compte des défis inhérents à la conduite d'opérations en milieu urbain, ces propositions visent à promouvoir et diffuser de bonnes pratiques en matière de formation des forces armées au droit international humanitaire, d'organisation de la chaîne de commandement, de règles d'engagement, de mise en œuvre de procédures de ciblage, pour assurer une meilleure protection des populations civiles. La France entend contribuer à l'élaboration d'une déclaration politique qui permette d'améliorer réellement la protection des civils. Ainsi, cette déclaration politique devrait aussi ouvrir la voie à un renforcement de la coopération entre les États et leurs forces armées sur cette question : la mise en œuvre, la promotion et le partage des meilleures pratiques dans ces domaines contribueront à mieux traduire les principes du droit international humanitaire dans la réalité des opérations militaires et à répondre aux préoccupations humanitaires. Porteuse de ces propositions, la France continuera à prendre part au processus diplomatique qui a été engagé par la Conférence de Vienne. Elle souhaite que ces négociations se poursuivent dans un esprit d'ouverture et d'inclusion, conforme aux règles du multilatéralisme.

- page 2131

Page mise à jour le