Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 09/04/2020

Mme Laurence Cohen interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les mesures à prendre pour éviter la propagation du Covid-19 dans les prisons.

En effet, les centres pénitentiaires et les maisons d'arrêt sont des endroits particulièrement exposés, du fait de la surpopulation et de la promiscuité entre individus par exemple lors des fouilles et des palpations.

À Fresnes, on compte actuellement plus de 2 100 détenus pour 1 300 places théoriques. Huit personnes ont été testées positives au Covid-19 et un détenu est mort, ce qui a conduit au confinement de 93 autres détenus pendant deux semaines.

Malgré les mesures prises, les syndicats dénoncent le manque de masques pour détenus et surveillants et les risques accrus. Ils alertent également sur les violences potentielles que le confinement risque d'engendrer : les détenus, privés de parloirs et d'activités depuis le 18 mars 2020, sont particulièrement à cran. D'autres craignent les effets du sevrage sans suivi découlant de l'arrêt brutal de l'approvisionnement en produits illicites qui arrivaient principalement par les parloirs.

Plusieurs mesures ont été prises pour permettre de désengorger les prisons, avec des sorties anticipées. À Créteil, plus d'une centaine de remises en liberté ont été décidées en quinze jours. Mais cela ne suffit pas.

Aussi, elle lui demande comment veiller à prévenir toute propagation du virus au sein des établissements pénitentiaires et comment prévenir des violences éventuelles qui pourraient découler de cette situation exceptionnelle.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 25/11/2021

Face à l'évolution de l'épidémie de la Covid-19, le Gouvernement a rapidement pris des mesures afin d'éviter l'entrée et la propagation du virus dans les prisons et garantir la continuité du service public pénitentiaire. L'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie de la Covid-19 a ainsi facilité, pour la durée de la crise, le prononcé de mesures existantes comme la suspension de peine pour raison médicale, la libération sous contrainte sous forme de libération conditionnelle et la conversion de peine. En complément, elle a créé deux dispositifs transitoires et exceptionnels, applicables dans les conditions strictes prévues par ladite ordonnance : la réduction supplémentaire de peine liée aux circonstances exceptionnelles et l'assignation à domicile de fin de peine. Entre le 16 mars et le 11 mai 2020, sur la baisse de population carcérale de 12 959 détenus, seuls 3 288 condamnés ont bénéficié d'une mesure de réduction supplémentaire de peine exceptionnelle et 1 714 d'une mesure d'assignation à domicile de fin de peine. Ces libérations anticipées, motivées par la situation sanitaire, s'appuyaient sur des dispositions dont l'application était d'une part très limitée dans le temps, puisqu'elles n'ont été appliquées que 2 mois, et d'autre part strictement encadrée, notamment par de nombreuses exclusions liées à la nature de l'infraction commise ou au comportement en détention. Enfin, il convient de préciser que ces libérations anticipées, n'ont pas eu d'effet direct sur la délinquance, puisque seuls une trentaine d'entre eux ont été réincarcérés pour manquement à leurs obligations. Du reste, les profils concernés ont été pour l'essentiel libérés durant le confinement et, en tout état de cause, l'auraient été avant l'été. Concernant les conditions d'octroi de ces mesures, le service pénitentiaire d'insertion et de probation, afin d'émettre un avis sur une libération anticipée et évaluer le risque de récidive, a vérifié les conditions d'hébergement de la personne détenue mais également l'environnement social et familial dans lequel la personne se trouverait. Les libérations anticipées ont donc été décidées par l'autorité judiciaire, sur la base d'éléments transmis par le service pénitentiaire d'insertion et de probation et l'établissement pénitentiaire. Durant cette période, les personnes exécutant une mesure en milieu ouvert ont été suivies par le SPIP dans le cadre d'entretiens téléphoniques et de la transmission de tout justificatif utile par voie dématérialisée, conformément à la note de la direction de l'administration pénitentiaire en date du 17 mars 2020. Par ailleurs, dès le début de la crise sanitaire et en application de la doctrine du ministère des solidarités et de la santé du 19 mai 2020, des mesures de protection sanitaires ont été adoptées au sein des établissements pénitentiaires afin de lutter contre l'entrée et la propagation du virus. Depuis le 28 mars 2020, dans l'ensemble des établissements pénitentiaires, des masques chirurgicaux ont été mis à disposition des agents au contact direct et prolongé de la population pénale, puis de tous les agents en établissement à compter du 5 mai (directeurs, officiers et personnels de surveillance, équipes techniques, directeurs et conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, personnels administratifs, élèves, stagiaires et agents non titulaires, etc.). La note de la direction de l'administration pénitentiaire du 6 mai 2020 a rappelé le port du masque obligatoire pour les agents, pour les partenaires et, plus généralement, pour toute personne amenée à pénétrer au sein de l'établissement. Dans le courant du mois de juin 2020, en fonction notamment de l'évolution des stocks de masques chirurgicaux, les agents affectés en établissement et aux extractions judiciaires ont été équipés en masques lavables et réutilisables, au même titre que les agents exerçant au sein des services pénitentiaires d'insertion et de probation ou aux sièges des directions interrégionales des services pénitentiaires, dont la dotation est effective depuis le 11 mai.  Concernant les personnes détenues, la note de la direction de l'administration pénitentiaire du 2 juin 2020 a étendu le port du masque à l'ensemble des personnes détenues dès lors que celles-ci étaient en contact avec des intervenants extérieurs, ou étaient conduites à l'extérieur des établissements : extractions judiciaires et médicales, transferts administratifs nationaux ou internationaux, enseignement, formation professionnelle et travail pénitentiaire, commission de discipline, parloirs et entretiens de prise en charge, etc.  La note du 23 juin 2020 a par la suite confirmé la généralisation du port du masque obligatoire pour les personnels et les personnes détenues dans les circonstances prévues précédemment, s'ajoutant aux mesures de protection sanitaire imposées depuis le début de l'épidémie et régulièrement rappelées aux personnels et aux personnes détenues. Dans le cadre du rebond épidémique, la note de la direction de l'administration pénitentiaire du 14 octobre 2020 a renforcé le port du masque obligatoire : il a été étendu à l'ensemble des personnes détenues dès la sortie de cellule, à l'exception des établissements ou services ne constituant pas des clusters et n'étant pas situé en zone rouge. Cette extension a toutefois été généralisée à l'ensemble des établissements par la note de la direction de l'administration pénitentiaire du 30 octobre 2020, suite à l'annonce du Président de la République d'un reconfinement national. Le port étendu du masque se cumule avec la dotation des établissements, en quantité, en savon, en essuie-mains à usage unique et en solution hydro-alcoolique, l'application de mesures d'hygiène renforcée (nettoyage systématique et régulier des zones d'accès et des espaces) et des gestes-barrières pour l'ensemble des personnels servant dans les établissements pénitentiaires et pour les personnes détenues. L'approvisionnement des établissements en solution hydro-alcoolique est sécurisé (2 020 litres livrés le 26 mars, puis 2 500 livrés chaque semaine). Enfin, les orientations de l'administration pénitentiaire pour l'organisation des activités offertes aux personnes détenues s'inscrivent dans le respect des recommandations des autorités sanitaires. Les dispositions relatives au fonctionnement des parloirs et des activités sont conformes aux consignes du ministère des solidarités et de la santé et évoluent selon le contexte sanitaire. Restrictives dès le 17 mars 2020, lors du confinement généralisé, les mesures ont été progressivement assouplies lors des périodes de couvre-feu, de déconfinement et depuis le 24 novembre 2020, date de l'annonce par le Président de la République d'une adaptation des règles du confinement entré en vigueur le 28 octobre 2020 sur le territoire. Afin de limiter les effets de ces restrictions sur les détenus, et notamment prévenir les violences que pourrait provoquer cette situation, des mesures exceptionnelles d'accompagnement et de soutien financier à la population pénale ont été décidées par le garde des sceaux dès le 23 mars 2020 : une aide téléphonique de 20€ du 23 mars au 31 mars puis de 40€ du 1er avril au 30 avril, l'accès à la télévision gratuit pour l'ensemble des personnes détenues du mois d'avril à la fin de la période de confinement et le versement de 40€ sur le compte nominatif des personnes détenues dont la part disponible était inférieure ou égale à 100€ à la date du 23 mars, reconduit tous les 23 du mois jusqu'à la fin du confinement. Enfin, les mesures adoptées depuis le dernier trimestre 2020 ont vocation à permettre, dès que cela est possible, une continuité de l'exercice des droits des détenus : dispositifs de séparation adaptés pour les parloirs, enseignements en présentiel pour les détenus mineurs, continuité pédagogique à distance pour les détenus majeurs, sessions de formation professionnelle en présentiel, sous réserve d'un protocole sanitaire strict, cultes collectifs et activités des visiteurs de prison. L'administration pénitentiaire demeure vigilante, dans le sillage des mesures établies lors du premier confinement, à la protection des personnes détenues et des personnels de l'ensemble des établissements en imposant notamment des mesures sanitaires strictes et en conformité avec celles appliquées à tous nos concitoyens.

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