Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 23/04/2020

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question de la responsabilité des membres du conseil syndical dans une copropriété.

Ce dernier a pour missions, aux termes de l'article 21 de la loi du 10 juillet 1965, d'une part, d'assister et de contrôler le syndic, d'autre part, de rendre des avis sur toute question intéressant le syndicat.

Dans l'immense majorité des cas, le conseil syndical, trait d'union entre le syndic et les co-propriétaires, accomplit bénévolement un travail très précieux dans l'intérêt collectif de la copropriété.

Il arrive toutefois, notamment dans le cadre de conflits de voisinage, que certains conseillers syndicaux puissent abuser de leurs fonctions. Tel peut être le cas, par exemple, si le conseil syndical, ou une partie de ses membres, cherchent volontairement à tromper l'appréciation des copropriétaires présents ou représentés en assemblée générale en présentant un avis écrit infondé ou fallacieux afin de les convaincre de refuser une résolution présentée par un copropriétaire tiers.

Si tel est le cas, il lui est demandé si la responsabilité des conseillers syndicaux concernés pourrait être mise en jeu à titre individuel, étant rappelé que le conseil syndical n'est pas doté de la personnalité juridique et ne peut donc pas voir sa responsabilité engagée en tant qu'entité.

D'après la jurisprudence de la Cour de cassation, la responsabilité civile individuelle des membres du conseil syndical est très limitée, compte tenu du caractère bénévole de leurs fonctions et de la liberté de vote des copropriétaires en assemblée générale.

Toutefois, s'il s'avère qu'un ou plusieurs conseillers syndicaux ont cherché délibérément à abuser de leur « titre » de conseiller syndical pour tromper l'assemblée générale par un avis infondé ou fallacieux préjudiciable à un copropriétaire, il lui demande si ce dernier pourrait engager leur responsabilité sur le fondement de l'article 1992 du code civil, soit pour dol soit pour faute grave. Dans le cas contraire, il lui demande si les conseillers syndicaux peuvent engager leur responsabilité civile individuelle, sur le fondement du droit commun, dès lors qu'il a été jugé que l'auteur d'une résolution pouvait engager sa responsabilité en raison sa demande d'inscription à l'ordre du jour d'un question tendancieuse (Civ, 3e, 3 oct 2001, n° 97-15.727).

Il lui est demandé de bien vouloir donner sa position sur ces questions et préciser si des jugements sont déjà intervenus dans ce cas précis.

- page 1904

Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/08/2020

En vertu des dispositions de l'article 21 de la loi du 10 juillet 1965, il incombe au conseil syndical d'assister le syndic de la copropriété et d'en contrôler la gestion. Outre ces obligations d'assistance et de contrôle, il donne son avis sur toutes questions qui concernent le syndicat, pour lesquelles il est consulté ou dont il se saisit lui-même. Conformément aux dispositions de l'article 27 du décret du 17 mars 1967, ces fonctions de donnent pas lieu à rémunération. Le conseil syndical est dépourvu de personnalité morale de sorte que le mandat de conseiller syndical est exercé par chacun des membres du conseil à titre individuel. Le mandat du conseiller syndical le lie au syndicat des copropriétaires. Il en résulte qu'un copropriétaire n'est pas fondé à engager la responsabilité contractuelle d'un des membres du conseil sur le fondement de l'article 1992 du code civil. En revanche, tout tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui est préjudiciable (Ass. Plén. 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255 ; jugé en droit de la copropriété, s'agissant de l'action d'un copropriétaire tiers à un contrat de syndic : 3e Civ., 22 mars 2018, pourvoi n° 17-11.449). Le caractère gratuit d'un mandat a toutefois une incidence sur les conditions d'appréciation de la faute du mandataire. Le second alinéa de l'article 1992 du code civil limite l'engagement de sa responsabilité aux seuls manquements contractuels qui revêtent une certaine gravité. À l'aune de ces dispositions, la jurisprudence cantonne fortement les possibilités d'engagement de la responsabilité des mandataires bénévoles tels que les conseillers syndicaux. Dans un arrêt du 29 novembre 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a ainsi jugé que l'engagement de la responsabilité contractuelle du conseiller syndical par un copropriétaire tiers au mandat s'exerce dans les limites prévues par le second alinéa de l'article 1992 précité et requiert donc l'existence d'une faute suffisamment grave qui, au cas d'espèce, n'était pas constituée par une négligence dans la surveillance des comptes du syndic en l'absence de collusion frauduleuse entre le conseiller syndical et le syndic (Civ. 3ème, 29 nov. 2018, pourvoi n° 17-27.766). Cette limitation de responsabilité est appliquée dans une hypothèse où le manquement invoqué du conseiller syndical porte sur sa mission première et centrale d'assistance et de contrôle du syndic. Elle parait transposable, sous réserve de l'appréciation souveraine des juges du fond, au cas d'un manquement à sa mission de conseil de l'assemblée générale. Si la Cour de cassation n'a pas été amenée à se prononcer sur l'engagement de la responsabilité du conseiller syndical par un tiers au mandat, pour manquement à sa mission de conseil, elle a toutefois précisé que des choix peu judicieux du mandataire ne constituent pas un manquement à son obligation de conseil pour d'autres types de mandats à titre gratuit (1ère Civ., 14 juin 2000, pourvoi n° 98-17.752). Des juges du fond saisis de litiges opposants un copropriétaire à un membre du conseil syndical ont pu quant à eux indiquer qu'il appartient au copropriétaire demandeur de démontrer que la décision prise après avis du conseil syndical s'est avérée inutile ou injustifiée, que les informations délivrées par les conseillers syndicaux à l'assemblée étaient sciemment erronées dans le but de le dénigrer ou lui nuire, et que ces conseillers syndicaux ne sauraient en toute hypothèse être tenus responsables des conséquences des décisions souveraines de l'assemblée (CA Paris, pôle 4 - ch. 2, 21 juin 2017, n° 15/09932). Dans une affaire similaire, où une copropriétaire invoquait un abus d'autorité de l'ensemble du conseil syndical par le dépôt de notes indiquant le sens du vote des membres du conseil dans les boîtes aux lettres de la copropriété avant l'assemblée, la Cour d'appel de Paris a de nouveau rappelé que les copropriétaires réunis en assemblée générale sont libres de voter comme ils l'entendent, qu'il appartient au conseil syndical de donner son avis à l'assemblée générale en vertu de l'article 21 de la loi du 10 juillet 1965 et que le fait d'avoir remis à chacun un avis sur les différents projets de résolution n'était pas fautif (pôle 4 - ch. 2, 20 sept. 2017, n° 15/10113). Cette jurisprudence est conforme à celle appliquée en droit commun du mandat, selon laquelle il appartient au demandeur tiers au mandat à titre gratuit de démontrer non seulement l'existence d'un manquement contractuel suffisamment grave, allant au-delà de la seule mauvaise exécution de son mandat, mais également que les actes imputés à faute ont été commis de mauvaise foi par le défendeur (1ère Civ., 26 janvier 2012, pourvoi n° 10-11.528).   

- page 3806

Page mise à jour le