Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - Les Républicains) publiée le 29/10/2020

M. Édouard Courtial appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des mineurs étrangers dans l'Oise. En effet, comme dans de nombreux territoires de France, ce département doit faire face à des actes de délinquance toujours plus nombreux et plus violents. Pour y répondre, une proposition de loi (n° 357, 2018-2019) a été déposée au Sénat en 2019 et envisage, notamment, une présomption de majorité dans le cas de refus de se soumettre aux tests osseux et de mettre fin à l'obtention systématique d'un titre de séjour à leur majorité. Il lui demande s'il est favorable à de telles évolutions législatives et les mesures qu'il entend prendre contre ce phénomène en constante augmentation.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargé de la jeunesse et de l'engagement publiée le 06/11/2020

Réponse apportée en séance publique le 05/11/2020

Mme le président. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 1331, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Édouard Courtial. La crise sanitaire que notre pays traverse s'ajoute à deux autres crises, non moins préoccupantes : la crise migratoire et celle de l'autorité de l'État, qui engagent toutes deux notre avenir.

Ces crises ont pour conséquence une carence inacceptable de l'État dans la gestion des mineurs étrangers isolés. L'attentat dramatique commis à Paris le 25 septembre dernier par un Pakistanais admis en France en 2018 en tant que MEI l'illustre à l'échelle nationale. De nombreux raids pratiqués par des groupes de jeunes MEI dans des communes du sud de l'Oise reliées à Paris par le train en témoignent aussi à l'échelon local.

Bénéficiant du statut de mineur, ces jeunes jouissent d'un sentiment d'impunité inacceptable et peuvent s'adonner à des actes de délinquance multiples et répétés sans être inquiétés, en raison d'un arsenal législatif trop permissif et inadapté.

En tant qu'ancien président du conseil départemental de l'Oise, j'ai proposé en 2019, avec l'expérience qui est la mienne, des solutions opérationnelles et concrètes, dont j'invite le Gouvernement à se saisir sans attendre.

Ainsi, j'ai notamment proposé, afin d'améliorer la détermination de l'identité du mineur étranger isolé, que, en cas de refus d'effectuer un examen radiologique osseux, le demandeur à l'aide sociale à l'enfance soit présumé majeur.

J'ai également suggéré d'interdire le regroupement familial d'un MEI à ses 18 ans, ce regroupement constituant un appel d'air pour l'immigration illégale. C'est tellement vrai que les prix pratiqués par les passeurs diffèrent selon l'âge du migrant : c'est plus cher pour les mineurs que pour les majeurs.

Enfin, j'ai proposé que l'on aide les départements, dont les budgets explosent, à financer l'accueil des MEI. Par exemple, celui de l'Oise y consacre près de 20 millions d'euros par an, soit une fois et demie ce qu'il dépense pour le fonctionnement de ses collèges !

Définir une véritable politique migratoire, réformer le droit d'asile, lutter contre les fraudes à l'aide sociale à l'enfance, adapter la réponse pénale sont des missions qui incombent d'abord à l'État, et donc à vous, madame la secrétaire d'État, qui êtes aux commandes, avec une majorité – relative, désormais – à l'Assemblée nationale. Quand allez-vous enfin passer à l'action, alors que le sentiment d'insécurité n'a jamais été aussi grand dans notre pays ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement. Monsieur le sénateur Courtial, vous soulevez la question sensible des mineurs non accompagnés, sur laquelle il ne faut pas avoir de tabous.

Deux problématiques doivent être distinguées : il y a, d'une part, un certain nombre de mineurs délinquants qui causent des troubles à l'ordre public et qui refusent toute prise en charge ; il y a, d'autre part, des services d'aide sociale à l'enfance qui font face à un afflux de personnes étrangères qui se prétendent mineures et non accompagnées, alors qu'elles sont en réalité majeures. Leur prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance contribue à un engorgement et nuit in fine à la protection des véritables mineurs.

Les réponses doivent être adaptées à ces situations différentes.

S'agissant des mineurs délinquants, au-delà des poursuites pénales qui sont engagées, une coopération étroite a été développée par la France avec les autorités de leur pays d'origine afin d'assurer leur retour. La coopération la plus avancée concerne le Maroc. Le Gouvernement s'attache maintenant à accroître et à dupliquer ces coopérations.

S'agissant des personnes étrangères qui se prétendent MNA, vous suggérez de renverser la charge de la preuve et de présumer dorénavant majeur tout jeune refusant de se soumettre à un test osseux, comme le prévoit la proposition de loi déposée en 2019. Même si cette piste peut paraître intéressante, elle encourrait en réalité la censure du juge constitutionnel, qui s'est prononcé sur ce point en juillet 2019. En outre, le degré de fiabilité des tests osseux fait encore l'objet de polémiques, la marge d'erreur pouvant être de dix-huit mois à deux ans.

Le Gouvernement entend donc privilégier d'autres pistes pour détecter en amont les vrais et les faux mineurs en invitant les départements à solliciter davantage le concours de l'État dans la phase d'évaluation de la minorité. À cet égard, le Gouvernement estime regrettable l'attitude de certains départements, qui refusent d'utiliser ce dispositif. À partir de 2021, l'État réduira donc les remboursements des évaluations de mineurs faites par ces départements.

Le ministre de l'intérieur a invité les préfets, dans une instruction en date du 21 septembre 2020, à proposer aux mineurs d'anticiper l'examen de leur droit au séjour en les invitant à engager en amont la reconstitution des actes en lien avec les consulats de leur pays d'origine.

Ainsi, vous constatez, monsieur le sénateur, que l'action du Gouvernement sur ce sujet est cohérente : il s'agit de décourager en amont les faux mineurs de détourner les dispositifs de protection de l'enfance et de permettre aux véritables mineurs pris en charge par les départements d'élaborer un véritable parcours d'insertion en lien avec des parcours de formation sur des métiers souvent en manque de main-d'œuvre sur notre territoire.

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