Question de M. BUIS Bernard (Drôme - RDPI) publiée le 15/10/2020

Question posée en séance publique le 14/10/2020

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Bernard Buis. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, il n'est pas besoin de rappeler ici la longue histoire d'amitié qui unit la France et l'Arménie et l'affection que nous portons à nos amis arméniens.

De nombreuses villes de mon département, la Drôme, mais aussi du Rhône, de l'Isère et des régions parisienne et marseillaise ont tissé des liens étroits avec le Haut-Karabakh, en raison des liens de fraternité entre Français et Arméniens. Une belle illustration en est la signature d'une charte d'amitié entre le département de la Drôme et le Haut-Karabakh en 2015.

Le 27 septembre 2020, nous avons assisté impuissants à l'entrée en conflit de l'Azerbaïdjan contre les Arméniens du Haut-Karabakh.

Cette offensive militaire est venue brutalement raviver le « conflit gelé » autour de ce territoire, qui bénéficiait, depuis l'accord de cessez-le-feu de 1994, d'une relative stabilité, certes marquée par des épisodes de tension.

Aujourd'hui, avec la nouvelle violation de ce cessez-le-feu, notre inquiétude est grande. Nous constatons des affrontements d'une extraordinaire violence, qui se développent non seulement le long de la ligne de front, mais aussi dans nos villes amies : Stepanakert – amie avec la ville de Valence –, Chouchi, Martuni. Les premières victimes en sont les populations civiles, des familles arméniennes que nous connaissons bien.

Je sais, monsieur le ministre, que, dans le cadre du groupe de Minsk, vous ne ménagez pas vos efforts pour résoudre ce conflit et pour aboutir à une solution garantissant la paix et la sécurité des populations civiles.

Toutefois, notre préoccupation est vive quand nous voyons que le cessez-le-feu humanitaire négocié samedi dernier peine, lui aussi, à être respecté.

Dans de nombreuses villes de France, et hier soir à Paris, nous avons affirmé, nombreux, notre entier soutien au peuple arménien et karabahiote, ainsi que notre indéfectible amitié.

Monsieur le ministre, que peut faire la France pour arrêter cette offensive de l'Azerbaïdjan, qui est meurtrière pour les populations civiles d'Artsakh ? Je vous remercie par avance de votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 15/10/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/10/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Bernard Buis, dans cette affaire grave, il y a, pour la France, une urgence, un devoir et une exigence.

Une urgence, parce que l'escalade qui se poursuit entraîne de nouvelles victimes, particulièrement des victimes civiles. Cette situation suscite une émotion légitime, en particulier en France, du fait de la proximité des liens humains, des liens culturels, des liens historiques qui nous lient à l'Arménie. Vous avez fait part de cette émotion, que je comprends et que je partage.

Cette émotion, elle justifie que nous accentuions encore nos efforts pour faire accepter l'arrangement qui est intervenu samedi à Moscou, en notre présence, pour aboutir à un cessez-le-feu. Il y a urgence, parce que les ingérences étrangères, en particulier celle de la Turquie, alimentent cette escalade. Elles ne sont pas acceptables.

Il y a aussi un devoir, celui du mandat que nous a confié l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, dans le cadre du groupe de Minsk, que vous avez cité et que nous coprésidons avec la Russie et les États-Unis. Nos efforts se poursuivent en permanence, y compris, monsieur le sénateur, en ce moment même à Erevan et à Bakou.

Il y a enfin une exigence, mesdames, messieurs les sénateurs, celle de l'impartialité. En effet, c'est la condition de notre crédibilité de médiateur.

M. François Patriat. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Et à ceux qui souhaitent voir la France y renoncer, je dis que l'amitié qui nous lie à l'Arménie, au peuple arménien, serait mal servie si nous renoncions à ce rôle d'équilibre, car perdre notre impartialité, ce serait aussi laisser la porte ouverte à un rôle plus direct de la Turquie dans le règlement de la crise. Or il n'est pas possible qu'un pays puisse être à la fois protagoniste d'un conflit et partie prenante de son règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

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