Question de Mme DELATTRE Nathalie (Gironde - RDSE) publiée le 19/11/2020

Mme Nathalie Delattre interroge Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur le cadre juridique de la digue d'estuaire protégeant le Nord Médoc, en Gironde.

La rive gauche de l'embouchure de la Gironde est protégée depuis le XVIIIe siècle par une digue réalisée sur une vingtaine de kilomètres par les Hollandais afin d'assécher les terres marécageuses et d'y réaliser des polders appelés « mattes ».

Ces digues, construites sur les sols exondés, ont été intégrées dans le parcellaire des terres attribuées à des exploitants en vue de leur mise en culture.

Sur la base de la loi du 16 septembre 1807 relative à l'assèchement des marais, a été institué, en 1838, un syndicat des mattes du bas Médoc qui regroupe « les propriétaires intéressés à la construction et à l'entretien des digues destinées à protéger les terrains situés sur la rive gauche de l'embouchure de la Gironde ».

Jusqu'en 1947, ce syndicat a eu la charge d'assurer, avec l'aide et sous le contrôle de l'État, l'entretien de cette digue.

Depuis 1947, le département avait pris la responsabilité de la maintenance, sans faire évoluer la propriété.

La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a conduit au transfert de la charge à la communauté de communes « Médoc Atlantique » qui s'interroge, aujourd'hui, sur le réel statut des ouvrages constituant le système d'endiguement, à son sens, dépendances du domaine public.

En effet, depuis l'arrêt de section du Conseil d'État, « le béton » du 19 octobre 1856, les biens immobiliers affectés à une mission de service public et dotés d'un aménagement spécial sont des dépendances du domaine public, tout comme leur assiette, par la règle de l'accession.

Elle lui demande donc de clarifier dans sa réponse cette situation pour permettre, à la communauté de communes, un entretien efficace et sans ambiguïté qui ne se heurte pas à des revendications de propriété de la part des riverains.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 25/02/2021

L'appartenance au domaine public des digues établies sur la rive gauche de l'embouchure de la Gironde est à étudier au regard de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, qui dispose : « Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. » Le législateur a donc fixé comme condition préalable, sans laquelle le bien ne peut intégrer le domaine public d'une personne publique, que le bien lui appartienne. Aussi, il convient de s'intéresser à la propriété des digues, pour déterminer si un réexamen de leur situation juridique doit être envisagé. Les digues de la rive gauche de l'embouchure de la Gironde sont des ouvrages construits à partir de la fin du XVII ème siècle et intégrés dans le parcellaire des terres attribuées à des exploitants en vue de leur mise en culture. La création de ces digues a donc été réalisée sur des parcelles appartenant à des personnes privées. En outre, l'article 552 du code civil dispose que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ». À ce titre, les propriétaires privés de ces parcelles ont acquis le statut de propriétaire des digues par la règle de l'accession, prévue par l'article du code civil susvisé. La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014 a attribué à la communauté de communes « Médoc Atlantique » une compétence exclusive et obligatoire relative à la Gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) sur son territoire. Cette loi n'a cependant pas eu pour objet ni pour effet de transférer la propriété en tant que telle des digues au profit de la nouvelle autorité GEMAPI. En conséquence, sur la base des informations fournies, aucun élément ne permet de justifier l'appartenance au domaine public de la communauté de communes « Médoc Atlantique » des digues de la rive gauche de l'embouchure de la Gironde qui sont d'ores et déjà gérées par cette dernière. Toutefois, la loi met à disposition des collectivités compétentes en matière de GEMAPI les outils nécessaires pour pouvoir exercer sa compétence lorsque des ouvrages sont actuellement de propriété privée. S'agissant d'ouvrages privés, la communauté de communes « Médoc Atlantique » peut ainsi obtenir la mise à disposition des ouvrages, soit : par une acquisition à l'amiable, par une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, par l'instauration d'une servitude prévue par l'article L.566-12-2 du code de l'environnement. À noter, qu'en lieu et place d'une servitude, une convention libre entre l'autorité compétente en matière de GEMAPI et le propriétaire peut conférer les mêmes droits qu'une servitude. Une différence notable est que cette convention n'est pas transférée à l'acquéreur en cas de vente du terrain alors qu'une servitude est inscrite au registre des hypothèques. Au vu de la durée de vie des ouvrages, la solution d'une simple convention n'est pas à privilégier. Lors de la déclaration du « système d'endiguement », la communauté de communes « Médoc Atlantique », compétente en matière de GEMAPI, devra justifier de la mise à disposition des ouvrages (par l'une des voies précisées ci-dessus), ou a minima des démarches qu'elle aura engagées au moment du dépôt du dossier de demande d'autorisation environnementale pour le système d'endiguement constitué à partir de ces digues.

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