Question de M. DARNAUD Mathieu (Ardèche - Les Républicains) publiée le 24/12/2020

M. Mathieu Darnaud attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les difficultés rencontrées pour le recrutement de médecins titulaires d'un diplôme obtenu dans un pays hors Union européenne et espace économique européen pour exercer en centre de santé.

Il rappelle qu'en 2019, la France comptait 5,4 millions de personnes sans médecin traitant. Cette pénurie s'est aggravée ces dernières années, par les départs à la retraite de médecins de toute une génération.
Malgré la mobilisation des élus locaux qui tente de conjurer les déserts médicaux, les territoires ruraux peinent à attirer des professionnels de santé. Certaines municipalités tentent donc de se tourner vers des médecins étrangers pour exercer au sein d'un centre de santé agréé par l'agence régionale de santé (ARS), mais les difficultés administratives retardent considérablement les recrutements.

En effet, les autorisations d'exercer sont très contraintes dès lors que le médecin est titulaire d'un diplôme obtenu hors de l'Union européenne et de l'espace économique dépourvu d'équivalence en France. Un médecin étranger doit être soit titulaire d'un diplôme, d'un certificat ou autre titre mentionné aux articles L. 4331-1, L. 4141-3 ou L. 4151-5 du code de la santé publique, soit être ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'espace économique européen, ou encore être inscrit au tableau de l'ordre des médecins pour exercer en France.

Or, les opportunités prévues par ce dernier cas de figure sont annihilées par le décret n° 2020-1017 du 7 août 2020, qui n'autorise pas un médecin étranger d'exercer en tant que généraliste dans un centre de santé agréé par l'ARS. Contrairement aux établissements hospitaliers, qui donnent le droit à un médecin titulaire français d'accepter qu'un confrère étranger pratique en son nom sous son numéro au répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS).

Il lui demande donc s'il entend aligner les mesures d'exercice, en centre de santé, des médecins étrangers sur le régime en vigueur à l'hôpital, celui-ci permettant aux médecins concernés de passer l'examen d'équivalence.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 10/02/2021

Réponse apportée en séance publique le 09/02/2021

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, auteur de la question n° 1425, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, l'accès aux soins ne cesse de se dégrader dans notre pays. Ainsi, en 2019, près de 5,5 millions de nos concitoyens n'avaient pas accès à un médecin traitant.

Cette pénurie, encore aggravée par les départs en retraite massifs, est particulièrement ressentie dans les territoires ruraux ou périurbains, notamment dans le département de l'Ardèche, où je suis élu.

Face au désarroi des habitants privés d'accès aux soins, les élus locaux se mobilisent pour imaginer des solutions innovantes.

L'une d'entre elles consiste en l'ouverture de centres de santé municipaux agréés par l'agence régionale de santé (ARS). Malheureusement, les médecins français faisant défaut, leur fonctionnement nécessite le recrutement de praticiens étrangers répondant, bien entendu, aux qualifications prévues par le code de la santé publique. C'est le cas, notamment, dans la commune de Saint-Julien-en-Saint-Alban.

C'est d'ailleurs ainsi que les hôpitaux règlent leurs propres problèmes de recrutement, en conférant le droit à un médecin titulaire français d'accepter qu'un confrère étranger pratique en son nom, sous son numéro au répertoire partagé des professionnels de santé. Ce système permet ainsi aux médecins concernés de passer l'examen d'équivalence, augmentant à terme le nombre de praticiens en France.

Hélas, ce qui est possible à l'hôpital ne l'est plus, monsieur le ministre, dans un centre de santé pourtant agréé par l'ARS, je le rappelle. En effet, un médecin étranger ne peut y exercer en tant que généraliste, et ce à cause des dispositions du décret du 7 août 2020.

Ma question est donc simple : allez-vous aligner les mesures d'exercice des médecins étrangers en centre de santé sur le régime en vigueur à l'hôpital, levant ainsi un obstacle incompréhensible ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence d'Olivier Véran, qui m'a chargé de vous apporter les éléments de réponse suivants.

Vous interrogez le Gouvernement sur les mesures d'exercice, en centre de santé, des médecins internationaux ou titulaires d'un diplôme obtenu à l'étranger.

Le recrutement de praticiens titulaires d'un diplôme obtenu dans un pays n'appartenant ni à l'Union européenne ni à l'Espace économique européen – ceux que l'on appelle les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), comme vous le savez –, pour exercer en centre de santé, pourra toujours s'effectuer dès lors que, d'une part, le praticien aura satisfait à l'une des deux procédures d'autorisation d'exercice, à savoir le concours annuel de la liste A ou le dispositif dit « stock », et, d'autre part, qu'il aura obtenu le plein exercice par son inscription au tableau de l'ordre des médecins.

C'est pour sécuriser et faciliter ces recrutements que la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a réformé le mode de recrutement de ces professionnels, par le concours de la liste A ou par le dispositif dérogatoire et transitoire d'examen des compétences, tel qu'il est prévu par le décret dit « stock » d'août 2020, que vous avez cité.

Ces deux voies d'accès au plein exercice prévoient que les Padhue effectuent au préalable des fonctions probatoires, soit au sein de services agréés pour la formation des étudiants en troisième cycle des études de médecine, soit sur un poste répondant à des conditions strictes d'encadrement par un praticien senior titulaire de la spécialité dont ils relèvent.

Un centre de santé agréé par l'ARS pourrait répondre à ces critères et accueillir un professionnel, y compris en période probatoire. Ces lieux de stage dédiés sont destinés à apporter les garanties indispensables en matière de sécurité de notre offre de soins et de prise en charge des patients. Ils visent aussi à préserver le caractère formateur de ces fonctions probatoires devant conduire au plein exercice, dans la logique du compagnonnage qui demeure essentielle dans la transmission et la vérification des compétences de soins.

En tout état de cause, à l'issue de son parcours, ces professionnels, dotés du plein exercice et inscrits au tableau de l'ordre, pourront être recrutés par un centre de santé. J'espère ainsi avoir répondu à votre question, monsieur le sénateur.

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. J'y insiste, le décret d'août 2020 est encore, selon nous, trop rigide, et ne permet pas le parallélisme des formes. Nous voudrions que le Gouvernement travaille sur cette question pour y répondre véritablement et apporter des solutions très concrètes, pragmatiques, à ceux de nos territoires, notamment ruraux, qui font face à une problématique ayant, malheureusement, de lourdes conséquences sur la population, singulièrement dans la période de crise sanitaire que nous vivons.

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