Question de M. DEMILLY Stéphane (Somme - UC) publiée le 18/02/2021

M. Stéphane Demilly interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'application de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi EGALIM). Cette loi a notamment pour objectif de « payer le juste prix aux producteurs, pour leur permettre de vivre dignement de leur travail ». L'inversion de la construction du prix s'appuyant sur les coûts de production effectifs doit être une des réponses pour atteindre cet objectif.

Un peu plus d'un an après la promulgation de cette loi, comment cela se passe-t-il en pratique ? La réponse est simple : « pas comme prévu ».
En effet, alors que les négociations commerciales entre les transformateurs et les distributeurs se tiennent en ce moment et doivent durer jusque fin février ou début mars 2021, des manifestations d'agriculteurs ont lieu un peu partout en France pour dénoncer la teneur de ces négociations.
Dans les Hauts-de-France, les jeunes agriculteurs et la fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles (FRSEA) lui ont fait part de leur déception et de leur inquiétude face à la non-application de la loi. Ils ont le sentiment que la grande distribution est peu réceptive aux tarifs proposés par les fournisseurs, pousse à la déflation et que la hausse des coûts de production à l'amont n'est pas prise en compte. Ainsi, l'observatoire des prix et des marges souligne que, dans de très nombreuses filières, les prix payés aux producteurs n'intègrent pas suffisamment les coûts de production.

La crise sanitaire a mis en avant l'importance stratégique de préserver notre souveraineté alimentaire. Et cela passe nécessairement par une juste rémunération de nos agriculteurs !

Conscient de cet impératif, M. le ministre de l'agriculture a demandé une augmentation des contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et imposé aux distributeurs de se conformer aux obligations prévues par la loi EGalim sous peine de sanctions. Un comité des relations commerciales devait également se tenir début février. Il lui demande donc de faire un point sur la situation actuelle et souhaite savoir si, dorénavant, tout est bien mis en œuvre pour faire appliquer la loi EGALIM.

- page 1052


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 14/04/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/04/2021

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, auteur de la question n° 1519, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le ministre, début mars ont eu lieu les négociations commerciales entre les producteurs agricoles et les distributeurs. Un profond désaccord entre les parties s'est traduit par des manifestations d'agriculteurs partout en France, ces derniers dénonçant la teneur de ces négociations et demandant une application de la loi Égalim beaucoup plus juste. Le problème est bien là !

Rappelons que cette loi d'octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous avait notamment pour objectif de « payer le juste prix aux producteurs, pour leur permettre de vivre dignement de leur travail ». Aujourd'hui, il n'en n'est rien, et les espoirs des agriculteurs nés avec cette loi sont déçus.

Dans mon département de la Somme, les jeunes agriculteurs et la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) m'ont fait part de leur frustration devant cette non-application de la loi. Ils ont le sentiment que la grande distribution est peu réceptive aux tarifs proposés par les fournisseurs et que la hausse des coûts de production à l'amont n'est absolument pas prise en compte. D'ailleurs, l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ne dit pas autre chose quand il affirme que, dans de très nombreuses filières, les prix payés aux producteurs n'intègrent pas suffisamment les coûts de production.

Monsieur le ministre, la crise sanitaire a mis en avant l'importance stratégique de préserver notre souveraineté alimentaire.

Cela passe, vous le savez, par une juste rémunération de nos agriculteurs, leur permettant de répondre aux exigences sociétales et environnementales de plus en plus contraignantes. Il s'agit aussi de pouvoir donner envie aux nouvelles générations de s'installer, car il faut savoir que 46 % de la population agricole peut prétendre à la retraite dans les cinq ans à venir. Notre souveraineté alimentaire passe donc mécaniquement par des installations en nombre.

Allez-vous vous saisir du rapport de Serge Papin pour mieux rémunérer les agriculteurs ? Plus globalement, quelles mesures comptez-vous prendre pour que la rémunération des agriculteurs reflète réellement leur travail ?

Enfin, la situation de l'agriculture française dépend non seulement de l'application de la loi Égalim, mais aussi, bien sûr, de la politique agricole commune (PAC) et de sa fameuse déclinaison française. Pour les exploitations agricoles des Hauts-de-France, la réforme de la PAC, telle qu'elle est envisagée à l'heure actuelle, équivaudrait à près de 180 millions d'euros par an d'aides en moins. C'est colossal et, vous le comprendrez, inacceptable. Nos agriculteurs ont plusieurs propositions à vous faire sur le plan stratégique national, en cours d'élaboration. Je vous demande, monsieur le ministre, de les écouter. Nous ne devons pas avoir honte de soutenir notre agriculture.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur Demilly, je vous remercie d'abord de votre soutien constant au monde agricole.

Je vais commencer par la seconde partie de votre question, puis je terminerai en vous répondant sur Égalim.

Vous me dites que la nouvelle PAC va coûter 180 millions d'euros à la région Hauts-de-France. C'est absolument faux ! Ce chiffre est totalement erroné. C'est avec grand plaisir que j'en discuterai avec vous, mais ce n'est ni de près ni de loin la réalité de ce qui va se passer, bien au contraire.

Les deux questions qui viennent de m'être posées sont assez révélatrices des débats en cours : d'un côté, on me dit qu'il faut mettre plus ici ; de l'autre, qu'il faut mettre plus là.

La position que j'ai adoptée, c'est justement de mettre fin à ces transferts massifs. Par exemple, les régions en zones intermédiaires de céréales, qui ont profondément subi ces mouvements lors des différentes PAC passées, ont aujourd'hui des niveaux de rémunération extrêmement faibles. D'aucuns préconisent les transferts inverses, mais on mettrait alors à bas tout le monde de l'élevage. Il faut stabiliser, c'est-à-dire arrêter ces transferts massifs de certaines régions vers d'autres, comme vous l'avez rappelé. Ma position est très claire à cet égard. C'est une politique affirmée et assumée, ce qui n'avait jamais été fait lors des précédentes négociations sur la politique agricole commune.

Le second point de votre question porte sur la loi Égalim.

Oui, mille fois oui, il faut se saisir des recommandations de Serge Papin, que j'ai d'ailleurs réclamées avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher.

Pourquoi ?

Dans les négociations qui viennent de se terminer, nous avons vu que la seule solution pour faire bouger des lignes était d'entrer dans un rapport de force. Nous y sommes allés franchement, réalisant l'équivalent de six mois de contrôles en six semaines. Nous avons mis beaucoup de pression dans le tube, mais les relations commerciales ne peuvent constamment se définir ainsi, avec un rapport de force systématique engagé avec l'État. Je le ferai autant que de besoin, mais il nous faudrait trouver un système pérenne en allant plus loin qu'avec la loi Égalim. En gros, celle-ci elle a permis d'effectuer une marche en avant considérable en définissant une méthode, mais elle n'a pas, me semble-t-il, suffisamment sanctuarisé les indicateurs et les prix.

C'est cela qu'il nous faut travailler maintenant, et nous aurons l'occasion d'en débattre cet après-midi au Sénat. En tout cas, monsieur le sénateur, soyez assuré de mon engagement.

- page 3083

Page mise à jour le