Question de M. PLA Sebastien (Aude - SER) publiée le 04/02/2021

M. Sebastien Pla appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les effets cumulatifs de la crise sanitaire sur la crise à l'exportation dont sont victimes les viticulteurs en raison de l'engrenage des sanctions américaines dans le cadre du différend commercial Airbus-Boeing.
Un an après l'instauration des mesures compensatoires, autorisées par l'organisation mondiale du commerce (OMC), par l'administration américaine, la fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France estime que les sanctions douanières ont conduit à une baisse de 50 % des importations de produits français soumis à la surtaxe, soit une perte de chiffre d'affaires estimée à 600 millions d'euros et une perte de parts de marché des produits français sur le marché américain évaluée à 22 %.
Il souligne qu'outre l'absence d'intervention du gouvernement français sur les questions viticoles auprès de la Commission européenne (déclaration du commissaire européen en charge de l'agriculture en date du 13 janvier 2021), en amont de l'extension de ces taxes aux spiritueux entrées en vigueur à la mi-janvier, il s'étonne de ce que la Commission européenne persiste à négliger l'impact de ce contentieux sur la filière française.
Il lui rappelle que la viticulture française est pourtant l'un des fleurons de nos exportations, et qu'elle se trouve à ce titre, durement impactée, à l'inverse de l'Italie, non frappée par ces sanctions, qui ne cesse de progresser en parts de marché sur cette première destination à l'exportation.
Il lui demande donc quelles initiatives il souhaite conduire pour que les viticulteurs et producteurs de spiritueux ne soient pas sacrifiés sur l'autel de la compétitivité d'Airbus qui frappe injustement ces acteurs économiques français.
Il le questionne sur sa volonté de défendre cette filière de prestige en plaidant une approche complémentaire à celle retenue sur le plan européen concernant la l'utilisation des programmes de soutien européens non consommés, et notamment s'il entend solliciter une aide spécifique compensatoire européenne, en complément des aides renforcées annoncées par le Gouvernement, initiative qu'il salue, par ailleurs. Il lui rappelle enfin qu'il n'appartient pas aux contribuables français pas plus qu'aux viticulteurs français de supporter les frais d'un conflit commercial entre l'Union européenne et les États-Unis.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 17/06/2021

Les sanctions commerciales imposées par les États-Unis à l'encontre de l'Union européenne, à la suite de la décision du panel de l'organisation mondiale du commerce, en lien avec le différend entre Airbus et Boeing, sont entrées en vigueur en octobre 2019 et ont impacté les vins tranquilles, en deçà de 14°, conditionnés dans des contenants de moins de deux litres, en imposant une taxe ad valorem additionnelle de 25 %. Toutes les régions viticoles françaises sont visées. Le 31 décembre 2020, l'administration américaine a annoncé que cette taxe ad valorem additionnelle de 25 % s'appliquerait également aux vins tranquilles de plus de 14° et aux cognac et brandies d'une valeur de plus de 38 dollars par litre, donc les plus hautes qualités, à compter du 12 janvier 2021. Le Gouvernement s'est fortement mobilisé depuis l'annonce des États-Unis, afin que les filières françaises soient le moins impactées possible. La France a dénoncé la mise en place des sanctions et a privilégié une solution concertée avec l'ensemble de ses partenaires européens afin de lever les sanctions. Le Gouvernement a soutenu ainsi résolument la Commission européenne dans le dialogue engagé avec les États-Unis, et dans son message de fermeté sur les sanctions que l'Union européenne qu'elle a été autorisée à imposer aux États-Unis dans le cas du contentieux visant Boeing. Les États-Unis et l'Union européenne ont annoncé vendredi 5 mars avoir trouvé un accord visant à suspendre provisoirement, pour une durée initiale de 4 mois, l'ensemble des droits de douane additionnels appliqués depuis le 18 octobre 2019. La suspension est effective à partir du 11 mars 2021 et jusqu'au 10 juillet 2021. Même s'il s'agit d'une première étape qui ne règle pas le conflit définitivement, les opérateurs considèrent que cette décision offre une bouffée d'oxygène aux produits taxés à l'importation aux États-Unis. Les États-Unis et l'Union européenne devront poursuivre et intensifier les négociations dans les prochains mois pour trouver une solution définitive sur la question des subventions au secteur aéronautique. Si les mesures tarifaires américaines sont désormais suspendues, elles ont eu un impact négatif sur les opérateurs des États membres concernés durant toute l'année 2020 et ont contribué, en plus de la crise de la covid-19, à l'accumulation d'un surstock et de pertes de marges et de marchés du fait du renchérissement à l'achat des vins français sur le territoire américain. Au niveau européen, la Commission européenne permet désormais aux opérateurs de la filière viticole, à la suite de la demande des autorités françaises, de bénéficier d'une plus grande flexibilité dans la mise en œuvre des mesures de promotion du programme national d'aide (PNA) dédié au secteur viticole, financé par des fonds européens. Il s'agit notamment de donner la possibilité aux opérateurs qui le souhaitent de changer les marchés de destination de leurs opérations de promotion déjà approuvées. Les textes ouvrent également la possibilité de payer les actions menées à terme même si l'ensemble de l'opération n'est pas terminé. Les textes ouvrant ces dérogations ont été adoptés le 30 janvier 2020. D'autres dispositions européennes, adoptées tout au long de l'année 2020, ont donné de la flexibilité sur l'ensemble du programme national d'aides, pour modifier ou adapter plus facilement les opérations d'investissements par exemple. De plus, les taux maximum d'aide ont été majorés de vingt points pour l'essentiel des dispositifs du PNA, doté de 280,5 millions d'euros (M€) européens en 2020. Ces dispositions sur les flexibilités et les taux d'aides majorés, adoptées initialement jusqu'au 15 octobre 2020, ont été prolongées, à la demande de la France, pour une année supplémentaire. Des mesures de crise exceptionnelles ont été également adoptées par la Commission en 2020 et leur possibilité prolongée en 2021 : la destruction de surstocks de vins via la distillation en alcool destinées à des fins industrielles ou énergétiques et le soutien au stockage privé de vins. La mesure de distillation de vins a permis de transformer en alcool non alimentaire, avant les vendanges 2020, près de deux millions d'hectolitres (Mhl) de vins français, avec un soutien principal de 127 M€ de fonds européen agricole de garantie du PNA. Cette première campagne de distillation a été suivie d'une seconde jusqu'en mars 2021 à hauteur de 0,6 Mhl. Le soutien européen est complété par des aides nationales pour les deux campagnes de distillation, dont 42 M€ pour l'année 2020. Au total, les soutiens pourront aller jusqu'à 211 M€ au bénéfice des producteurs et négociants pour 2,6 Mhl de vins distillés. La mesure de stockage privé permettra un soutien au retrait temporaire de la commercialisation des vins en surstock chez les producteurs et les négociants, qui pourra aller jusqu'à 58 M€ de fonds européens et nationaux, dont 45 M€ de l'État. Enfin, à l'occasion du Conseil des 22 et 23 mars 2021, la France a signé une déclaration avec treize autres États membres demandant à la Commission européenne d'augmenter le soutien apporté au secteur vitivinicole via les PNA. La France demande ainsi un abondement des crédits européens, permettant de financer les mesures de crise (dont distillation de crise et stockage privé) sans impacter le financement des autres mesures habituelles du PNA dont la filière a aussi besoin (promotion dans les pays tiers dont les États-Unis mais aussi investissement dans les entreprises et restructuration du vignoble). Ce budget supplémentaire constituerait une réponse appropriée à la demande de compensation des pertes engendrées par la filière durant ces 18 derniers mois. Au niveau national, le Gouvernement a prévu des opérations collectives de promotion à l'export ainsi que le renforcement des actions « Business to Business » conduites par Business France. Pour ce faire, le budget dédié à la promotion « Business to Consumer » des vins français dans les pays tiers a été doublé : il s'est élevé à 1,3 M€ en 2020, contre 625 000 euros en 2019. De plus, les entreprises dont le chiffre d'affaire est inférieur à 500 M€ et qui souhaitent diversifier leurs débouchés à l'export sont invitées à mobiliser les outils de soutien financier public à l'export délivrés par Bpifrance assurance export au nom et pour le compte de l'État, et en particulier à l'assurance-prospection, qui leur permet de s'ouvrir à de nouveaux marchés. Enfin, le Gouvernement met également en œuvre des mesures de droit commun (délais de paiement, remises gracieuses, etc.) pour les entreprises qui rencontreraient des difficultés financières liées aux sanctions commerciales américaines. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation restera mobilisé auprès de ses homologues européens comme sur le plan national pour accompagner la filière viticole et limiter l'impact de ces sanctions sur son fonctionnement.

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