Question de Mme RAIMOND-PAVERO Isabelle (Indre-et-Loire - Les Républicains) publiée le 25/03/2021

Mme Isabelle Raimond-Pavero expose à M. le ministre des solidarités et de la santé que la crise sanitaire de la Covid-19 a touché tous les secteurs de la santé et, plus particulièrement, celui de la psychiatrie. La santé mentale et la psychiatrie sont des enjeux majeurs de santé. On estime qu'une personne sur cinq sera un jour atteinte d'une maladie psychique.
Le confinement mais aussi les difficultés économiques et sociales ont augmenté dans la population les symptômes dépressifs, anxieux et les addictions, induisant de nouveaux besoins en santé mentale.

Dans son rapport d'activité publié le 3 juin 2020, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) note une suroccupation constante des services psychiatriques.

31 603 lits ont été supprimés en service psychiatrique entre 1993 et 2018, d'après un géographe de la santé.

Le CGLPL marque également dans son rapport le manque de personnel soignant compétent. Leur disponibilité auprès des patients demeure variable d'un établissement à l'autre et est bien souvent insuffisante.

Enfin, le CGLPL constate une dégradation des soins au profit d'interventions d'équipes de sécurité au sein des établissements de soins.

La crise du coronavirus n'a rien arrangé dans les services de psychiatrie. Lors du premier confinement, les « agences régionales de santé ont indiqué que la psychiatrie n'était pas prioritaire dans la distribution du matériel de protection […] alors que certains publics suivis par les services de psychiatrie présentent des facteurs de risque à la maladie (anorexie, affections chroniques, etc.) ou des contre-indications et interactions à certains médicaments. »


La plupart des structures extra-hospitalières tels les hôpitaux de jour ont fermé. Les services d'hospitalisation complète ont adapté leur prise en charge : le placement ou le maintien à l'hôpital a été réservé aux patients qui en avaient impérativement besoin (les autres étaient orientés vers l'ambulatoire) ; des unités pour malades Covid (près de 90 au total, soit 1 100 lits) ont été créées ; les permissions de sortie ont été limitées ou annulées ; les sorties d'hôpital ont été très réduites pour les personnes hospitalisées sans consentement.
Les hospitalisations, en baisse durant le confinement, ont augmenté dès la fin juin 2020. Les services de santé mentale ont vu affluer après le confinement des patients qui avaient renoncé à leurs soins pendant cette période. Leur pathologie s'était parfois aggravée.

Aussi, devant l'afflux de personnes nécessitant des soins, l'absence de moyens et des soignants trop peu nombreux ou trop peu qualifiés, elle lui demande comment il envisage de sauver le secteur de la psychiatrie et, au-delà, les soignants et les malades.

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Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités et de la santé - Autonomie publiée le 29/09/2021

Réponse apportée en séance publique le 28/09/2021

Mme le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, auteur de la question n° 1610, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Isabelle Raimond-Pavero. Madame la ministre, la crise sanitaire de la covid-19 a affecté tous les secteurs de la santé, plus particulièrement celui de la psychiatrie. L'enjeu est majeur, puisque l'on estime qu'une personne sur cinq sera potentiellement atteinte d'une maladie psychiatrique. Les confinements successifs, conjugués aux difficultés économiques et sociales, ont eu pour effet d'augmenter les syndromes dépressifs, anxieux et les addictions. Cette situation a engendré de nouveaux besoins en matière de santé mentale.

Avant même le début de la crise sanitaire, le contrôleur général des lieux de privation de liberté se faisait l'écho des nombreuses difficultés des établissements de santé mentale, au premier rang desquelles figurait la suroccupation constante, la pénurie de personnel soignant compétent ne permettant pas aux établissements d'offrir une même qualité de prise en charge. Dans tous les cas, la prise en charge reste insuffisante.

En dépit du professionnalisme et de la remarquable adaptabilité dont fait preuve le personnel soignant, les confinements successifs ont évidemment aggravé la situation. Durant cette même période, nombre de structures extrahospitalières, notamment les hôpitaux de jour, ont dû fermer.

Dans son dernier rapport d'activité publié au mois de juillet 2021, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a relevé que, durant cette période, à défaut de directives de portée nationale, la situation a été gérée sur le fondement de décisions locales, avant qu'une concertation ne se mette en place autour des structures qui pilotent la psychiatrie au quotidien. Cela n'a pas été sans conséquence pour les patients qui, dans ce contexte, ont subi des restrictions excessives de leurs droits. Ainsi, il n'est pas surprenant de constater que, après le confinement, les services de santé mentale aient vu affluer des patients ayant renoncé à leurs soins pendant cette période, leur pathologie s'étant parfois aggravée.

Face à une crise inédite, à laquelle s'ajoute la mutation de la patientèle et de la demande collective, tout concourt au découragement et à l'épuisement des professionnels de la filière psychiatrique et à une baisse de la qualité et de l'efficacité des soins.

Madame la ministre, alors que se déroulent en ce moment même les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, quelles mesures concrètes envisagez-vous de prendre pour que le personnel soignant puisse travailler dans de meilleures conditions et offrir aux patients l'accompagnement et les soins de qualité auxquels ils ont légitimement droit ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie. Madame la sénatrice Isabelle Raimond-Pavero, vous l'avez rappelé, en ce moment même se déroule la deuxième journée des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. S'il était besoin de démontrer l'intérêt que nous portons à cette question, ces Assises parlent d'elles-mêmes. Elles seront d'ailleurs également conclues par le Président de la République.

Dans le contexte sanitaire actuel qui met à rude épreuve l'ensemble de la société depuis plus de dix-huit mois, ces Assises vont permettre aux professionnels, aux patients, à leurs familles, ainsi qu'à tous les citoyens de s'informer et de débattre des sujets de santé mentale et de psychiatrie dans leurs grandes orientations.

J'ai eu l'honneur de conclure hier la première journée de ces Assises. J'ai été particulièrement impressionnée par la qualité des intervenants et des interventions, ainsi que par la pluralité des thématiques abordées. Je suis convaincue que ces Assises marqueront une étape clef et permettront d'avancer vers une meilleure prise en charge de la santé mentale des Français.

Si les conséquences de la crise sanitaire ont mis davantage en exergue l'enjeu majeur que constituent la psychiatrie et la santé mentale, notre mobilisation en faveur du renforcement de la psychiatrie est antérieure.

Nous avons soutenu financièrement les établissements de psychiatrie : 110 millions d'euros de crédits pérennes supplémentaires ont été octroyés aux établissements de psychiatrie publique par une dotation annuelle de financement en 2020 et en 2021. C'était l'une des priorités fixées dans la feuille de route de la psychiatrie et de la santé mentale.

Les appels à projets nationaux mis en place depuis 2019 concernant le fonds d'innovation en psychiatrie et en pédopsychiatrie ont été reconduits en 2020 et en 2021 afin de renforcer l'offre de psychiatrie et la qualité des soins aux patients. Ils ont permis, notamment, la création de lits dans les territoires les plus dépourvus, en particulier pour proposer des conditions adaptées à l'hospitalisation des mineurs.

Le Ségur de la santé renforce les centres médico- psychologiques (CMP) et les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) en psychologues. La revalorisation salariale et l'exercice mixte en ville et à l'hôpital contribueront à l'attractivité de cet exercice pour les psychiatres.

Nous sommes déterminés sur ce sujet et notre ambition pour la psychiatrie est constante. Le rendez-vous des Assises vient précisément le rappeler.

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