Question de M. REDON-SARRAZY Christian (Haute-Vienne - SER) publiée le 25/03/2021

M. Christian Redon-Sarrazy attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la gestion de l'eau en Haute-Vienne. Le département connaît en effet depuis plusieurs années des épisodes climatiques extrêmes et récurrents, avec une pluviométrie excessive en hiver et des sécheresses intenses en été. Ces phénomènes météorologiques de plus en plus imprévisibles et rigoureux fragilisent non seulement l'alimentation et l'abreuvement des animaux, mais impactent également les récoltes et les productions végétales des agriculteurs, qui peinent à obtenir des rendements suffisants pour la stabilité économique de leurs exploitations.
Or, face à cette difficulté croissante, les éleveurs dénoncent en premier lieu les propositions de suppression des étangs, formulées sans offre d'alternative à vocation agricole, ainsi que plusieurs inégalités de traitement : d'abord entre départements, sachant que seuls ceux qui irriguent historiquement semblent avoir accès à l'eau et aux financements ; mais aussi entre agriculteurs, dont les dossiers ne sont pas traités avec équité selon leur localisation.
Dans un souci de lutte contre la raréfaction de l'eau face à la multiplication des épisodes climatiques extrêmes, les professionnels demandent donc à ce que des moyens financiers suffisants soient alloués à la réhabilitation et à la mise aux normes des étangs existants, sous réserve que ceux-ci aient une finalité agricole, et que cesse par ailleurs la différence de traitement observée entre agriculteurs en fonction du lieu d'implantation de leur exploitation.
Il lui demande donc son avis sur ces demandes et de quelle façon il entend y répondre.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 15/07/2021

L'agriculture est l'un des secteurs particulièrement exposés aux modifications hydrologiques, et il est important de réduire sa vulnérabilité à un risque accru de manque d'eau dans le contexte du changement climatique. En témoignent les conséquences de la sécheresse qui depuis plusieurs années touche de nombreux départements. Le département de la Haute-Vienne n'échappe pas à la règle, qui voit son agriculture, grandement liée à l'élevage, impactée par la diminution des rendements des cultures fourragères et des difficultés croissantes d'abreuvement des animaux. Face à ces tensions accrues, l'adaptation des territoires doit porter sur des actions visant à améliorer l'efficience de l'utilisation de l'eau, dont peut faire partie, dans le respect du fonctionnement des milieux, la mobilisation de nouvelles ressources. C'est dans cette perspective que s'inscrit l'intervention des services de l'État, en collaboration avec les acteurs agricoles, visant la durabilité des territoires du triple point de vue environnemental, économique et social. S'agissant de l'abreuvement, la direction départementale des territoires accompagne les projets d'aménagement de points d'eau par puits filtrants ou forages peu profonds sur des nappes perchées permettant d'obtenir de l'eau sanitairement correcte pour les animaux et disponible toute l'année. L'irrigation des cultures, quant à elle, pose la question de la présence historique sur le département de la Haute-Vienne d'une très forte densité de plans d'eau et de la possible mobilisation d'une partie d'entre eux pour l'usage agricole. Si l'État n'écarte pas cette possibilité, elle doit être appréhendée en concertation avec les propriétaires, à qui revient la décision première de l'usage souhaité de leur plan d'eau, dans une approche territoriale suffisamment large afin de garantir une pertinence d'approche hydrologique, en fonction des leviers d'intervention financière mobilisables, et en compatibilité avec les documents de planification de gestion de l'eau. Le département de la Haute-Vienne est couvert par deux schémas directeur d'aménagment et de gestion de l'eau (SDAGE Loire Bretagne et Adour-Garonne) et quatre schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), ce qui peut induire des difficultés concernant la lisibilité des orientations. Toutefois, cette pluralité d'approches s'inscrit toujours dans un objectif commun de préservation et de reconquête du bon état des milieux aquatiques. Pour autant, la contribution au bon fonctionnement des milieux n'a rien d'antinomique avec l'aménagement de plans d'eau existants pour un usage d'irrigation, et l'État peut autoriser ces travaux lorsqu'ils garantissent le remplissage du plan d'eau en période de hautes eaux tout en les déconnectant du milieu à l'étiage. Reste que si ces opérations, menées dans le respect du code de l'environnement, peuvent être autorisées, elles se heurtent bien souvent à la capacité des agriculteurs à les financer. Les agences de l'eau, en cohérence avec leur vocation première, financent en effet essentiellement l'effacement des plans d'eau, dans un but de reconquête des milieux. Le programme de développement rural de l'ex-région Limousin, auquel sont adossés les financements européens du fonds européen agricole pour le développmeent rural, soutient des opérations d'amélioration de la gestion quantitative de la ressource en eau, mais l'éligibilité d'investissements concernant la remobilisation de plans d'eau à des fins d'irrigation n'est pas clairement établie et son expertise relève de la région Nouvelle-Aquitaine, autorité de gestion des aides européennes pour ce type d'investissement. Les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation prendront attache des acteurs locaux afin d'expertiser la situation et estimer les besoins financiers associés à de telles opérations. S'agissant des aides aux investissements pour l'irrigation, les discussions sur la rédaction des prochains programmes régionaux seront pilotées par les régions qui restent autorités de gestion dans ce domaine. Elles s'inscriront dans le cadre qui sera fixé par le futur règlement européen. À ce titre, dans le contexte des négociations en cours, la France soutient une politique agricole commune ambitieuse d'un point de vue environnemental, y compris en ce qui concerne la protection et la mobilisation des ressources en eau, et souhaite pouvoir soutenir les investissements dans le domaine de l'eau en agriculture notamment pour accompagner la transition agro-écologique. Plus largement, la question toujours plus prégnante de l'anticipation de l'impact du changement climatique sur la ressource en eau pour l'agriculture, et dans laquelle s'insèrent pleinement les perspectives pour l'élevage, fera l'objet d'une séquence dédiée, au travers du « Varenne agricole de l'eau et du changement climatique » organisé par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation au cours du second semestre 2021. Il aura pour objectif de construire avec les acteurs une feuille de route, afin de déterminer les contours d'une stratégie d'anticipation au changement climatique et d'en préciser les actions et les outils prioritaires. Sur la base des résultats de travaux de recherche permettant d'apprécier les conséquences sur le plan agricole du changement climatique, il s'agira de se placer dans une perspective d'accompagnement du secteur agricole face à ce défi et aux enjeux relatifs à son adaptation.

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