Question de Mme DELATTRE Nathalie (Gironde - RDSE) publiée le 13/05/2021

Mme Nathalie Delattre interroge Mme la ministre de la transition écologique sur la nature de l'activité de pêche au carrelet, exercée sur le domaine public fluvial.

La reprise ou la création de nouveaux carrelets, dans le cadre de la délivrance d'autorisations d'occupations temporaires, sont examinées par les autorités compétentes sur leur domaine public respectif. En Gironde, cela concerne notamment l'établissement public territorial de bassin de la Dordogne (EPIDOR), le grand port maritime de Bordeaux, ou encore l'établissement public Voies navigables de France (VNF).

Alors que le régime juridique des carrelets de pêche avait pu être défini en 2004, en concertation avec les associations de pêcheurs au carrelet, et demeure encadré par le code général de la propriété des personnes publiques, en tant que bien mobilier, VNF a indiqué aux associations de pêcheurs aux carrelets de Gironde que les carrelets seraient désormais soumis aux règles d'urbanisme avec déclaration en mairie pour les cabanes dont la superficie serait comprise entre 5 mètres carrés et 20 mètres carrés, et dépôt d'un permis de construire au-delà de 20 mètres carrés.

Elle souligne que, s'il apparaît nécessaire que la surface maximale soit réglementée par VNF et limitée à 20 mètres carrés, la soumission des carrelets aux règles d'urbanisme au même titre que des ouvrages par nature et par destination différents constitue à la fois une surinterprétation juridique et une source de confusion.

Surinterprétation juridique en ce qu'elle conduit à modifier la nature juridique de ces biens, les transformant en biens immobiliers alors que ces biens sont mobiliers (précaires et démontables). Ces cabanes n'ont pas d'usage d'habitation et ne sauraient en avoir. Pour cela, les autorisations d'occupation temporaire du domaine public fluvial actuelles imposent que le site soit remis dans son état initial au terme de la convention. Ces petites cabanes de pêche de loisir sont donc entièrement démontables et sans réelles emprises.

Source de confusion en ce qu'elle confère aux municipalités une responsabilité nouvelle sans aucune forme d'explication. Les communes se retrouvent démunies face à une compétence d'intervention sur le domaine public fluvial qui n'est pas la leur. Aucune disposition spécifique ne figure d'ailleurs au sein des plans locaux d'urbanisme et n'a prévu ce cas de figure. Aujourd'hui, des municipalités refusent de prendre des responsabilités sur le domaine public fluvial sur lequel elles n'ont aucune autorité.

Elle indique qu'il est paradoxal d'introduire de telles dispositions à l'heure où les carrelets viennent d'être reconnus le 12 février 2021 par le ministère de la culture comme patrimoine culturel immatériel de la France, ce qui consacre la reconnaissance par l'État d'une pratique culturelle et non d'un patrimoine immobilier. Elle demande au Gouvernement de bien vouloir clarifier l'environnement juridique applicable aux carrelets.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Logement publiée le 21/07/2021

Réponse apportée en séance publique le 20/07/2021

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteure de la question n° 1670, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Nathalie Delattre. Madame la ministre, la reprise ou la création de nouveaux carrelets de pêche, dans le cadre de la délivrance d'autorisations d'occupation temporaire, sont examinées par les autorités compétentes sur leur domaine public respectif.

En Gironde, cela concerne l'établissement public territorial de bassin de la Dordogne, Epidor, le grand port maritime de Bordeaux, ou encore l'établissement public Voies navigables de France, VNF.

Alors que le régime juridique des carrelets avait pu être défini en 2004, en concertation avec les pêcheurs au carrelet, et qu'il est encadré par le code général de la propriété des personnes publiques en tant que bien mobilier, VNF a indiqué récemment aux associations concernées en Gironde que les carrelets seraient désormais soumis aux règles d'urbanisme, ce qui impose une déclaration en mairie pour les cabanes dont la superficie serait comprise entre 5 et 20 mètres carrés et le dépôt d'une demande de permis de construire au-delà de 20 mètres carrés.

S'il paraît raisonnable de limiter la surface de ces carrelets à 20 mètres carrés, les soumettre à des règles d'urbanisme conçues pour des ouvrages différents par nature et par destination est en revanche problématique.

Cela constitue à mon sens une surinterprétation juridique, qui tend à modifier la nature juridique de ces biens, les transformant en biens immobiliers alors qu'ils sont mobiliers. Ces cabanes n'ont pas d'usage d'habitation et ne sauraient en avoir ; elles sont entièrement démontables, précaires et sans réelles emprises.

De plus, cette décision unilatérale est source de confusion, parce qu'elle tend à faire porter sur les municipalités une responsabilité nouvelle sans aucune forme d'explication.

Les communes se retrouvent démunies face à une intervention sur le domaine public fluvial qui n'est pas de leur compétence. Aucune disposition spécifique ne figure d'ailleurs au sein des plans locaux d'urbanisme pour prévoir ce cas de figure. À ce jour, nombre de communes refusent d'exercer cette compétence, qui ne leur est pas dévolue officiellement.

Enfin, il me semble éminemment paradoxal d'introduire de telles dispositions à l'heure où, grâce à la mobilisation collective que j'ai eu l'honneur d'accompagner depuis plusieurs années, les carrelets ont été reconnus par le ministère de la culture, il y a quelques semaines, comme appartenant au patrimoine culturel immatériel de la France.

J'aimerais donc que vous puissiez nous apporter votre éclairage, madame la ministre, pour préciser l'environnement juridique applicable aux carrelets.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice Nathalie Delattre, vous avez souhaité interroger Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, sur la nature de l'activité de pêche au carrelet. Ne pouvant être présente, elle m'a chargée de vous répondre.

Le régime juridique des carrelets de pêche, tel qu'il a pu être défini en 2004, en concertation avec les associations de pêcheurs au carrelet, est encadré par le code général de la propriété des personnes publiques en tant que bien mobilier. Toutefois, cela ne les exclut ni du droit commun ni du champ d'application du code de l'urbanisme.

Je voudrais rappeler ici que d'autres constructions ayant des caractéristiques similaires à celle des cabanes de pêche au carrelet, telles que les petites bases nautiques démontables ou les paillotes, sont aussi soumises au respect du code de l'urbanisme.

Bien qu'elles ne requièrent qu'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public fluvial, il est important que ces constructions respectent les dispositions du code de l'urbanisme, notamment pour s'assurer qu'elles s'insèrent harmonieusement dans leur environnement.

Cette condition ne pose évidemment pas de difficulté pour les carrelets de pêche. En effet, grâce à la mobilisation que vous avez rappelée, ces derniers sont reconnus comme relevant du patrimoine culturel immatériel de la France ; ils s'intègrent donc par nature correctement dans leur environnement.

Pour le dire simplement, rien de tout cela n'est nouveau ; aucune disposition n'a été introduite récemment dans le droit de l'urbanisme en la matière.

Concernant les indications données par VNF aux associations de pêcheurs de Gironde, il s'agit seulement d'un rappel du droit commun, auquel, jusqu'à présent, les carrelets de pêche ne font pas exception. Le régime juridique défini en 2004 n'a pas eu d'incidence en la matière.

Le principe est simple : toute construction nouvelle, même si elle est entièrement démontable, doit être soumise à l'obtention d'un permis de construire.

Par exception, ces constructions peuvent être soumises à une simple déclaration préalable, voire dispensées de formalités d'urbanisme, en fonction de critères liés à leurs caractéristiques de hauteur ou de surface, à leur localisation ou à leur durée d'implantation, critères qui doivent être appréciés au cas par cas.

Il s'agit donc non pas de l'instauration de nouvelles obligations juridiques, qui créeraient de la complexité pour la pêche au carrelet, mais d'un simple rappel par VNF du droit existant.

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