Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 15/07/2021

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation en Birmanie.
Le Sénat a pris récemment plusieurs initiatives sur le sujet. Ainsi, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dont il est membre, a auditionné récemment des membres du Gouvernement et du Parlement birman en exil, notamment M. Aung Kyi Nyunt, président du comité permanent de l'assemblée de l'union (CRPH).
De même, le sénateur Pascal Allizard a déposé une proposition de résolution sur la Birmanie qui invite le Gouvernement français à reconnaître le Gouvernement d'unité nationale de Birmanie et à le soutenir dans ses actions pour le rétablissement de la paix et de la démocratie.
Aujourd'hui, l'économie du pays est en train de s'effondrer, le système de soins, le système éducatif et tous les services de base sont de plus en plus défaillants. Aussi, le représentant spécial des nations unies pour la Birmanie, soutenu par de nombreuses organisations non-gouvernementales, demande que la junte militaire soit privée des ressources financières du pétrole et du gaz.
De nombreuses voix s'élèvent pour demander, d'une part, des sanctions plus sévères pour faire cesser les atrocités commises par la junte contre le peuple birman et, d'autre part, un plan d'action humanitaire acheminé par des voies permettant de garantir que l'aide ne tombe pas dans les mains du pouvoir en place.
À l'heure où le bilan humain dépasse les 900 morts depuis le 1er février 2021, il lui demande de lui indiquer quelles initiatives il entend prendre – en lien avec les autres États membres de l'Union Européenne – pour faire cesser les agissements de la junte.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 21/10/2021

La Birmanie connaît une détérioration de sa situation humanitaire, sanitaire et sécuritaire depuis le coup d'État du 1er février, que la France a condamné dans les termes les plus fermes. Les violences et la répression, avec plusieurs milliers de détentions, ont conduit au déplacement de plus de 200 000 personnes. L'épidémie de Covid-19 aggrave encore le sort des populations qui subissent déjà la répression des forces de sécurité et les graves conséquences socio-économiques de la crise. Selon les dernières données de la Banque mondiale, l'économie birmane s'est contractée de 18% au cours de l'année budgétaire 2020-2021. Le prolongement de l'état d'urgence jusqu'en 2023 constitue une évolution particulièrement préoccupante. Face à cette situation d'une extrême gravité, la France a immédiatement répondu avec fermeté, en lien avec ses partenaires européens et internationaux. Au sein du système multilatéral, la France s'est efforcée de faire en sorte que la communauté internationale prenne une position claire et unie au sujet de la crise birmane, fondée sur le respect et la protection des droits de l'Homme. En ce sens, deux résolutions ont été adoptées par le Conseil des droits de l'Homme (CDH) en février 2021 et en mars 2021, avec notre soutien. Avec ses partenaires, la France s'est mobilisée pour que les dialogues avec la Haute commissaire pour les droits de l'Homme et le Rapporteur spécial pour la situation des droits de l'Homme en Birmanie soient maintenus lors de la 47e session du CDH, et les débats poursuivis, notamment avec la société civile. Le Conseil de sécurité des Nations unies s'est exprimé pour la première fois sur la Birmanie depuis 2017 à travers deux déclarations présidentielles témoignant de la forte mobilisation de la communauté internationale. Lors de la séance publique du 29 juillet, la France a réitéré sa condamnation la plus ferme du coup d'État, a exprimé sa préoccupation face à la situation humanitaire et a renouvelé ses appels à la cessation des violences, la libération des personnes arbitrairement détenues et la restauration de la démocratie. Enfin, l'adoption, le 18 juin dernier, de la résolution 75/257 par l'Assemblée générale des Nations unies et les discussions au sujet de la situation en Birmanie entre les chefs d'État et de Gouvernement du G7, à Carbis Bay en juin dernier, démontrent l'attention de la communauté internationale face à cette crise. Par ailleurs, l'Union européenne a adopté, le 21 juin, en plus des deux volets en place depuis le 22 mars et le 19 avril derniers, une troisième série de sanctions individuelles, portant le nombre total d'individus responsables du coup d'État désignés à 29, et celui des entités économiques à 6, dont les deux principaux conglomérats détenus par l'armée, trois entreprises d'État dans des secteurs clés et la principale organisation de vétérans des forces armées birmanes. Ce régime de sanctions interdit aux entreprises françaises de fournir des ressources financières à ces entreprises et organisations, et aux deux conglomérats, ainsi qu'aux 34 filiales qu'ils détiennent à plus de 50%, dans les secteurs des pierres précieuses, de la finance ou du commerce. Au-delà des sanctions, l'Union européenne a suspendu tout soutien budgétaire aux programmes gouvernementaux et les États membres sont convenus de continuer à évaluer l'ensemble des outils dont nous disposons, y compris en matière de préférences commerciales. La revue de l'aide au développement a vocation à suspendre tout projet susceptible de bénéficier aux autorités issues du coup d'État, tout en épargnant la population civile et les plus vulnérables, qui sont les premiers touchés par ces événements. Suivant ce principe, l'engagement de la France en matière d'aide humanitaire et de soutien aux ONG et organisations de la société civile birmane se poursuivra. Pour répondre à la situation humanitaire en Birmanie, particulièrement préoccupante, l'Union européenne a décidé d'ajouter 9 millions d'euros d'aide humanitaire aux 11,5 millions d'euros déjà programmés pour 2021. Par ailleurs, 2 millions d'euros d'aide d'urgence ont été ajoutés le mois dernier pour soutenir le pays dans sa gestion de l'épidémie de Covid-19. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères est pleinement mobilisé sur le dossier birman. Il s'est entretenu à ce sujet dès le début de la crise avec ses homologues indonésienne, malaisien, singapourien et thaïlandais. En juillet dernier, le ministre a de nouveau appelé ses homologues indonésienne et vietnamien, ainsi que le Secrétaire général de l'ASEAN pour échanger sur la situation en Birmanie et les solutions potentielles à la crise, en encourageant l'ASEAN à mettre en œuvre sans délai le consensus en cinq points adopté par le sommet de Jakarta du 24 avril. La nomination d'un envoyé spécial pour la Birmanie, le 4 août dernier, constitue une avancée positive et la France se tient prête à soutenir pleinement l'action de celui-ci pour la mise en place d'un dialogue incluant l'ensemble des parties prenantes, y compris le Comité représentant l'Assemblée de l'Union (CRPH) et le Gouvernement d'unité nationale (NUG). En termes de reconnaissance diplomatique, la position de la France demeure constante : elle ne reconnaît que les États et pas les gouvernements. Pour autant, la France entretient un dialogue régulier et confiant avec les membres du CRPH et du NUG. Le 9 avril, avec le soutien de la France, la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies en format Arria a permis d'entendre Daw Zin Mar Aung, membre du CRPH et aujourd'hui ministre des affaires étrangères du NUG. De même, la réunion publique du 29 juillet dernier, lors de la présidence française du Conseil de sécurité, a permis à Susanna Hla Hla Soe, ministre des femmes du NUG, d'intervenir. La France salue les efforts du NUG et du CRPH, ainsi que de l'ensemble des forces démocratiques de Birmanie en faveur d'une résolution pacifique de la crise. Sa position a été régulièrement exprimée en faveur d'un dialogue politique, ainsi que l'a notamment réaffirmé M. Josep Borrell, au nom de l'Union européenne, le 30 avril dernier. Par ailleurs, le résultat des élections du 8 novembre 2020 représente la volonté du peuple birman et doit être respecté.

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