Question de Mme JOSEPH Else (Ardennes - Les Républicains) publiée le 30/09/2021

Mme Else Joseph interroge M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité, sur les menaces qui pèsent sur le monde rural. En effet, certaines démarches ou pratiques, souvent de nature insidieuse, pour ne pas dire pernicieuse, qui affectent les agriculteurs, les pêcheurs et les chasseurs. Elles portent en réalité atteinte à ce patrimoine immatériel qui fait la force et l'attraction de la ruralité. On peut citer différents exemples de ces attaques ou menaces. Ainsi, la crise sanitaire a attiré dans les territoires ruraux des citadins. Si l'engouement pour les territoires ruraux doit être saluée, il y a cependant des craintes quant à l'avenir de certaines habitudes et usages. On redoute, par exemple, l'interdiction pour les agriculteurs de moissonner la nuit. Certaines pratiques traditionnelles seraient ainsi menacées. Dans d'autres cas, la menace est plus intentionnelle et même explicite. Le 6 août 2021, le Conseil d'État annulait plusieurs autorisations ministérielles qui autorisaient la pratique de certaines chasses traditionnelles. Cette décision a été perçue comme une véritable atteinte à l'égard de pratiques pluriséculaires qui font la spécificité de certains départements comme les Ardennes. Sans dialogue, ni concertation, il a été ainsi mis brutalement fin à des coutumes ancrées dans le temps. La tenderie aux vanneaux et la tenderie aux grives démontraient une précieuse connaissance de l'écosystème, où l'homme est le partenaire de la nature, jamais son antagoniste. C'est en réalité la ruralité et sa richesse que l'on met en cause au nom de logiques parfois abstraites. On pourrait ainsi multiplier les exemples. La biodiversité qui doit être défendue est intégrale : c'est l'environnement, composé de la faune et de la flore, mais nourri de cet apport indispensable qu'est l'expérience humaine. Il serait souhaitable que les pouvoirs publics s'engagent fermement pour que cessent ces différentes démarches – intentionnelles ou non – qui sacrifient tout ce patrimoine immatériel propre à la ruralité. Elle lui demande donc ce que le Gouvernement envisage pour défendre sans réserve cette richesse de nos terroirs qui fait la force de nos territoires. Il convient d'en finir avec ces démarches et pratiques inutiles qui entravent la vie quotidienne des Français.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargé de la biodiversité publiée le 01/12/2021

Réponse apportée en séance publique le 30/11/2021

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 1815, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.

Mme Else Joseph. Madame la secrétaire d'État, nous assistons, ces dernières années et surtout ces derniers mois, à des remises en cause fréquentes de la vie rurale et des modes de vie traditionnels, pourtant ancrés.

Rien n'a été épargné. On croyait certaines traditions protégées : elles sont non seulement attaquées, mais elles passent parfois sous les fourches caudines du juge.

Ainsi, le chant du coq est menacé. Combien de temps encore cet animal pourra-t-il chanter ? Les sonneries des cloches sont, elles, contestées ; visiblement, elles dérangent certains néoruraux.

Récemment encore, les atermoiements du Conseil d'État sur certaines chasses traditionnelles, comme la tenderie aux grives dans mon département des Ardennes, ne semblent plus mettre de borne à cette fièvre déconstructrice.

Les habitants de ces territoires sont inquiets : ils se demandent quelle sera la prochaine étape. C'est, pour eux, une véritable préoccupation.

Loin de moi l'idée d'opposer le monde rural au monde urbain. Je m'inscris en faux contre ce manichéisme qui dresserait la campagne contre la ville, mais la vie de nos campagnes ne doit pas être détruite au nom de certaines lubies, qui manifestent une incompréhension radicale de la ruralité.

La crise a révélé de nouveaux choix en termes de cadre de vie. L'attrait pour la campagne est plus fort que jamais. Encore faut-il tenir compte de ceux qui y vivent. La ruralité n'est pas une terre sauvage, non plus qu'une zone vierge qui n'aurait pas été façonnée par le travail plus que millénaire de l'homme. Je vous remercie de reconnaître la valeur du patrimoine rural, fruit de ces générations qui nous ont précédés.

Madame la secrétaire d'État, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour protéger la ruralité et, comme aurait dit Georges Pompidou, pour cesser d'embêter les Français en opposant les ruraux aux urbains ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Else Joseph, vous nous interpellez sur la richesse de nos terroirs, de nos traditions et de nos territoires. Ce n'est pas la Haut-Marnaise qui vous parle qui démentira l'existence de ce patrimoine naturel et culturel, que nous chérissons.

Ces traditions font en effet partie intégrante du patrimoine dont notre pays a hérité et sur lequel il s'est construit, au travers de son histoire.

Le Gouvernement s'attache à faire vivre cette ruralité et ses habitants, grâce aux programmes que vous connaissez et aux élus qui les font vivre. Je pense en particulier aux Petites Villes de demain ou encore au fonds Friches, qui vise à revitaliser des zones industrielles délaissées en ville comme à la campagne.

La création, en 2019, de l'Agence nationale de la cohésion des territoires vient soutenir cette ambition, et d'importants financements sans précédent, issus du plan de relance, appuient cette politique.

Malheureusement, les campagnes sont également les premiers témoins des pertes de biodiversité. Le suivi des populations d'oiseaux communs illustre cette tendance à la baisse : en moins de trente ans, le nombre de ces derniers a chuté de 30 %.

Au travers notamment du label Territoires engagés pour la nature, l'État valorise les actions et l'engagement des collectivités territoriales qui agissent en faveur de la biodiversité.

Par ailleurs, vous évoquez, madame la sénatrice, la question des chasses traditionnelles. Comme vous le savez, le Conseil d'État a annulé, en août 2021, les arrêtés pris par le ministère de la transition écologique au motif d'une non-conformité avec la directive européenne Oiseaux de 2009.

Au regard de cette décision, le ministère a renforcé la motivation de ses arrêtés publiés le 12 octobre dernier. Le 25 octobre, ces derniers ont été suspendus en référé par le Conseil d'État, dont le jugement sur le fond est à venir.

À l'instar de la politique que j'entends mener à l'égard de ces chasses traditionnelles, ce jugement devrait être très simple : nous devons respecter le cadre européen fixé par la directive Oiseaux ; nous devons surveiller l'évolution des populations d'oiseaux ; nous devons, enfin, contrôler les pratiques, en particulier leur sélectivité. Il importe vraiment de rester dans ce cadre et de ne pas laisser s'installer le sentiment que ces pratiques traditionnelles porteraient une quelconque atteinte au bien-être ou à l'image de ces territoires.

Nous nous inscrivons simplement dans un cadre que tout le monde conçoit et, me semble-t-il, entend respecter : celui de la gestion adaptative.

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.

Mme Else Joseph. Madame la secrétaire d'État, j'ai bien entendu votre réponse, mais je ne suis pas sûre qu'elle rassurera complètement les habitants de mon territoire, en particulier en ce qui concerne les chasses traditionnelles.

Si je reconnais que des politiques sont menées en faveur de la ruralité, je constate également que des contraintes pèsent sur cette dernière.

À cet égard, la question que pose, sur mon territoire rural, le développement de l'éolien est particulièrement importante : les éoliennes ont tendance à s'y étendre et à marquer, voire à « miter », le paysage. Je suis assez inquiète à ce sujet, madame la secrétaire d'État.

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