Question de M. LE GLEUT Ronan (Français établis hors de France - Les Républicains) publiée le 14/10/2021

M. Ronan Le Gleut attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la suppression de la carte vitale pour plus de 20 000 Français de l'étranger, consécutive à l'exigence nouvelle de quinze années de cotisations à un régime français de sécurité sociale, édictée par la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.
Cette suppression n'est pas seulement une injustice pour les retraités français établis hors Union européenne, elle est également discriminatoire entre Français de l'étranger selon leur pays de résidence.
Il souhaiterait donc savoir ce que le Gouvernement entend faire pour remédier à cette situation.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles publiée le 20/10/2021

Réponse apportée en séance publique le 19/10/2021

Mme le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut, auteur de la question n° 1844, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Ronan Le Gleut. Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi le Gouvernement a-t-il décidé de demander à des retraités français qui vivent à l'étranger de rendre leur carte Vitale ?

Je tiens ici à votre disposition un courrier de l'assurance maladie, plus précisément du Cnarefe, le Centre national des retraités de France à l'étranger, daté du 27 août 2021, voilà donc moins de deux mois, et adressé à une Française retraitée, qui vit aux États-Unis et qui a cotisé pendant quatorze ans en France. À ce titre, elle disposait de la carte Vitale. Or la conclusion de ce courrier est la suivante : « Nous sommes contraints de clôturer vos droits et d'invalider votre carte Vitale à compter du 1er octobre 2021. »

C'est en application de votre politique – plus précisément de l'article 52 de la loi 2018-1203 du 22 décembre 2018, entré en vigueur le 1er juillet 2019, et qui est codifié à l'article L. 160-3 du code de la sécurité sociale –, qu'il est demandé à cette personne de rendre sa carte Vitale pour les séjours temporaires qu'elle passe en France. Elle avait par exemple prévu de venir fêter Noël en France avec ses enfants et petits-enfants, mais elle n'est plus assurée, puisqu'elle dépend du système américain Medicare, qui ne la couvre pas à l'étranger. Par ailleurs, les dispositions transitoires qui avaient été envisagées ont été rejetées par un arrêt du Conseil d'État du 2 avril 2021.

Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi le Gouvernement a-t-il pris cette mesure, profondément injuste à l'égard des Français qui ne sont pas établis dans l'Union européenne, l'Espace économique européen ou en Suisse ? Combien de nos compatriotes sont-ils concernés ?

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d'État, à qui je demande de ne pas dépasser son temps de parole, même d'une quinzaine de secondes, car nous avons déjà pris du retard.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles. Je vais faire au mieux, madame la présidente.

Monsieur le sénateur Le Gleut, commençons par un exercice de transparence et d'honnêteté. Cette disposition n'est pas nouvelle et ne concerne pas que les retraités. Par ailleurs, l'exemple des quatorze ans de cotisation n'est pas totalement dû au hasard, puisque la loi impose quinze années de cotisation pour pouvoir continuer à bénéficier de la prise en charge des frais de santé lors des séjours temporaires en France.

Je le répète, cette exigence n'est pas nouvelle, puisqu'elle date de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, dont vous avez bien sûr débattu. Cette mesure avait, à l'époque, reçu un avis favorable du président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), ainsi que du président de la Caisse des Français de l'étranger (CFE).

Par ailleurs, dans un rapport sur la mobilité internationale des Français publié en septembre 2018, Mme la députée Genetet préconisait un pacte de protection sociale pour le rééquilibrage de la cotisation d'assurance maladie, dite Cotam. Elle proposait ainsi, dans sa recommandation n° 93, de modifier cet article L. 160-3 du code de la sécurité sociale que vous évoquez pour limiter le droit à la prise en charge des frais de soins lors d'un séjour temporaire aux pensionnés du régime français pouvant justifier d'au moins quinze années de cotisation, sans condition de nationalité.

Ce délai de quinze ans a été considéré comme un point d'équilibre et a été en quelque sorte validé par le Conseil d'État, qui a considéré qu'il n'était pas manifestement disproportionné au regard des conciliations entre les exigences constitutionnelles de préservation de la santé et de bon usage des deniers publics, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit.

Vous avez raison, les mesures transitoires ont, en revanche, été annulées par le Conseil d'État en avril 2021. Cette décision a eu pour effet d'entraîner la clôture des droits d'un certain nombre d'assurés. Pour autant, conscients des difficultés occasionnées pour les intéressés, les services, notamment la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), ont mis en place un traitement attentionné de ces dossiers, un délai supplémentaire de six mois étant venu s'ajouter au délai de trois ans entre l'adoption de la mesure et sa mise en œuvre.

Enfin, et j'en termine, madame la présidente, pour les pensionnés ne pouvant rester affiliés à la protection universelle maladie au motif d'une durée de cotisation inférieure à quinze ans, l'adhésion à la CFE constitue une solution de substitution, qui leur permet de continuer à bénéficier d'une couverture des frais de santé en cas de séjour temporaire en France.

Mme le président. Vous avez dépassé de quinze secondes, monsieur le secrétaire d'État. (Sourires.)

La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour la réplique.

M. Ronan Le Gleut. Monsieur le secrétaire d'État, ce qui nous choque profondément, c'est la dimension rétroactive de votre loi. Cette retraitée française dont je parle ne peut plus prendre la dernière option que vous préconisez. Quand on est un actif, on peut faire des choix. Dans son cas, ce n'est plus possible, malheureusement.

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