Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 17/02/2022

Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la menace de disparition de la culture des champignons de Paris en Île-de-France et dans l'Oise.
Déjà mal en point, cette activité pourrait disparaître dans les prochains mois, laissant le champ libre aux exploitants industriels et notamment les concurrents hollandais et polonais, qui trustent déjà une partie du marché.

En effet, la coopérative de Saint-Maximin (Oise) vient d'être placée en redressement judiciaire le 2 février 2022, par le tribunal de commerce de Compiègne ; or, c'est cet établissement qui fournissait toute la filière en substrat, ce mélange de fumier avec d'autres matières, indispensables à la culture du champignon de Paris.
Si les difficultés datent de plusieurs années, elles sont apparues au grand jour en septembre 2021 avec la fermeture de la plus ancienne champignonnière de l'Oise, celle de la Croix-Madeleine à Laigneville. Les dettes non réglées à la coopérative n'ont fait qu'aggraver une situation déjà tendue par un matériel vétuste et une situation économique sensible.
En décembre 2021, la production de substrat était stoppée sur le site, rendant les conditions des exploitants encore plus difficiles.

La société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) d'Île-de-France, qui s'est vu confier l'animation et la structuration de la filière champignons franciliens par le conseil régional, dit ne pas baisser les bras et recherche des repreneurs pour le site. Les champignonnistes essayent de leur côté de monter un dossier pour garder la partie encore fonctionnelle avec l'idée de pouvoir reproduire du substrat à terme.

Elle lui demande donc ce que compte faire le Gouvernement pour venir en soutien à cette filière agricole et éviter la délocalisation de la production dans des pays où la qualité des produits et des intrants peut être interrogée.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 05/05/2022

La filière française du champignon de couche (dit « de Paris ») s'appuie sur une cinquantaine de producteurs indépendants répartis dans différentes régions (Hauts-de-France, Nouvelle Aquitaine, Normandie, Île-de-France, Centre-Val de Loire), dont une organisation de producteurs (OP), qui génèrent 2 500 emplois directs. Elle dispose d'un fort potentiel de consommation, puisque la production nationale ne correspond qu'à la moitié des volumes consommés, l'autre moitié de l'approvisionnement reposant principalement sur la Pologne et, dans une moindre mesure, sur les Pays-Bas. Néanmoins, la production globale est en baisse : elle est passée d'environ 140 000 tonnes en 2000 à un peu plus de 80 000 tonnes en 2020, plaçant la France au 4e rang des pays producteurs en Europe derrière la Pologne, les Pays-Bas et l'Espagne. La filière française fait face à une concurrence importante des autres producteurs européens, qui bénéficient pour certains de coûts moins élevés en main d'œuvre, sur une culture qui en dépend fortement, la récolte à la main étant indispensable sur le segment du frais pour assurer une présentation et une conservation optimale du produit. La situation de la coopérative agricole d'approvisionnement de Picardie à Saint-Maximin illustre ces tensions entre un marché porteur et des difficultés à développer la production. À ce stade, la procédure de redressement judiciaire doit être menée à son terme afin de déterminer si le site peut être remis en activité par de potentiels repreneurs. De fait, ce placement en redressement judiciaire rend difficile toute intervention financière publique, compte tenu des exigences du droit français et européen de la concurrence. L'appel à candidature lancé par l'administrateur judiciaire en février 2022 s'est clôturé le vendredi 4 mars. Le tribunal de commerce doit à présent auditionner les potentiels repreneurs. Un délai supplémentaire a été accordé par le tribunal afin de permettre aux candidats d'étayer leurs propositions, ce qui témoigne de sa volonté de parvenir à une solution de reprise. Toutefois, il apparaît à ce stade que les offres de reprise n'ont pas vocation à reprendre l'activité de production de substrat. En complément, l'entreprise peut solliciter l'appui du commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises compétentes pour la région Île-de-France. Parallèlement, cet enjeu est d'ores et déjà suivi par la direction régionale interdépartementale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, le conseil régional d'Île-de-France, la communauté Creil Sud Oise et la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER). En effet, en 2020, la région a chargé la SAFER de l'animation et de la structuration de la filière champignon. La SAFER travaille actuellement sur une étude d'opportunité visant à définir des scénarii à court terme et à long terme permettant de pérenniser la filière champignon francilienne. À ce stade, la SAFER a identifié un acteur de la production nationale de substrat susceptible d'approvisionner les champignonnistes franciliens. L'étude doit également permettre de créer des synergies entre la filière francilienne et les producteurs des autres régions, qui rencontrent également des difficultés d'approvisionnement en substrat. La relance d'une unité de production efficace est estimée par la SAFER à environ 15 millions d'euros, et nécessite d'être portée par un ou des acteurs plus importants en termes de volume que les producteurs franciliens. Au niveau national, afin de développer la production de champignons (hors substrat et mycélium), les producteurs de la filière peuvent s'appuyer, s'ils se constituent en OP, sur une aide européenne par l'intermédiaire des programmes opérationnels (PO). Les PO sont des projets d'entreprises établis sur 3 à 5 ans (3 à 7 ans dans la future programmation applicable à partir du 1er janvier 2023). Ils sont destinés à assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, notamment en quantité et en qualité, à concentrer l'offre et mettre sur le marché la production des membres de l'OP, à optimiser les coûts de production et à stabiliser les prix à la production. Les dépenses induites pour conduire ces actions, notamment en termes d'investissements, sont ainsi cofinancées à 50 % par les OP et à 50 % par l'aide européenne via le fonds européen agricole de garantie. Par ailleurs, le plan d'investissement France 2030 permettra, dès cette année, de soutenir des projets collectifs au sein des filières agroalimentaires, afin de leur permettre de gagner en souveraineté et d'accélérer leur transition agro-écologique. Ce soutien sera ciblé sur les filières pour lesquelles le taux de dépendance aux importations est particulièrement préoccupant, ou qui sont au cœur des enjeux liés à une alimentation de qualité favorable à la santé. À ce titre, la filière du champignon de couche serait pleinement légitime à déposer un projet collectif de structuration et de développement de sa production.

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