Question de Mme DEMAS Patricia (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 14/07/2022

Mme Patricia Demas attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications sur la problématique du déploiement de la fibre au sein des poches de basse densité de la zone très dense (ZTD).
En effet contrairement aux zones AMII (appel à manifestation d'intention d'investissement), les opérateurs d'infrastructure n'ont aucune obligation s'agissant du déploiement de la fibre en ZTD. Aucun opérateur n'y est désigné pour y déployer la fibre et les poches de basse densité ne sont pas couvertes juridiquement par les conventions de programmation et suivi des déploiements (CPSD).
Afin de déterminer la probabilité d'une carence de l'offre privée et le besoin éventuel d'une intervention publique en zone ZTD, la Commission européenne retient un horizon temporel de trois ans. Légalement, la collectivité, après avoir constaté la carence de l'initiative privée, peut donc déployer (ou faire déployer) puis exploiter (ou faire exploiter) les infrastructures de communications électroniques indispensables au raccordement des locaux ne bénéficiant pas d'un développement privé spontané. Il s'agit in fine d'assurer la fourniture de services de communications électroniques aux utilisateurs finaux. Or, concrètement, les coûts et les délais sont rédhibitoires.
Une difficulté supplémentaire apparaît lorsque des investissements ont été réalisés partiellement par l'opérateur dans les poches de basse densité et que le rythme n'est pas à la hauteur des attentes des citoyens. La carence est dans ce cas difficile à prouver, sauf à ce que l'opérateur reconnaisse officiellement ne pas avoir la capacité de réaliser ces raccordements. Une fois la carence constatée, reste alors la question de la durée et du coût nécessaires au déploiement par la collectivité des prises manquantes qui, dans le meilleur des cas, prendra plusieurs années et ne sera pas de nature à satisfaire les usagers concernés…
L'action publique est complexe à mettre en place, longue et coûteuse.
L'association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (AVICCA) s'est positionnée pour qu'un grand nombre de communes concernées par cette problématique puisse sortir de cette zone d'impasse réglementaire qu'est la zone très dense où les opérateurs n'ont aucune obligation (ni de résultat, ni de complétude une fois les déploiements engagés).
Pour pallier la situation, le Gouvernement a récemment annoncé, lors de la dernière université du très haut débit, une simplification considérable des modalités d'accès aux ouvrages basse tension du réseau de distribution électrique exploités par ENEDIS pour la réalisation des raccordements fibre en aérien. Or, cette annonce, même si elle est de bon augure, ne permettra pas d'assurer la complétude des poches de basse densité des ZTD.
De l'avis de l'AVICCA et selon les attentes en la matière d'un grand nombre de collectivités, le meilleur moyen d'y parvenir serait de faire évoluer la réglementation afin que l'opérateur d'infrastructure positionné sur les poches de basse densité soit soumis, à minima, aux mêmes exigences que sur les zones moyennement denses d'investissement privé. Cela l'obligerait à poursuivre ses investissements avec un rythme équitable entre les différents territoires concernés sous la contrainte d'obligations de déploiement juridiquement opposables.
La modification du cadre règlementaire apparait en outre nécessaire pour que l'objectif du Plan France très haut débit, à savoir le déploiement de la fibre optique partout d'ici 2025, soit atteint.
Elle souhaiterait connaître ses intentions et celles du Gouvernement sur ces propositions.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications publiée le 03/08/2022

Réponse apportée en séance publique le 02/08/2022

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas, auteure de la question n° 036, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.

Mme Patricia Demas. Monsieur le ministre, ma question porte sur le déploiement de la fibre, au sein des poches de basse densité dans les zones très denses (ZTD).

En effet, contrairement aux zones dites d'appel à manifestation d'intention d'investissement (AMII), les opérateurs d'infrastructures n'y ont aucune obligation ; le principe posé étant celui de la libre concurrence.

La Commission européenne retient néanmoins, pour les ZTD, un horizon temporel de trois ans afin d'estimer la probabilité d'une carence de l'offre privée et la possibilité d'une intervention publique, en lieu et place de l'opérateur d'infrastructures défaillant.

Concrètement, cette carence est difficile à constater et la réponse apportée par la collectivité a peu de chance d'être de nature à satisfaire les usagers concernés, compte tenu de la durée et du coût nécessaires au déploiement des prises manquantes.

Force est de constater aujourd'hui, monsieur le ministre, que, en partie pour ces raisons, mais pas uniquement – je pourrais aussi évoquer le sujet des poteaux –, 830 000 logements et locaux professionnels sont actuellement non raccordables à la fibre dans les 106 communes classées en ZTD.

Plusieurs questions se posent. Comment l'État, qui a annoncé l'objectif de couvrir 100 % du territoire en fibre optique d'ici à 2025, compte-t-il reprendre la main afin de garantir une couverture en fibre complète dans les ZTD ? Souhaitez-vous faire évoluer le cadre réglementaire de ces zones selon les mêmes exigences que celles en vigueur dans les zones AMII ? Interdirez-vous la fermeture du réseau cuivre tant que les déploiements ne sont pas totalement achevés, comme le souhaitent l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca) et les 106 communes de la ZTD ? Dans ce cas, quelle serait l'échelle territoriale pertinente de la fermeture ?

Enfin, sera-t-il question de faciliter les déploiements, en révisant les règles actuelles d'utilisation des appuis communs Enedis, comme cela a été fait s'agissant des raccordements en fibre ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame la sénatrice Patricia Demas, vous attirez l'attention du Gouvernement sur le déploiement de la fibre au sein de la ZTD, qui est un sujet de préoccupation que nous partageons.

Permettez-moi, tout d'abord, de saluer le travail conjoint de l'ensemble des acteurs économiques, des élus locaux, des parlementaires et des collectivités locales, y compris dans votre département des Alpes-Maritimes, qui permet à la France, au sein de l'Union européenne, de figurer en première place s'agissant du déploiement de la fibre.

En effet, en moins de dix ans de déploiement, 72 % des locaux sont éligibles à une offre fibre et plus de 80 % le sont à une offre très haut débit au moyen d'une technologie filaire. Le plan France Très Haut Débit, lancé en 2013, vise un déploiement du très haut débit pour tous nos concitoyens, vous l'avez rappelé.

Pour atteindre cet objectif, et au regard du régime notifié en vigueur pour ce plan, ainsi que conformément aux règles d'attribution en matière d'aides d'État, les subventions sont mobilisées seulement sur la zone moins dense du territoire où la carence de l'initiative privée est établie. Sur les 20 milliards d'euros d'investissements effectués en dix ans, plus de 3,3 milliards d'euros sont du ressort de l'État.

Le cadre réglementaire de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), précisant les modalités de l'accès aux lignes de fibre optique jusqu'à l'abonné, dites FttH (Fiber to the Home), a considéré qu'il était économiquement viable pour plusieurs opérateurs de déployer leurs propres réseaux à proximité des logements situés dans ces zones de forte densité.

Une évolution législative, comme vous le suggérez, visant à renforcer cette recommandation de complétude pourrait soulever des questions relatives à la prévisibilité et à la stabilité du cadre législatif et réglementaire du déploiement de la fibre en France, au sein duquel les acteurs privés ont pris leurs décisions d'investissement ; autrement dit, cela équivaudrait à un changement des règles du jeu une fois que la partie a commencé. De plus, cette évolution serait contraire au droit européen en matière d'aides d'État et exposerait donc l'État à des contentieux.

Cela dit, je peux vous assurer que le Gouvernement et mon ministère sont pleinement mobilisés sur ce sujet et travaillent avec l'Arcep afin d'assurer l'accès au très haut débit à l'ensemble de nos concitoyens.

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